En juin 2021, le 22 du mois pour être exacte, je prenais l’avion en pleine pandémie pour rejoindre la Californie et la magnifique Sierra Nevada. Objectif du voyage: faire la John Muir Trail, un sentier de 339 kilomètres qui commence au coeur de la majestueuse vallée du Yosemite et se termine au sommet du Mont Whitney qui culmine à 4421 mètres.
Si j’ai rédigé plusieurs articles sur ma préparation à cette aventure, je ne l’avais pas encore fait depuis mon retour. J’ai écrit beaucoup sur le sujet dans le but de préparer un petit guide pratique (à venir bientôt) mais rien n’a été publié sur ce blog.
Pourquoi? D’une part, je pense que j’avais besoin de « digérer » cette aventure intense. D’autre part, parce que j’avais le sentiment que j’aurais du mal à en parler, à mettre des mots, à expliquer cette expérience. Ou plutôt de faire comprendre que ce que j’ai vécu, c’est bien plus que des paysages et de belles photos. D’ailleurs, je n’ai jamais considéré la JMT comme un voyage, mais plutôt comme un défi, une expérience, une aventure.
Alors, oui, la John Muir Trail est un sentier incroyablement beau, les paysages sont à couper le souffle et vivre pendant deux semaines dans la Sierra Nevada, loin de la civilisation et planter sa tente tous les soirs dans un environnement plus beau que le jour précédent ont été parmi les grands plaisirs de cette aventure.
Mais en aucun cas, ils n’arrivent à la hauteur de ce que j’ai vécu. Si c’est aussi ça la John Muir Trail, ce n’est que la pointe émergée de l’iceberg. Alors, 7 mois après mon retour, je pense que j’ai enfin réussi à trouver les mots pour décrire la partie immergée de cet iceberg et vous la partager!
Avant de se lancer sur les traces de John Muir
Cela faisait 3 ans que j’essayais en vain d’obtenir un permis pour accéder à la John Muir Trail. Et, alors que je pensais que le plus difficile était fait, lorsque j’ai eu la confirmation que j’avais gagné un de ces permis à la loterie pour le 25 juin 2021, j’étais loin de m’imaginer ce que la JMT allait me réserver.
En 3 ans, j’ai eu le temps de lire sur le sujet, de regarder des vidéos, de me documenter sur John Muir, de me préparer d’un point vue logistique, physique et psychologique. Je savais qu’une fois le permis en poche, les jours allaient se décompter rapidement et il me faudrait être prêt. Après tant d’attente, il n’était pas question de passer à côté de mon aventure et je comptais bien en profiter pleinement.
Pour en profiter, je m’étais mis comme défi de finir ce sentier de longue randonnée en solo et en 14 jours, soit une moyenne avoisinant les 25 kilomètres par jour. À cela, je voulais la réaliser en autonomie, c’est-à-dire en partant avec tout ce dont j’avais besoin pour 14 jours sans passer par un point de réapprovisionnement (resuply). Ça semble anodin dit comme ça, mais j’allais vite me rendre compte que 14 jours de nourriture, c’est beaucoup de poids. En plus, sur la JMT, à cause des ours, tout ce qui est nourriture ou qui a une odeur doit rentrer dans une « bear canister », une boite qui empêche les ours d’avoir accès à la nourriture et de dévorer vos provisions et votre sac. Alors le mot d’ordre serait: rationnement (on considère qu’on peut mettre de 8 à 10 jours de nourriture dans une de ces boites).
Bref, tout était pensé pour que je puisse profiter de mon aventure tout en faisant de celle-ci un défi physique qui me pousserait dans mes retranchements. C’est donc rempli d’excitation que j’ai passé de nombreuses nuits à m’imaginer, seul, au coeur de ces montagnes, en attendant de rejoindre Yosemite National Park le 24 juin 2021.
Une première journée qui aurait pu mettre fin à ce rêve!
La nuit sous tente avant le grand départ a été compliquée. La plus mauvaise des nuits. J’appréhendais les nuits seul, sous ma toile de nylon, perdu dans l’immensité des montagnes, entouré par une nature sauvage. Mais c’est cette première nuit au camping des « backcountry permits » qui a été la plus difficile. En fait, c’est la seule de tout le voyage. Il y avait beaucoup de monde, des groupes bruyants et la nervosité mélangée à l’envie m’empêchaient de trouver le sommeil.
Au petit matin, vers 5h00, les yeux piquants, je suis sorti de ma tente, prêt pour ce défi. J’espérais seulement que je serais à la hauteur de ce rêve que j’ai tant de fois fait défiler dans mes pensées. Une fois ma tente pliée et les dernières sangles de mon sac-à-dos bien serrées, je suis parti à l’aube, dans le froid et la brume du matin en direction du départ du sentier, les yeux rivés sur le Half Dôme qui domine la vallée du Yosemite. Après 20 minutes, j’arrive là où tout commence, où tous ceux qui se lancent (ou finissent pour ceux qui la font dans l’autre sens) prennent une photo avec le panneau indiquant la disante à parcourir : Mount Whitney via John Muir Trail 211 Miles / 340 Kilomètres.
C’est le départ officiel. Les premiers pas sont fougueux, remplis d’excitation et d’envie de découvrir ce sentier, ces paysages, ces montagnes, ces lacs, ces forêts, mais surtout de donner vie à cette aventure. Je connaissais bien les premiers kilomètres pour les avoir faits lors d’une randonnée quelques années plus tôt. Au programme; de la montée, encore de la montée et toujours de la montée. Pour cette première journée, c’est plus de 2100 mètres de dénivelé positif qui m’attendent pour respecter mon horaire planifié depuis des mois dans le confort de ma maison.
Plus les heures avancent et plus la température monte. La vague de chaleur qui frappe l’ouest des États-Unis depuis plusieurs jours commence à se faire sentir. Chaque pas devient plus difficile et me demande plus d’énergie. J’ai l’impression que mes pieds vont s’enfoncer sous le poids de mon sac à dos. 28 kilos et 37 degrés pour fardeau. Une chaleur qui en plus de se faire ressentir physiquement, est présente visuellement dans ces forêts ravagées par les incendies. Les seules zones sombres ne sont que vestiges des feux de forêt et les zones d’ombre sont rares.
Le chemin continue de monter, le temps file contrairement aux kilomètres qui semblent se rallonger. Je sors ma carte encore et encore pour me motiver, me donner l’impression que, malgré tout, j’avance. Je n’ai plus d’eau, j’espère que le prochain ruisseau est proche. L’angoisse monte. Pourquoi m’être lancé dans cette galère? Même pas une journée de marche et, déjà, je me sens en difficulté physiquement et mentalement. Les 13 jours qui restent vont se transformer en une véritable traversée des enfers. Pas une, ni dix fois, je me suis dit que faire demi-tour seraient plus simple, mais plutôt 100 fois ou peut-être 1000 fois, je ne sais plus! Je voulais du défi, me voilà servi! Est-ce que je manquais de préparation? Avec le recule je sais que non, mais les éléments étaient réunis pour que cette journée ressemble à un vrai parcours du combattant. Mon sac était 8 kilos plus lourd qu’imaginé et je m’étais préparé à éventuellement trouver de la neige comme c’est parfois le cas en juin dans les montagnes de la Sierra Nevada. Pas une vague de chaleur qui rendait l’air presque irrespirable.
J’étais presque résigné à faire une croix sur mon objectif de 14 jours. Plus, c’était l’abandon! Je me répétais deux règles que je m’étais fixées en partant. La première : si j’abandonne, ce n’est pas pour améliorer mon confort (lit, nourriture, propreté, plus de douleurs…). La seconde, était que cette décision devrait se faire obligatoirement après une nuit de sommeil précédée d’un « bon repas ». Ce ne serait que reposé et le ventre plein que je m’autoriserais à prendre cette décision. Avec ces deux règles, il n’y a plus que les cas de force majeure (problème de santé par exemple), qui deviennent acceptables. Mais ces deux petites questions, simples, lorsque les choses deviennent compliquées permettent de remettre les idées en place et de ne pas faire un choix regrettable.
Arrivé après un premier sommet, je me suis mis en quête de trouver un lieu ou passer la nuit. Et là, hasard des sentiers, je suis tombé sur un couple qui en était au même point que moi dans leur journée (enfin presque parce que eux étaient partis un jour plus tôt), mais qui prévoyait de se rendre avant la tombée de la nuit là où j’avais initialement prévu de camper. Alors que je pensais écourter ma première journée, je me remets sur pied et je leur emboîte le pas jusqu’à ma destination initialement prévue; Upper Cathedral Lake.
Cette première journée reste gravée de façon très précise dans ma mémoire, notamment une montée interminable dans laquelle je devais faire une pause tous les 30-40 mètres pour retrouver mon souffle, les larmes au bord des yeux, peur de faire face à l’échec qui semblait inévitable. Bien que cette journée ait été extrêmement difficile, je pense qu’elle a forgé les bases pour le reste de l’aventure.
Le déclic pour aller de l’avant et grandir
Les 3 journées qui ont suivi se sont ressemblées. Seule différence, les « bobos » ont commencé à apparaître. La vague de chaleur ne partait pas, le poids du sac ne diminuait pas, et les sentiers montaient encore et encore. C’est normal, faire la JMT en 14 jours, c’est en moyenne 1KM de dénivelé positif chaque jour.
Pourtant, malgré les difficultés, je me posais de moins en moins la question sur mon intérêt de faire cette randonnée. J’apprivoisais progressivement les douleurs et les difficultés pour en faire un plaisir. C’est aussi pendant ces 4 premiers jours que j’ai mis en place ma routine quotidienne: rythme de marche, pauses, moments pour manger, écriture dans mon journal, préparation de ma tente, souper et préparation de ma journée du lendemain.
Et c’est petit à petit que je me suis aperçu que certains éléments me manquaient lorsque j’ai préparé la John Muir Trail. Des choses simples, qu’on ne lit pas et qui même lorsqu’on les lit semblent soit trop simples, soit trop abstraites pour qu’on puisse les assimiler concrètement.
Je me suis rendu compte de 3 choses qui me servent encore aujourd’hui dans mon quotidien. 3 leçons que j’ai intégrées sur ce sentier et qui ont transformé ma vision dans mes différents projets. Les voici, peut-être vous seront-elles utiles :
- Un pas à la fois : atteindre un objectif ça ne se fait pas du jour au lendemain ou en claquant des doigts. Il faut y aller une étape à la fois, un pas à la fois. Peu importe votre John Muir Trail, c’est l’addition de tous ces petits pas qui nous mènent à notre objectif. Lorsqu’on me dit, « wow, tu dois être super en forme pour faire ça» je reste convaincu que c’est moins une question de capacité physique que de comprendre que comme tous les gens qui ont arpenté et arpenteront ce sentier, je l’ai fait un pas à la fois. Il n’y a aucune autre façon de le faire! Un concept simple, mais qu’on perd souvent de vue dans nos quotidiens mouvementés.
- Ce pas qu’on fait, on ne peut le faire que dans ses propres souliers. Si on essaye de le faire dans ceux de quelqu’un d’autre, ça ne fonctionnera pas! Alors j’ai marché à mon rythme, à ma façon, dans des souliers qui me convenaient. Faisant des pauses et plantant ma tente quand c’était le meilleur moment pour moi. On n’est pas l’autre. Alors il faut être en accord avec soi-même. J’avais besoin d’un défi, je voulais le faire avec des contraintes de temps et de logistique pour pimenter les choses, c’était ma façon de faire la JMT. Je n’aurais pas trouvé le même plaisir et le même intérêt de le faire selon la façon de quelqu’un d’autre.
- Ne pas projeter le moment présent sur le reste de son aventure. Ce qui amène les pensées négatives, c’est la difficulté du présent. Ce qui les amplifie et ce qui leur donne un contrôle sur nous, c’est de projeter ce moment dans le futur. Non, maintenant n’est pas dans 2 heures, aujourd’hui n’est pas demain et demain n’est pas la semaine prochaine. Même lorsque les choses semblent compliquées, trop compliquées, il faut rester focaliser sur ce qu’on peut contrôler, c’est-à-dire le présent et surtout ne pas projeter ces difficultés du présent sur les jours, semaines, mois à venir. Le premier jour, je pensais passer 14 jours en enfer. Finalement, avec le recule, ce que je pensais être un chemin en enfer était en fait dans un jardin d’Eden. C’est la même chose dans un cadre professionnel, lorsqu’on a une journée plus difficile et qu’une petite voix nous souffle de laisser tomber, c’est parce que cette petite voix nous fait imaginer que ça sera la même histoire tous les jours à venir. Hors, la grosse majorité du temps, ce n’est pas le cas.
Je pense que c’est cela que j’ai le plus aimé dans la John Muir Trail, aller chercher au travers une expérience, une aventure tellement intense, des outils qui me permettent d’avancer dans ma vie et de continuer à bâtir des nouveaux projets. J’ai toujours aimé le sport, car je suis convaincu qu’il est capable de condenser en quelques heures, quelques jours, quelques semaines, des leçons de vie qui peuvent prendre parfois de nombreuses années avant d’être assimilées.
Le 5ième jour, la routine était rodée au quart de tour, le mental était en acier (je dirais même en « vibranium »). J’étais déterminé à arriver au bout et je savais que rien ne pouvait plus m’arrêter et que chaque moment passé sur ce sentier ne serait que du pur plaisir
Alors il « ne reste qu’à conclure »
Étrangement, ce changement d’état d’esprit s’est fait lorsque la vague de chaleur est partie. Mais en montagne, cela n’est pas forcément bon signe. En effet, à cela, s’en est suivi 3 journées d’orages. Du vent, de la pluie, de la grêle, des sentiers qui l’espace d’un instant se transforment en torrent. Voilà ce qui était au menu et qui mettait fin prématurément à mes journées de marche. Pourtant, rien de cela n’avait d’influence sur mon moral. J’ai redoublé de vigilance car, je ne voulais surtout pas me retrouver au coeur d’un orage en haute-montage ou sur un col, servant de paratonnerre à toute une région rocheuse mais j’étais déterminé plus que jamais.
Les kilomètres défilaient, les montées devenaient excitantes et offraient des paysages toujours plus spectaculaires. Les rencontres avec d’autres randonneurs se multipliaient, chacune m’apportant une version différente des aventures qui se vivaient sur la JMT (ou la PCT car de nombreuses personnes que j’ai croisées faisaient la Pacific Crest Trail qui relie la frontière mexicaine à la frontière canadienne). Au fil des rencontres et des discussions, je me suis rendu compte à quel point chacun venait chercher quelque chose de différent et avait une façon bien personnelle de traverser ce chemin.
Chaque rencontre brisait de façon momentanée la solitude. Car, depuis le jour 5, je n’avais plus aucune connexion au monde extérieur. Pas de réseau, impossible de communiquer. Si cela était difficile de ne pas avoir de nouvelles de mes proches et encore plus de ne pas pouvoir les rassurer avec un simple « tout va bien » , je me suis aperçu à quel point on pouvait encombrer notre esprit de choses qui ne faisaient pas de sens dans notre existence ou sur lesquelles nous n’avions aucun contrôle. C’est l’une des choses qui a été le plus agréable. 8 jours sans aucune information superflue pour encombrer mes pensées et troubler mon sommeil. Ces 8 jours étaient très égoïste et la seule chose qui m’importait c’était le moment présent, l’aventure que j’étais en train de vivre.
À l’aube du 13ième jour, un peu avant 5h00 du matin, j’atteins enfin le sommet du Mont Whitney. Il fait nuit, seule une faible lueur à l’horizon annonce le lever du soleil. Je me suis levé à minuit pour faire la dernière montée sous les étoiles afin d’assister à ce spectacle : le lever du soleil depuis le plus haut point des États-Unis (hors Hawaï et Alaska). Je suis seul, il n’y a personne d’autre sur le sommet. J’aperçois seulement plus bas dans la montagne quelques lampes frontales qui me rejoindront 1 heure plus tard.
En attendant le spectacle, sous l’émotion, quelques larmes refroidissent mes joues. Même au mois de juillet il fait très froid à 4421 mètres et le soleil se fait attendre pour me réchauffer. Voyant que j’ai un peu de réseau sur mon téléphone, j’appelle Aleksandra. Cela fait 8 jours qu’elle est sans nouvelles. Je fonds en larmes, submergé par l’émotion de l’entendre, d’entendre Jules et de pouvoir leur dire que ça y est, je suis au sommet du Mont Whitney et que j’ai réussi à faire les 339 kilomètres de la John Muir Trail. Le tout en un jour de moins que prévu. Je raccroche, m’assieds sur un énorme bloc de roche et assiste au plus magnifique des levers de soleil que j’ai vu de ma vie. Même les plages d’Hawaï n’en offrent pas d’aussi beau.
Après deux heures passées à admirer les montagnes environnantes sous les premières lueurs du jour, je remets pour une des dernières fois mon sac-à-dos et entame la descente finale qui m’amènera à Whitney Portal, fin du sentier et synonyme de retour à la maison.
Il me reste une leçon à vous partager avant de vous raconter la fin de cette aventure. Sur ce sentier, je me suis rendu compte que peu importe à quel point on est préparé, persévérant et travaillant, l’atteinte d’un objectif n’est jamais garanti à 100% car la vie peut réserver son lot de surprises. Lorsque que j’ai quitté Yosemite Valley, le 25 juin, un important feu de forêt, incontrôlable, dévastait le secteur de Whitney Portal. Fermé depuis presque 3 semaines, c’est seulement 5 jours avant la fin que j’ai appris sur une note laissée par un ranger le long du chemin que le secteur étaient à nouveau accessible et qu’il me serait possible de compléter la John Muir Trail.
À aucun moment, cela n’a été un frein à mon aventure. Pourquoi? Parce que je suis convaincu que la seule façon d’apprécier pleinement la réalisation d’un objectif ne réside pas dans la finalité de celui-ci, mais plutôt dans le chemin qui y mène. Oui, arriver au sommet du Mont Whitney était un sentiment d’accomplissement incroyable, mais si je n’avais pu l’atteindre pour des raisons complètement hors de mon contrôle, le chemin parcouru a lui seul aurait valu la peine. L’objectif final n’est en bout de ligne que la cerise sur le gâteau. On ne mange pas un gâteau infâme pour une crise aussi bonne soit-elle. On mange un excellent gâteau et la cerise le rend exceptionnel. C’est comme ça que je conçois mes projets, mes objectifs. Je n’ai aucune idée de ce que la vie me réserve alors j’apprécie au maximum le chemin en espérant que celui-ci me permettra d’atteindre mes différents objectifs. Et si ce n’est pas le cas, au moins, la route aura été incroyable.
Il n’y a pas de fin à la John Muir Trail!
Le retour vers Whitney Portal a été pour le moins émotif et…pénible. En montagne, la majorité des accidents surviennent après l’atteinte du sommet. Pourquoi? Parce que l’excitation et l’adrénaline qui nous poussent vers le sommet redescendent. On est moins vigilant et la concentration n’est plus ce qu’elle était. La distance qui sépare le Mont Whitney de Whitney Portal est de 17,7 kilomètres. 17,7 kilomètres de descente. Wow facile! Et bien non, c’est le pire sentier de toute la JMT et il se trouve à la fin. Il est irrégulier, plein de roche et il est très difficile d’avoir un rythme de marche constant. Jusqu’à la fin, la JMT aura tenu ses promesses et m’aura poussé dans mes retranchements.
Après plusieurs heures de descente, j’arrive enfin au stationnement du parc. C’est fini. Je dépose mon sac-à-dos qui pèse 9 kilos de moins qu’au départ et mon corps allégé lui de 6 kilos s’étale de tout son long. Je reste allongé quelques minutes avant de prendre la direction du centre d’information où je commande un excellent burger. Il me reste à trouver un lift pour redescendre sur Lone Pine (car aucun transport en commun) et de là débute mon retour vers San Francisco et la maison.
Sur le retour, quatre choses m’ont marquées :
- Quand je suis arrivé à l’hôtel, j’en avais par dessus la tête de la randonnée. Mon corps avait besoin de repos et je n’ai jamais été aussi content de prendre une douche (après 14 jours) et d’avoir un lit. Pourtant lorsque mon réveil a sonné le matin, j’ai été envahi pas un gros blues et je n’avais qu’une envie, repartir dans ces montagnes que je voyais depuis la fenêtre de ma chambre.
- Dans le bus vers Yosemite Valley, j’ai fait la rencontre avec un couple qui allait prendre le départ de la JMT. J’avais envie de leur raconter plein de choses et en même tempsje ne voulais pas « spoiler » leur aventure. Et puis un peu comme pour cet article, je n’avais pas encore digéré moi-même l’expérience pour leur partager ce que j’avais vécu.
- Le trajet du retour passait par Yosemite Valley, là où tout avait commencé 14 jours plus tôt. Je me sentais détendu. En attendant mon bus pour quitter ce lieu, j’ai pris le temps de me poser, à l’ombre d’un séquoia avec une vue sur le Half Dôme, en regardant les gens partir avec leur sac-à-dos pour vivre leur expérience de la Sierra Nevada. La tête était légère et les souvenirs des premiers jours se bousculaient, je prenais enfin conscience de toute cette aventure.
- San Francisco, le sas de décompression. Je n’aime pas forcément voyager seul. J’ai même peu apprécié le fait de faire du tourisme pendant 3 jours, seul dans les rues de San Francisco. Je trouve que ce sont des moments qui sont bien plus agréables quand on les partage avec des gens qu’on aime. Mais ces 3 jours ont été nécessaire pour revenir sur « terre », revenir dans un monde bruyant, saturé d’information et de stimuli en tous genres. Un moment de réadaptation alors que depuis deux semaines je vivais de façon très minimaliste.
Mais le plus beau des moments restera à jamais le sourire et l’énorme câlin reçu de Jules lorsque je suis rentré à la maison.
La prochaine aventure? J’y travaille. Je pensais que je pourrais attendre 4-5 ans avant de repartir, mais après quelques semaines, je me suis rendu compte que j’avais besoin d’un nouveau projet et ce rapidement. Je n’ai donc pas trouvé un, mais deux projets que je compte concrétiser dans les prochains mois/années.
Le premier est l’ascension de l’Aconcagua, la plus haute montagne en-dehors de l’Asie et qui culmine à 6962 mètres. Ça sera non seulement un défi personnel mais aussi mon premier projet personnel en tant que photographe. Le second est un sentier de longue randonnée, la Great Divide Trail, un sentier de 1130 kilomètres qui serpente à travers les Rocheuses canadiennes.
Il n’y a donc pas de fin à la John Muir Trail, c’est même un début. Elle reste gravée à jamais dans mon esprit et me murmure tous les jours « c’est quoi la prochaine étape? »!
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