Ça fait maintenant plus de deux mois et demi que notre rue est en travaux. Après une première tranchée qui a défoncé sur toute la longueur, la moitié de la chaussée, les ouvriers attaquent une deuxième tranchée qui défonce l'autre moitié. Tut-tut-tut. C'est bien simple, à la place du macadam, on a des trous béants ou des tas de boue, la rue est totalement impraticable. C'est inquiétant d'ailleurs, parce qu'on n'en est qu'à la deuxième phase des travaux et il en reste une troisième alors qu'il n'y a plus nulle part où creuser, on se demande comment ils vont faire. Tut-tut-tut. Mais bon, comme tous les riverains réveillés dès 6 heures du mat par les engins de chantier et qui doivent faire un trekking dans les tranchées pour sortir ou rentrer de chez eux (ça tient à la fois de la spéléologie et de l'alpinisme, Indiana Jones à côté de mes voisins passant leur porte, c'est du pipi de chat), on patiente en se disant que ça sera bien quand ça sera fini. Tut-tut-tut. Sauf que là, je suis au bord de craquer nerveusement. Tut-tut-tut.
Source ma rue ressemble pratiquement à ça. En pire.
Le parking du terrain de foot à côté de chez nous sert de QG au chantier. C'est pratique, on est en bout de rue, caché derrière des arbres, on est les seuls à pouvoir encore sortir en voiture de chez nous. Tut-tut-tut. Mais ça veut dire aussi qu'on a droit au ballet incessant des engins de chantiers qui chargent et déchargent, qui virent et revirent, qui tournent et retournent sur ce parking toute la journée. Tut-tut-tut. Alors je ne sais pas quel sadique démoniaque a eu l'idée de mettre un avertisseur sonore aussi vicieux sur ces engins de chantier, mais si je tombe dessus, je lui fais bouffer une pelleteuse par les oreilles. Tut-tut-tut. Attention, je ne remets pas en cause la sécurité des ouvriers, c'est le bruit choisi qui me pose problème. Pourquoi ce Tut-tut-tut strident qui vrille les tympans jusqu'au plus profond du nerf auditif? C'est physique, de 6 heures du matin à 16 heures, j'ai l'impression que ce Tut-tut-tut me perce le crâne avec la délectation d'un dentiste psychopathe attaquant un tableau noir au marteau-piqueur. C'est même pire que ça, je me suis réveillée cette nuit à 2h37 (j'ai vérifié), avec l'impression d'entendre ce Tut-tut-tut. C'est d'ailleurs pour ça que j'ai regardé l'heure, c'est pas possible, ils commencent beaucoup trop tôt aujourd'hui! Ben non, voilà que j'ai des hallucinations auditives maintenant...Tut-tut-tut.
Sérieusement pourquoi Tut-tut-tut? Ça marcherait aussi bien avec de la musique, ou des cris d'animaux de la ferme, non? Ce qui compte, c'est que ça émette un son quelconque quand l'engin recule, pas que ça produise une torture sonore calculée pour rendre fou! Tut-tut-tut. Alors que si les tracteurs hennissaient, les pelleteuses meuglaient et les autres machins sur chenilles là, je sais pas comment ça s'appelle et je m'en fiche un peu, lançaient de grands cocoricos, et bien, ça serait non seulement plus supportable mais même carrément sympathique. Je suis sûre que ça plairait aux ouvriers, de travailler dans une ambiance bucolique. Ou alors, pour éviter les confusions, on pourrait remplacer le Tut-tut-tut par de la musique classique. Ça serait tout aussi efficace pour prévenir qu'un engin recule et ça ménagerait les nerfs de tout le monde. C'est vrai ça, c'est quoi ce snobisme, pourquoi les ouvriers du BTP n'auraient pas le droit d'être mélomanes, pourquoi leur infliger uniquement ce Tut-tut-tut hargneux? C'est carrément de la discrimination. Tut-tut-tut. Je me sens faible...
Si tout va bien, on en a jusqu'à la fin de l'année. Tut-tut-tut. Mais visiblement, il n'y a aucune chance que tout aille bien. Le planning doit être géré par le tortionnaire qui a inventé le Tut-tut-tut, il n'est là que pour rendre fou les usagers en leur donnant de faux espoirs. Tut-tut-tut. Je ne sais pas si je tiendrai, j'ai peur de craquer et d'aller attaquer nuitamment une pelleteuse à coup de clochette. Tut-tut-tut.