Dans le centre et l’ouest de la Lorraine, les paysages des vallées de la Moselle et de la Meuse sont dominés par des collines calcaires appelées “côtes”. Le village lorrain typique s’étire de chaque côté des petites routes rurales. Il est entouré de prairies où paissent des troupeaux de vaches. Des vergers de mirabelliers et parfois de petites vignes couvrent les versants de la côte.
La description bucolique vous fait rêver ? Partons à la découverte du village lorrain !
Qu’est-ce qu’un village ?
Je suis toujours frappé par la diversité des paysages en France.
Du nord au sud et de l’ouest à l’est, notre beau pays compte des territoires ruraux plus beaux les uns que les autres.
Et dans ces campagnes, le village tient une place importante.
L’ancienne paroisse de l’Ancien Régime regroupe ses vieilles maisons autour de l’église dont la flèche domine les alentours.
A l’instar de la diversité de la campagne française, les villages ne se ressemblent pas d’une région à l’autre.
Des villages perchés de l’arrière-pays niçois aux villages-hameaux de Bretagne, du village-rond d’Eguisheim en Alsace au village-rue de Lorraine.
D’après la définition du Larousse, un village est un “groupement d’habitations permanentes, dont la majeure partie de la population est engagée dans le secteur agricole”.
Le terme de village dérive du latin villa rustica “grand domaine rural” avec un suffixe -age. Il est attesté sous la forme latinisée villagium “groupe d’habitations rurales” en latin médiéval dès le 11e siècle.
C’est un établissement humain intermédiaire entre un hameau et un bourg, voire une ville. Longtemps, l’Insee a fixé un seuil entre village et ville : 2 000 habitants. Dans la pratique, l’attribution du terme “village” à une agglomération varie dans l’histoire et selon les territoires.
On recense plusieurs types de villages :
Le village lorrain typique
En 1937, le géographe Ernest Millet décrivait dans son manuel “Géographie lorraine” le village lorrain typique :
Le type le plus répandu est le village allongé avec une rue principale.
Un intervalle de 30 à 50 mètres sépare deux longues rangées de maisons bien alignées.
La route, bordée de caniveaux, occupe le centre de cette large allée ; de chaque côté les “parges”, inclinés en pente douce pour que s’écoulent les eaux, portaient autrefois les fumiers, les tas de bois, les instruments de labour et les chariots.
Les maisons accolées les unes aux autres forment sur chaque file une masse unique de bâtiments recouverts de toitures aux longues rigoles de tuiles creuses.
Le village-rue s’est généralisé dans plusieurs contrées lorraines après la Guerre de Trente Ans, au 17e siècle.
Des villages lorrains ou provençaux ?
Oublions le paysage et focalisons-nous sur les toits des maisons.
L’allure « méridionale » des toits traditionnels lorrains est frappante.
Toutefois, les tuiles canal (ou “tiges de bottes”) ont fortement régressé depuis le 19e siècle, au profit des tuiles dites mécaniques produites en grandes séries dans des tuileries industrielles. Mais la couleur dominante reste le rouge.
L’archétype du village lorrain
Le village lorrain converse un aspect assez singulier. Pour limiter mon étude sur les villages lorrains, je me cantonnerai aux villages-rues des plaines et plateaux de Lorraine
Le plus souvent, le village-rue lorrain comprend deux rangées parallèles de maisons, alignées de part et d’autre de la rue principale (route nationale, route départementale, voire simple chemin vicinal).
La forme du village permettait de faciliter le déplacement et le transport des produits agricoles. Elle correspondait à un usage économique et social des sols.
Ces maisons sont contigües et séparées par des murs mitoyens pour deux raisons :
- les résidents réalisaient une économie à la construction, puisque chaque propriétaire ne finançait que la moitié des murs communs.
- la disposition des maisons mitoyennes permettait de mieux se défendre contre la température extérieure. Elle conservait ainsi la chaleur en hiver et la fraîcheur en été.
Les maisons sont relativement peu larges, mais plutôt profondes.
L’habitat du village lorrain se compose de trois parties :
- l’usoir (qui le sépare de la rue),
- la maison proprement dite,
- le jardin et le verger (qui sépare la maison de la campagne environnante)
L’usoir
L’usoir a une surface importante : 6, 8 voire 10 mètres de largeur, de la façade de la maison à la rue.
Il descend en pente douce vers la rue avec, en bas, un caniveau pour l’écoulement des eaux de ruissellement.
- stocker la provision de bois de chauffage pour l’hiver.
- ranger le petit matériel agricole servant à travailler la terre : brouette, charrue…
- entasser le fumier, plus ou moins volumineux en fonction de l’importance du cheptel.
Curieusement, l’usoir était un signe ostentatoire de richesse.
Il disparut à peu près partout en Lorraine lors de la Première guerre mondiale. En effet, les villages étaient alors occupés par les troupes de soldats. Les officiers et commandants d’armes ont prescrit des règlements pour interdire les tas de fumier anti-hygiéniques. Après la guerre, le règlement fut maintenu par les autorités civiles.
L’usoir aujourd’hui
Depuis, l’usoir a laissé place à un espace herbeux sur lequel les habitants garent parfois leurs véhicules.
Aujourd’hui encore, une petite plate-bande ou quelques bacs de fleurs égayent les abords de la maison.
Les usoirs restent la propriété des communes (à l’exception des communes les plus méridionales de Lorraine où les usoirs sont cadastrés). Ces espaces sont souvent trop larges pour être convenablement entretenus par les communes. Seules les communes les plus riches (et les plus dynamiques) rénovent et entretiennent les usoirs en y plantant notamment des arbres.
La maison d’habitation
Comparée à la maison alsacienne, la maison rurale lorraine n’est pas très haute et est à un seul voire deux niveaux. Sa largeur dépend souvent de l’importance de son propriétaire.
Le toit
L’image pittoresque du village lorrain noyé dans son écrin de verdure doit beaucoup aux lignes obliques et parallèles des toits qui forment de légères dénivellations.
En effet, la maison rurale lorraine est bien adaptée au climat local avec une pente du toit de 45% environ.
La maison lorraine comprend une toiture à deux eaux et son faîtage est parallèle à la rue.
Le toit est couvert de tuiles de type romain (c’est-à-dire arrondies), de couleur vieux-rose.
La maison lorraine et le statut social du résident
De plus, les façades des maisons-fermes lorraines sont à deux ou trois rangs (travées). Ainsi, elle varie selon la catégorie sociale de l’habitant. On distingue ainsi la petite maison du l’ouvrier agricole et la maison à trois rangs du laboureur :
- la grange
- le logis
- l’écurie-étable
A noter que chaque rang en façade possède sa propre ouverture : une porte charretière monumentale pour la grange, une porte plus basse pour l’étable, un portillon (souvent ouvragé) pour le logis.
Le laboureur était le propriétaire le mieux placé dans la hiérarchie sociale du village. Son statut se définissait par le nombre de charrues, les dimensions de l’usoir et le nombre de travées dans la maison.
La grange
La grange est vaste, élevée et monte jusqu’au toit. On y accède par une porte charretière : large, haute et à fronton arrondi. Cette disposition de demi-cercle parfois aplati est caractéristique de la Lorraine rurale.
On y entreposait les voitures chargées de foin, le cellier, le pressoir et un four quand il n’en existait pas un communal.
Le logis
Le logis comprend en général trois pièces qui sont disposées sur la profondeur, de la façade côté rue au jardin. Ces pièces sont desservies par un couloir latéral.
La chambre parentale, qui donne sur la rue, est la plus belle. Cette Belle chambre est meublée d’un lit, d’une armoire, d’une table-guéridon, de deux chaises et parfois d’une commode.
La chambre des enfants se trouve à l’arrière de la maison, côté jardin.
Entre les deux chambres se trouve la cuisine. Sans fenêtre, elle accueille le foyer – la cheminée – qui sert à se chauffer, à chauffer le repas et à fumer le lard ou le jambon.
L’écurie-étable
Certaines maisons du village lorrain comprennent une troisième travée qui fait office d’écurie et/ou d’étable. Cet espace réservé aux bêtes s’étend sur toute la profondeur de la maison.
Le jardin et le verger
Derrière la maison, le jardin permet de planter un potager bordé de plates-bandes fleuries. Au-delà se trouve le verger puis une haie ou une palissade qui le sépare des champs.
On leur donne le nom de “meix“. Les meix correspondent ainsi à l’ensemble des jardins et vergers placés à l’arrière des maisons des villages lorrains.
Le petit patrimoine du village lorrain
Au-delà des maisons, le petit patrimoine des villages lorrains inclut un vaste ensemble de monuments qui ne sont pas classés “Monuments historiques”. Ce patrimoine rural peut inclure un nombre important de biens culturels et naturels :
- les églises et chapelles,
- les statues, sculptures et calvaires,
- les châteaux et tours,
- les cadrans solaires,
- les fours à pain,
- les moulins
- les fontaines et les pompes avec abreuvoir,
- les lavoirs,
- les puits,
- les alambics et les pressoirs,
- les vieilles gares et lignes de chemin de fer
- etc.
Les églises des villages
Parfois, l’église paroissiale du village lorrain renferme de véritables trésors. Ceux-ci sont souvent hors de portée des visiteurs car, de nos jours, les portes de l’église du village sont closes (hors offices religieux).
Prenons l’exemple de Sanzey, un village-rue du Toulois (Meurthe-et-Moselle).
L’église Saint-Nicolas date de 1852. Le milieu du 19e siècle est marqué en France, par un nouvel élan religieux qui conforte la foi traditionnelle. Des églises vont remplacer de vieux sanctuaires dans de nombreux villages de Lorraine : Ménil-la-Tour, Lagney, Minorville, Royaumeix, Heudicourt-sous-les-Côtes…
La petite église de Sanzey présente toutefois de belles proportions : un plan rectangulaire avec un clocher carré en façade.
Il y a quelques années, mon oncle m’avait ouvert les portes de l’église de Sanzey. J’ai été surpris par le décor néo-baroque du sanctuaire. L’extérieur, d’apparence très modeste, n’aurait jamais éveillé mes soupçons de ce qui se trouvait à l’intérieur !
Plus de photos
Le visiteur de passage devra faire preuve d’attention et de curiosité pour les trouver. Voici une petite sélection photographique :
Pour en savoir plus sur les villages de Lorraine
Voici une petite liste de villages-rues lorrains à découvrir lors d’une excursion en voiture ou à vélo :
- Dombasle-en-Xantois [88]
- Dugny-sur-Meuse [55]
- Gye [54]
- Hannonville-sous-les-Côtes [55] (où se trouve l’Écomusée des arts et traditions rurales en Lorraine)
- Mandres-aux-Quatre-Tours [54]
- Manhoué [57]
- Méhoncourt [54]
- Rouvres-en-Xantois [88]
- Sanzey [54]
- Sornéville [54]
- Xanrey [57]
A lire sur le blog et autres site web
- A lire : à la découverte de la Lorraine bucolique
- 50 photos du printemps en Lorraine pour se faire du bien
- En savoir plus sur le village lorrain de Hattonchâtel
- La page “habitat lorrain” sur Wikipedia