Région parisienne, France
Après le « Cahier de non-voyage » (sous-titre de « On dirait que l’aube n’arrivera jamais ») de Paolo Rumiz, « Le Pont de Bezons » de Jean Rolin, s’inscrit dans cette veine. Pour ceux d’entre nous pour qui Le Voyage signifiait exotisme, longs déplacements, images pittoresques hautes en couleurs, l’auteur nous déboussole, nous entraînant dans un fascinant périple le long de la Seine, entre Melun et Mantes. Recourant, pour se repérer, à la plus triviale des cartes, Google Map, outil parfaitement adapté à sa démarche.
Je confesse être un inconditionnel lecteur des frères Rolin, et l’humour, la distanciation de Jean Rolin sont des plus salutaires en cette période de morosité globalisée.
Avec le Pont de Bezons comme point de référence, Rolin parcours, en de nombreuses étapes, des zones périurbaines, des quartiers déliquescents, des friches industrielles, répertoriant méticuleusement le nombre de salons de coiffure ethnique, les fast-food halal, les camps de rom se déplaçant devant les pelleteuses, décrivant avec acuité l’état des lieux, l’environnement, les rapports au fleuve. En référence aux Impressionnistes, il relève les mutations du paysage, des perspectives irrémédiablement bousillées. Il y fait quelques savoureuses rencontres, des personnages avec lesquels il n’a, parfois, « (…) pas de langue commune (…) », ou la gardienne d’un Cimetière des chiens qu’il croît lisant Guerre et Paix « (…) avant de constater, avec regret, qu’il s’agissait d’un roman de Joël Dicker. (…) »
Sous la légèreté de style, trait commun de l’auteur, c’est une superbe leçon de géographie urbaine, celle de ces friches que l’urbanisation forcenée, que la gentryfication des centres répandent toujours plus loin dans les territoires.