Joan et Catalina vivaient à Caimari, un village entouré d’oliviers et de montagnes majestueuses. Monter au Santuari de Lluc était une coutume chaque année, avec toute la famille : ils allumaient un cierge à la Mère de Dieu de Lluc, et disaient une prière devant l’image de la vierge brune, pour lui demander sa protection. En quittant le temple, ils achetaient des tailles multicolores et les attachaient avec une épingle à leurs vêtements, en souvenir de l’excursion.
Mais cette année-là, le mari a dit qu’ils iraient tous les deux seuls, sans parent ni frère ni cousin. Elle fut surprise, mais garda le silence. Depuis quelque temps elle remarquait qu’il était rude : il lui parlait durement, parfois elle voyait un regard de feu dans ses yeux. Joan était devenu jaloux, et à l’intérieur de sa poitrine – comme un serpent – le désir d’avoir Catalina juste pour lui.
Ils montèrent à l’aube, le souffle lourd de l’effort du voyage. Il ne parla pas, elle le regarda tristement. Elle savait qu’il doutait d’elle, que dans son cœur se trouvait le ver de la rancune. Au détour d’un chemin, une falaise s’ouvrit à ses pieds, si haute qu’elle le fit sursauter. La femme leva les yeux vers la beauté du paysage et sentit soudain une forte poussée qui la jeta dans le vide immense. Catalina – ses larges jupes flottant au vent – s’est précipitée avec un cri effrayant, dans cet abîme que tout le monde connaît aujourd’hui comme le saut de la Belle Femme.
L’homme continua son chemin vers Lluc, les poings serrés et le regard perdu. Il entra dans l’église et là, priant devant l’image de la Mère de Dieu, il trouva Catalina. Joan s’agenouilla à côté d’elle, la femme le fixa intensément. Des ailes d’ange l’avaient portée, saine et sauve, jusqu’au temple. On dit que la Vierge l’avait sauvée… ou que sa jupe était devenue si chaude lorsqu’elle est tombée qu’elle a amorti sa chute… Joan a dû répondre du méfait.
Et l’amour doit être gratuit et librement réciproque ! Pas de fermoir ni de jalousie.
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