131 kilomètres, 1 heure 26 minutes
Voilà la distance et le temps exacte qu'il nous aura fallu pour arriver à Charleroi à Heito et moi.
Cette route ne nous est pas tellement inconnue puisque nous l'empruntons régulièrement pour nous rendre à l'aéroport de Charleroi. Officiellement cet aéroport s'appelle Charleroi Bruxelles Sud. Bon Bruxelles et Charleroi sont quand même distants de 60 kilomètres, alors rattacher les 2 aéroports cela m'a toujours fait doucement sourire. C'est comme si l'aéroport de Lille Lesquin était rattaché à Roissy Charles de Gaulle et qu'on l'appelle Aéroport Lille Paris Nord.
Mais passons ce détail géographique et revenons à cette soirée où pour la première fois la route qui me conduit vers Charleroi me semble bien différente. Alors que les kilomètres défilent, je prends le temps de l'observer et de l'apprécier.
La route alterne entre des paysages verdoyants qui me donnent des envies de week-end en forêt, à des paysages assez sinistres. Il faut bien l'avouer c'est assez perturbant. Il y a notamment cet interminable viaduc bétonné qui longe la E42, totalement recouvert de graffitis délavés je me demande toujours pourquoi il est encore debout. Son béton montre des signes de fatigue. J'ai toujours trouvé ce tronçon de route assez triste à vrai dire.
Nous sommes partis alors que le soleil brillait encore, et sommes arrivés à destination à la nuit tombée.
C'est immense un "BISOUS M'CHOU" plaqué au fronton du Palais des Expositions et mis en valeur par de gros projecteurs qui nous accueillent.
Je le verrai 2 fois au cours de notre week-end, et à chaque fois il me sera impossible de le photographier (#PetitBonhomneEnColère), mais il aura toujours le même effet sur moi : me faire sourire. Je ne sais pas pourquoi mais ce street-art me file une énergie folle, et je pense au cabaret Michou à Paris.
Douce nuit
Notre GPS perdra rapidement son légendaire sens de l'orientation, et à plusieurs reprises nous ferons le tour du centre ville sans jamais arriver sur La Place Verte où se trouve notre hôtel. Ces différents tours de quartier nous auront permis toutefois d'observer la faune qui déambulent dans les rues de Charleroi la nuit.
Comment vous dire ?
Nous n'étions pas prêts.
Une mini jupe par ici, un immense sourire par là, des poses suggestives, les messages envoyés par ces dames étaient clairs et sans équivoques.
Surprenant, déroutant, il y a comme un sentiment de gêne palpable dans la voiture. Avec Heito on se regarde dubitatif, genre "mais c'est quoi cette ville ?" Nous ne sommes pas naïfs mais ce n'est pas dans nos habitudes de fréquenter ce genre de rues, et personnellement la prostitution m'a toujours mise mal à l'aise.
A force de tourner en rond, nous avons fini par nous rendre à l'évidence : il nous faudrait rejoindre notre hôtel à pieds. Je ne le cache pas c'est avec une certaine appréhension que nous garons notre voiture sous un lampadaire, et filons rejoindre notre l'hôtel en traversant la très jolie Place Verte. L'air est doux, de la musique s'échappe d'un café.
Malheureusement, nous n'avions pas fait 3 pas qu'un jeune nous accoste pour nous demander de l'argent pour lui payer une nuit à l'hôtel.
Un interphone, un sas, un ascenseur envoyé depuis la réception, l'hôtel est hyper sécurisé. Quand les portes de l’ascenseur finissent enfin par s'ouvrir sur le lobby, nous sommes accueilli par un jeune homme très souriant. Le lieu nous correspond tout à fait. Une lumière tamisée, des murs peints avec des couleurs chaudes, d'immenses fauteuils en cuir ne demandent qu'à nous affaler, l'ambiance est feutrée, on se sent immédiatement très bien.
Après nous avoir communiqué les coordonnées GPS de l'entrée du parking, nous retournons fissa à la voiture. Finalement, il ne nous faudra que quelques minutes pour accéder au parking souterrain lui aussi sécurisé.
Après avoir montré pâte blanche, franchi deux immenses portes, une place de parking nous attendait à 2 pas de l'ascenseur qui nous permettait de rejoindre directement l'hôtel. Quelques minutes plus tard, nous étions dans notre chambre avec une vue plongeante sur la Place Verte.
A l'origine, la Place Verte était une énorme prairie. Cette place a retrouvé son nom historique en 2016 après d'énormes travaux de réhabilitation. Face à nous se trouve la librairie Molière, installée dans l'ancien hôtel des postes, c'est l'une des plus grandes librairies de Belgique. Je prends le temps d'observer sa façade mise en valeur avec un subtil éclairage. Alors que je porte un dernier regard vers l'extérieur, je prends une longue inspiration avant de tirer le rideau.
Ce premier contact avec Charleroi m'a bousculé intérieurement. En m'endormant ce soir là, j'étais assez pensive. J'ai songé à tout ce que j'avais lu et entendu sur Charleroi, je me suis mise à douter. Cette ville est tellement aux antipodes des villes où nous allons habituellement, et en même temps elle m'attire.
Mais comme je dis souvent tant qu'on n'y est pas allé, on ne peut pas savoir. Alors en tirant le rideau, c'est comme si je chassais ses idées négatives qui me faisaient presque regretter d'être là.
Visiter Charleroi l'insolite
10h30 tapante la petite troupe se met en marche. Je suis intriguée, je m'attends à tout et à rien de spécial en même temps, c'est une drôle de sensation.
Nico nous entraîne tout d'abord dans la ville basse, à la recherche de 3 cartes pour nous parler histoire et de l'importance des différents événements qui ont fait de Charleroi une ville riche avant la guerre. Puis ceux qui l'ont plongé dans les Lumbres d'une spirale sans fin avec les différentes crises économiques, mais aussi de sa difficile relation avec la Flandre.
La 3éme carte se trouve dans la vitrine de la librairie de Mr Fafouille rue de Marcinelle, J'ai à peine franchi l'entrée de cette galerie que j'ai mon 1er coup de cœur pour ce lieu d'un autre temps. L'immense verrière en impose. Les façades Art Déco de ce passage ont été préservées lors de la réhabilitation du centre ville. C'est d'ailleurs l'une des plus anciennes rues de Charleroi.
Au travers de la vitrine de la librairie de M Fafouille on aperçoit des rayonnages remplis de centaines de livres, des piles de livres à ne plus en finir. (A mon retour j'ai fait quelques recherches sur cette librairie, et j'ai pu découvrir qu'il y en a environ 40 000 livres disponibles, dont 25 000 dans la cave, un vrai paradis pour ceux et celles qui aiment flâner dans ces librairies d'un autre temps !)
Nico a ses habitudes, il salue ici et là les passants, les commerçants.
Le pas s’accélère.
Un dernier arrêt devant un bâtiment vestige d'une absurdité administrative avant que nous quittions la ville, et passons en mode furtif la frontière vers l'autre monde.
A ce moment précis j'ai l'impression d'entrer dans un monde parallèle. On passe sous une ligne de métro, me voilà embarquée dans une aventure bien réelle avec l'impression d'être au cœur d'un film de science fiction.
A partir de cet instant, il m'est impossible de revenir en arrière. Je ne sais pas combien de temps je serai partie, ni où nous allons exactement. J'ai l'impression d'être dans une course poursuite, mon destin est entre les mains de Nico.
Un chemin tracé dans des herbes folles, une caravane abandonnée ici, des dizaines de bombes d'aérosol jetées par là, des déchets en veux tu en voilà, on frôle les bords de la Sambre, faire attention de ne pas y tomber, avancer, suivre le rythme, vouloir tout observer, ne pas traîner, enjamber la rivière par un pont métallique avec l'impression que le moindre faux pas peut nous être fatal...je suis prise dans une spirale infernale.
Nico marche vite, il faut suivre, c'est presque une course contre la montre.
C'est exaltant, enivrant, déroutant je suis aux anges. Je suis ailleurs, nous ne sommes partis que depuis 1 heure, je ne veux déjà plus que cela s'arrête, j'en demande encore.
Mon regard se porte ici et là, Nico continue de nous abreuver d'anecdotes de carolo, du pourquoi du comment, tout a une explication....politique, ou économique. L'un ne va pas s'en l'autre.
Derrière d'énormes grillés rouillées se trouvent des squelettes d'usines géantes abandonnées à leur triste sort au gré des saisons. Timing parfait ou pure coïncidence , une grue à ferraille entre en scène. Nous sommes plantés là à regarder ce mastodonte se déplacer, happer la ferraille, une scène presque irréaliste je m’attends à chaque instant à voir sortir de derrière un monticule de ferraille Schwarzy suivi par une horde d'androïdes.
Nico mène sa petite troupe toujours d'un bon pas. Alors que les arrêts se font de plus en plus rares, le bruit strident des machines en mouvement se fait de plus plus discret pour finalement laisser place au silence et aux doux chants des oiseaux.
C'est alors qu'on quitte les bords de la Sambre pour ceux de l'Eau d'Heure, et que Nico nous invite à entrer dans son château en ruine. Un château inattendu, surprenant. Un château à ciel ouvert meublé d'objets récupérés au gré de ses pérégrinations urbaines.
C'est l'heure de la pause, midi sonne au clocher voisin, je n'ai rien pour déjeuner. Je ne peux m'en prendre qu'à moi même, j'aurai dû mieux me renseigner. Pas grave je me nourrie de l'énergie que dégage ce lieu et d'un peu d'eau. Pendant que les autres dévorent leurs sandwichs, je prends le temps d'observer ce lieu qui semble abandonné, chaque objet n'est en réalité que le vestige d'un glorieux passé. Ici des dizaines de livres, là des bouteilles vides,. Un peu plus loin un immense logo Opel trône au milieu du chao, alors qu'une bétonneuse transformée en tricycle surplombe l'assemblée. La Ruine est en réalité une sorte de coffre fort ou se mêle pêle-mêle des objets qui retracent la vie d'avant, celle où Charleroi était une ville à l'industrie florissante.
C'est bizarre à dire mais j'ai trouvé ce lieu très beau, je le verrai bien servir de décor pour une séance photo haute couture en mode urbantrash.
Un autre monde
Vamos !
En 2 temps 3 mouvements les chaises sont rangées. Nico nous demande de trier nos déchets avant de quitter les lieux, et nous voilà de nouveau prêts à partir en exploration.
En sortant, je suis frappée par la végétation qui nous entourent. Nous sommes à mille lieux des mastodontes de ferrailles dégoulinant de rouilles. Ici la nature a repris ses droits tout n'est que quiétude.
Une famille de canards barbote sur l'Eau D'Heure, nous suivons les berges, saluons les heureux habitants de ce petit coin de paradis verdoyant.
Charleroi ville verte ! ? !
Plus rien ne va.
Je suis à l'opposée de mes attentes. Je veux de l'urbex, du métal, de la rouille, des graffitis. Mais plus on s'enfonce sur le sentier, plus je sens la nature avoir emprise sur moi. Plus j'avance, plus je trouve ce moment agréable. La petite troupe marche vite, ils sont loin devant moi. J'ai envie de me poser là et d'observer les cygnes.
Ah mais ils sont là.
J'aurai bien poursuivi ma route le long des berges mais Nico en a décidé autrement. Nous voilà maintenant dans un quartier résidentiel, les maisons se ressemblent toutes mais elles sont plus imposantes que celles croisées un peu avant.
Autre lieu, autre atmosphère.
Nous ne sommes plus dans un quartier dit "ouvriers", ici les demeures ont du caché, malgré que leurs façades aient été noircies par le temps. Cette rue a un petit côté flamand. Je ne sais pas comment expliqué ce que je ressens est différent.
Ce safari urbain se vie comme une course contre la montre. Je ne sais pas ce que nous cherchons à fuir, où à attraper. Mais depuis le départ tous mes sens sont bousculés. Je n'avais pas d'attente particulière en démarrant la visite. En faite c'est faux, j'en avais beaucoup mais je n'aurai pas pu les définir tellement je m'attendais à tout et à rien en même temps. Je voulais du moche, de l'urbex, du graffiti, de l'insolite. J'ai toujours eu un faible pour ce qui était différent, le non conventionnel me va bien. Et là en fait, tous ses univers qui changent en fonction que l'on aille à droite ou à gauche, c'était super exaltant.
Charleroi ville la plus laide d'Europe ? Moi je l'aime sa mocheté. Je n'aime pas l'uniformité, le lisse, le trop beau. Est-ce que le moche sous le soleil est plus beau que sous la pluie ? Est-ce que toutes les explications donnés par Nico rendent la ville plus belle à mes yeux ? Où est-ce les habitants que nous croisons qui apportent une touche d'humanité avec leurs commentaires ? J'en sais rien mais il se passe un truc.
Vous me direz qu'une ville qui mets un wc loc au pied d'un arrêt de bus au milieu de nul part pour délimiter deux zones urbaines ne peut que vous interpeller. Je ne suis même pas certaines qu'un bus passe ici, c'est peut être une création artistique ? Le laid devient beau, il interpelle.
La vie est un long fleuve tranquille
Alors que ma petite tribu du jour passe sans même porter un regard à ces toilettes de fortune, ceux sont de lointaines notes de musiques qui viennent titiller ma curiosité.
Je croise une majorette qui porte des chaussettes de basketteuse. (Mais que fait la police du style?)
Un peu plus loin plusieurs personnes sont regroupées devant l'entrée d'un bâtiment sur lequel s'affiche en lettre dépeinte le mot : PISCINE. Très rapidement je réalise que c'est de là que vient ce son de batterie. Une fraction de seconde, je pense au film : La vie est un long fleuve tranquille, je ne sais pas pourquoi mais cette scène pourrait très bien être extraite de ce film.
Vous n'imaginez même pas à quel point j'avais envie d'entrer, de pousser la porte de cette piscine abandonnée, de plonger au cœur de ce bâtiment pas si abandonné qu'il n'en avait l'air finalement.
Malheureusement mes compagnons de routes étaient loin devant. J'étais tiraillée à l'envie d'aller explorer cet endroit, et rejoindre le groupe. Ils étaient à une dizaines de mètres devant moi, je me suis retournée une dernière fois, et là telle une évidence cette vision résumait parfaitement ce qui se passe à Charleroi. D'un côté une piscine abandonnée reconvertie en lieu de culturel par ses habitants et de l'autre un "château" rénové aux couleurs pimpantes.
Il fallait que je rattrape le groupe qui visiblement s'était arrêté pour discuter avec des bateliers.
Pendant ce temps là 2 jeunes s'entraînaient à sauter des barrières tels des Yamakasi.
Je me retourne une nouvelle fois, mais pourquoi ne sommes nous pas rentrés dans cette piscine ? Je finis par arriver à la hauteur du groupe. La discussion va bon train au sujet de cette péniche un peu particulière. Sauvée par un collectif de citoyens, cette péniche chapelle est amarrée depuis 65 ans au quai de Marchienne Le Pont. Elle accueille chaque dimanche la messe dominicale des bateliers, mais aussi les mariages, et les baptêmes. Seuls les bateliers ou leurs enfants peuvent y avoir accès. Véritable institution elle est le dernier du genre en Wallonie.
L'art au bout de la rue
Après cette petite pause, nous reprenons paisiblement notre safari urbain en suivant le cour de la Sambre telle une balade dominicale.La digestion fait son effet, le groupe se traîne. Enfin pour ceux qui ont déjeuné, en ce qui me concerne je commence à avoir faim.Une péniche abandonnée à vendre ici, un message politique peint à la bombe sur un pont par là, encore des dizaines de bombes d'aérosols abandonnées un peu plus loin, le moment que nous attendions tous secrètement allait enfin se produire. Il faut bien l'avouer Charleroi même si elle a été élue ville la plus moche de Belgique, elle est aussi la plus connue pour sa scène artistique dans le monde du street-art.De Cockerill à Rockerill
On trace notre route quand une nouvelle série de street-art nous explose les rétines, mais cette fois notre découvert est accompagnée par un son de batterie et de guitares qui provient de derrière une immense porte.Ambiance rock'n roll enclenchée, tous mes sens sont à nouveau en alerte.La nuit tous les chats sont gris
Charleroi résolument une ville d'art
Art Nouveau
Le saviez-vous : c'est à Charleroi et à Liège qu'on compte le plus grand nombre de maisons de style Art Nouveau. Je ne suis pas une experte en architecture, cette visite du jour allais me faire découvrir un mouvement apparue à la belle époque (1890 - 1914) mais qui m'étais totalement inconnu.C'est avec 2 passionnés de l'Art Nouveau que nous avons rendez-vous pour une visite Charleroi qui sera des plus passionnantes. Fini les lignes rectilignes, l'Art Nouveau s'inspire de la nature, (çà tombe bien j'adore çà), fini les lignes rectilignes vive les arabesques.C'est aux pieds des marches de l'Eglise Saint Christophe que nous retrouvons nos guides dont j'ai malheureusement oublié le nom. Au cours de son histoire, cette église subira de nombreuses modifications, mais c'est surtout son cœur qui a retenu toute mon attention. Composé d'une mosaïque de 200 m2 réalisée avec de millions de petits blocs colorés qui mettent en vie des scènes de la Bible, et de son arrière plan composé de feuilles d'or recouvert d'une fine pellicule de verre qui saura ravir vos yeux.C'est avec un tout autre regard que je termine cette balade à travers Charleroi. Il est temps pour moi de retrouver Heito, et de jeter un dernier regard à cette ville qui m'a au cours de ce week-end surpris à plusieurs reprises.Alors que nous quittons la ville, je vois ici et là d'immenses graffitis, malheureusement je ne peux pas m'arrêter. Je me promets de revenir un jour pour explorer davantage cette ville qui ne m'a pas laissé insensible.
Si vous voulez voir la capsule réalisée lors ce week-end par Emilie, Vivre Ici et l'Empreinte Belge il suffit de suivre ce lienMerci à Emilie de m'avoir envoyé cette carte pendant le confinement.
Merci à Wallonie Tourisme sans qui tout cela n'aurait pas été possible. Désolée pour le retard dans la publication de ce billet, mais trouver les mots justes n'a pas été aussi facile que je le pensais.Si vous aussi vous voulez découvrir Charleroi, voici quelques adresses utiles.
Où dormir ?
Novotel Charleroi Centre
Hôtel 4 étoiles
Pl. Verte 17, 6000 Charleroi, Belgique•+32 71 28 28 28
Où se restaurer ?
Quai 10
Quai Arthur Rimbaud 6000 Charleroi, Belgique•+32 71 31 71 47
Maison du Tourisme Pays de Charleroi
Place Charles II 20 6000 Charleroi, Belgique•+32 71 86 14 14
plus d'infos sur leur site web