Tbilissi, Géorgie / 41°73’N 44°69′ E / 1999
Je rêve à Tiflis la bossue,
A la plainte du sazandar,
Sur un pont s’attroupe le peuple
Et la ville est comme un tapis,
En bas on entend la Koura.
Au-dessus d’elle la taverne,
Et son vin et son gras pilaf,
Le bistrot est tout écarlate,
A l’hôte il apporte le verre :
Le voici prêt à te servir !
Vin de Kakhétie bien épais,
Bon à boire dans le cellier, –
Dans la fraîcheur et dans la paix,
Bois ton content et bois à deux :
C’est que tout seul on ne peut boire !
Et dans ce maigre boui-boui,
Tu y trouves même un roublard,
Tu demandes du Teliani :
Tiflis flotte dans un brouillard
Et tu nages dans la bouteille.
L’homme est vieux et le mouton jeune,
Et sous une lune embrasée
Un rose effluve de vin et
La fumée du chachlyk s’envolent.
Ossip Mandelstam
Extrait de « Tristia », 1920
Version française de Christian Mouze
Edition bilingue Harpo &,Visan-France, 2013.
Avant que Mandelstam n’écrive ce poème, Tiflis – l’actuelle Tbilissi – est, de 1785 à 1917, la capitale de la vice-royauté du Caucase. De là sont dirigées les premières Guerres du Caucase, la Russie face aux farouches montagnards, les prémices du Grand Jeux à l’articulation des XIXe et XXe siècles. Il y aura des suites, tout aussi sanglantes, sous les divers régimes que connaitra la Russie. Une passionnante histoire, formidablement racontée par Eric Hoesli dans « A la conquête du Caucase ».
Et, régulièrement, le Caucase revient dans l’actualité.