Banalement, comme la majorité des Suisses, j’ai été fasciné, dès la jeunesse, par la montagne, ce fond de décor du pays.
Cette vue du Cervin, emblème de montagne, icône helvétique, c’est l’une de mes premières photographies (juillet 1957), prise avec l’appareil de mon père, un Agfa Billy Compur, sur pellicule 120 Perutz.
Montagne et photo, voir et comprendre les paysages, les premiers pas vers la géographie.
Dans » Blanc » récemment publié (Gallimard 2022), Sylvain Tesson :
» (…) Sans cesse, l’un de nous se retournait vers le Cervin. (…) La pointe noire semblait trop parfaite pour provenir des combats de la tectonique et de l’érosion. Le Cervin structurait le ciel. C’était l’idée de la montagne descendue dans la pierre. (…) «
Dans » Par les chemins » (Les Arènes 2022), Robert Macfarlane :
» (…) Toute montagne pyramidale relève d’une vision platonicienne : elle correspond à l’idée qu’on se fait d’une montagne. La pureté de sa forme nous fascine. En approchant une montagne comme celle-là, on a l’impression de pénétrer dans une fable ou dans une épopée. (…) «
Plus loin, citant John Ruskin en 1856 :
» Cet étrange Cervin produit sur l’imagination un effet si puissant, que les plus graves des philosophes ne sauraient lui résister. »
L’été dernier, au pic de la saison d’alpinisme 2022, le Cervin a été interdit de toutes activités alpines, les chutes de pierres s’accentuant. Effet tangible du surcroît de chaleur, de la modification du climat, particulièrement sensible dans les Alpes; le permafrost d’altitude fond. On comprend, dans un mélange d’incrédulité et d’effarement, que » nos » montagnes, ne sont qu’empilages de rochers cimentés par le gel.
Si ( et quand…) le Cervin s’écroulait, quel symbole pour le Toblerone ?