Sacré monument préféré des Français en 2020, le Lion de Belfort symbolise la force et la résistance de la ville en 1870-71. Site stratégique depuis les temps les plus reculés, Belfort commande la fameuse Trouée qui porte son nom, large de 30 km, qui s’ouvre entre les Vosges et le Jura, entre la Bourgogne et l’Alsace. Ce passage à la croisée de grands axes européens est aussi le point de rencontre entre les bassins du Rhin et du Rhône. Et le Lion colossal veille avec une certaine nonchalance sur ce couloir, au centre d’un des plus petits départements français. Approchons le monument pour en savoir plus…
Le site stratégique de la Trouée de Belfort
Le site naturel de Belfort lui a valu une importance stratégique.
Pour son plus grand bonheur… et pour son plus grand malheur aussi.
Entre Rhin et Rhône, entre Alsace et Bourgogne, la Trouée de Belfort porte également d’autres noms :
« Porte d’Alsace » ou « Porte de Bourgogne ».
C’est selon le côté où l’on se trouve !
1870-71: une résistance héroïque
Le petit département du Territoire de Belfort [90] faisait autrefois partie de l’Alsace. Il correspondait plus ou moins à l’arrondissement de Belfort qui était inclus dans le département du Haut-Rhin.
Mais comment en est-on venu à sortir Belfort de l’Alsace ?
Pour comprendre, il faut se plonger dans l’histoire.
Dans les années 1870-71.
Cette période est marquée par la guerre franco-allemande.
La guerre franco-allemande et le siège de Belfort
A Belfort, on garde encore à l’esprit la célèbre résistance de la ville, menée par le colonel Denfert-Rochereau. Un siège de 107 jours du 3 novembre 1870 au 18 février 1871, qui lui vaut aujourd’hui le surnom de Verdun de 1870.
En effet, on estime à 400 000 le nombre d’obus tombés sur la ville, avec des pics à 5000 obus par jour, ce qui est considérable pour l’époque.
17 700 soldats français retranchés à l’intérieur des fortifications, face à une armée allemande forte de 40 000 soldats.
Mais les Prussiens ne réussirent pas à s’en emparer.
Les troupes de Denfert-Rochereau résistaient encore énergétiquement alors que Paris avait signé un armistice le 28 janvier 1871.
Ce fut seulement le 13 février 1871 que le colonel Denfert-Rochereau reçut l’ordre du gouvernement français de rendre la place… et de rallier avec armes et bagages le poste français le plus proche.
Les Prussiens prennent possession de Belfort
La Convention de Pérouse stipula dans son dernier article que la place devait être remise au général prussien Von Treskow sur autorisation spéciale du gouvernement français. (A cet effet, les Prussiens occupèrent la ville et ses alentours jusqu’au 1er août 1873.)
En une centaine de jours, Belfort avait acquis une image de marque nationale. Pour le pays tout entier, la ville symbolisait désormais la résistance victorieuse et l’espoir d’une nouvelle reconquête des provinces perdues (l’Alsace-Moselle).
Croyant trouver un ouvrage en ruine, les Prussiens constatèrent qu’aucune destruction majeure n’avait entamé le pouvoir défensif de la citadelle.
Un officier la décrit :
« Tel un lion qui sort d’un fourré épineux, terrible et redoutable encore »
L’idée d’un monument commémoratif du siège Belfort
Alors que les Prussiens occupaient encore la ville, le Conseil municipal, présidé par Edouard Mény, émit l’idée d’édifier « un monument à la mémoire des victimes du mémorable siège de 1870-71 ».
Ce fut le sculpteur Bartholdi, natif de Colmar, qui fut choisi pour présenter ses études.
Il fut convenu que le monument serait installé dans un lieu bien en vue. Il devait ainsi devenir :
« une chose nécessaire à l’œil. Il doit vivre avec la vie publique, devenir un besoin dans l’aspect de la ville et s’identifier à elle ».
D’ailleurs, le sculpteur alsacien s’investit pleinement dans la tache :
« Je ferai cette œuvre comme enfant de l’Alsace, sans y chercher l’intérêt ».
Oui, Bartholdi avait effectivement refusé toute espèce de rémunération.
Le 12 août 1872, Bartholdi précisa son projet d’un monument :
« sur la roche si grandiose qui domine Belfort, où il s’identifiera à l’aspect de la forteresse. Il représentera sous forme colossal un lion harcelé, acculé et terrible encore en sa fureur. Il serait placé sur un piédestal contre la paroi du rocher ».
Le Lion de Lucerne
Plusieurs sources affirment que le sculpteur colmarien s’est également inspiré du Lion de Lucerne (en allemand : Löwendenkmal).
En tout cas, Bartholdi multiplia les projets et proposa en 1873 une nouvelle maquette où :
« le Lion, au lieu d’être accroupi, serait représenté dans l’attitude d’un animal couché, qui se relève menaçant, comme accablé un instant sous les coups de nombreux ennemis, il allait s’élancer sur eux plus fort et plus terrible ».
Un projet légèrement modifié…
Ce lion devait avoir fière allure. Mais le projet n’était évidemment pas du goût du Chancelier de Fer, alias Bismarck, un autre lion de la politique allemande.
Le projet d’origine envisageait que le Lion fasse face à l’ennemi, tourné vers l’est.
À la suite de protestations allemandes, le Lion eut la tête regardant vers l’ouest. Le dos ainsi tourné à l’adversaire, il n’en laisse pas moins transparaitre une attitude dédaigneuse. J’ai lu que Bartholdi prit soin d’un petit détail : entre les pattes du fauve, une flèche fut tournée vers la frontière allemande, à l’est !
Or, j’ai eu beau chercher cette flèche en direction de l’Allemagne, je n’en ai trouvé qu’une, pointant vers… le nord. Voyez plutôt :
Tout ça, ce n’était que de la poudre de perlimpinpin !
Des travaux interminables et une inauguration à l’eau
En décembre de la même année, une souscription nationale fut lancée et connut un grand succès populaire.
Les travaux ne commencèrent qu’en mai 1876 et se sont terminés en mai 1880.
Mais le monument ne fut jamais inauguré, ceci en raison d’un différend entre la ville de Belfort et Bartholdi sur l’utilisation du reliquat de la souscription nationale.
Malgré la lenteur des travaux et en l’absence d’inauguration officielle, le Lion est devenu le symbole patriotique de la ville.
Le Monument Préféré des Français en 2020
Emblème de la Cité du Lion, le Lion de Belfort est classé Monument Historique depuis 1931.
En 2020, l’émission Le Monument Préféré des Français, présentée par Stéphane Bern et diffusée sur France 2, consacre le Lion de Belfort et la citadelle. La saison 2020 avait pour sites participants la Villa Cavrois, le Canal du Midi, la Sainte-Chapelle à Paris… C’est peu dire !
Comment décrire le Lion de Belfort ?
Ce lion monumental fut taillé en pierre de grès des Vosges de couleur rougeâtre. Il est admirablement adossé au rocher sous le château.
Un Record de France !
Le Lion de Belfort passe pour la plus grande statue en pierre de France.
Le Lion présente des proportions harmonieuses :
- 22 mètres de long et
- 11 mètres de haut.
Un colosse inspiré d’Egypte
C’est un colosse faisant penser aux sphinx d’Egypte (il s’inspire d’ailleurs ouvertement des statues égyptiennes !), forçant l’admiration et suscitant bien des émotions.
- Sa gueule est entr’ouverte avec des crocs menaçants.
- Sa tête altière à la crinière dans le vent montre un regard fascinant.
- Il cambre son long corps en arrêt, prêt à bondir.
- Sa patte antérieure droite maintient encore la flèche ennemie qui a manqué son but.
- Sa forte queue se recourbe avec majesté.
Le mystère de la langue du Lion de Belfort
Depuis son achèvement, le Lion de Belfort fait l’objet de nombreuses légendes urbaines.
L’une d’entre elles implique un détail : le Lion n’a pas de langue !
Là, du coup, la symbolique en prend un coup. Un lion aphone devant l’ennemi, nan mais allô quoi !
Pour comprendre, replaçons-nous dans le contexte du projet du monument.
Comme on l’a dit, Bartholdi se serait inspiré des Sphinx lors d’un voyage en Egypte. Et saviez-vous que ces sphinx sont dépourvus de langue ?
Mais voilà, lors de travaux de rénovation engagés en 2002, on s’est aperçu que le Lion de Belfort possédait bel et bien une langue !
La légende ne s’arrête pas là. On racontait que le sculpteur, s’apercevant de son oubli, se donna la mort peu après l’achèvement de la statue.
Balivernes ! Auguste Bartholdi mourut à Paris en 1904.
Le Lion de Belfort : récit d’un blogueur-voyage au 19e siècle
A la lecture d’un récit de voyage en 1886, il est frappant de constater que rien (ou presque) n’a changé.
La description faite par Charles Grad, député protestataire au Reichstag allemand, dans son ouvrage à travers l’Alsace et la Lorraine est toujours d’actualité…
Et même si certaines tournures de phrases ont un peu vieilli, on ne peut qu’apprécier le style de ce blogueur voyage avant l’heure
Petit extrait :
Belfort en 1886 : rien (ou presque) n’a changé !
Ce qui attire le regard, c’est la forteresse du château qui domine la place.
Voyez-la donc dessiner sur le ciel bleu son vigoureux profil, quand vous débouchez sur le pont de la Savoureuse, en face de la Porte de France [ndlr : démolie en 1892].
Pareille à une sentinelle vigilante, elle veille fidèlement sur le passage confié à sa garde.
A l’assaillant étranger, disposé à franchir la frontière à nouveau, elle semble crier :
“On ne passe pas !”
Et le Lion gigantesque dressé devant les murs de la forteresse relève la tête du même côté comme pour répéter avec un rugissement formidable l’impérieuse consigne :
“On ne passe pas !”
Symbole d’une résistance héroïque
La sculpture du Lion, aux proportions gigantesques, symbolise l’héroïque résistance de la place pendant le dernier siège [ndlr : 1870-71].
L’artiste a utilisé le côté pittoresque du château, avec son aspect sombre et farouche, pour en faire le piédestal de son monument.
C’est sur les flancs de la citadelle, encore toute meurtrie par les obus allemands, que le Lion se dresse, pour défier de nouveaux agresseurs.
Exécuté en grès des Vosges, il mesure 16 mètres de hauteur sur une longueur de 24.
C’est une œuvre puissante, digne du sentiment élevé et patriotique qui l’a inspirée, comparable à la fameuse sculpture de Thorwalden à Lucerne.
Aussi personne ne vient à Belfort sans aller voir le Lion du château, soit par curiosité, soit comme un pèlerinage pieux.
Récemment, un jeune poète, d’un talent sobre et distingué, lui a consacré un chant dont nous détachons quelques traits :
… Si, voyant ton œil fixe sous ta paupière,
Blotti derrière un mur, et te croyant de pierre,
Dans l’ombre, et se jugeant à l’abri du danger,
L’ennemi oubliait jusques à t’outrager ;
Si dans sa fureur lâche il te prenait pour cible,
O toi, qui des vaincus fus le seul invincible,
Rugis-nous ton : Qui vive ? …
Le monument commémoratif de la défense de Belfort, où notre grand sculpteur alsacien, Bartholdi, a trouvé une belle occasion de manifester avec un nouvel éclat ses sentiments de patriotisme, a été élevé par souscription nationale.
Admirer le Lion de Belfort aujourd’hui
On peut admirer le Lion de Belfort de plusieurs points de vue dans la ville.
Une plateforme se situe au pied du Lion. Elle permet d’approcher la statue de près (entrée payante).
Le Lion de Belfort à Paris
Vous êtes à Paris et vous ne pouvez pas vous rendre à Belfort ?
Vous pouvez vous consoler avec une réplique du Lion de Belfort.
Elle se situe au centre de la place Denfert-Rochereau (14e arrondissement), tout près de l’entrée des fameuses catacombes.
Il s’agit d’une réplique réduite au tiers (hauteur : 4 m, longueur : 7 m), exécutée en cuivre martelé.
La statue regarde en direction de la Statue de la Liberté à New York, œuvre majeure de Bartholdi.
Le Lion de Belfort à Montréal au Canada
Pour l’anecdote, il existe une autre réplique du Lion de Belfort à Montréal au Canada ! 10 fois plus petite que l’originale, la statue se trouve au square Dorchester.
Ce Lion de Belfort canadien est l’œuvre de George William Hill (1897). Il symbolise non pas la France mais… la puissance de l’Empire britannique, et qui plus est, le jubilé de la reine Victoria.
La compagnie Sun Life, dont le siège social borde le square, est à l’initiative de la statue.
Quant au socle, œuvre de l’architecte Robert Findley, il s’inspire de celui qui supporte le lion au square Trafalgar à Londres.
Ainsi, on peut dire que le Lion de Belfort montréalais évoque les deux peuples fondateurs du Canada, la France et le Royaume-Uni.
Pour en savoir plus sur Belfort
Quelques sites intéressants sur Belfort, le Lion et la citadelle :
- la Trouée de Belfort sur le blog
- le site de l’Office de Tourisme de Belfort
- le site des musées de Belfort (y compris la citadelle et le lion)
Pendant votre séjour à Belfort, ne manquez pas de visiter :
- la vieille-ville et la basilique Saint-Christophe
- la citadelle et les fortifications
- l’étang des Forges (on peut en faire le tour, promenade très agréable)
- le Ballon d’Alsace (avec vue sur le Jura, la Forêt-Noire et les Alpes)
- le Sundgau, pays rural composé de collines et vallées verdoyantes à l’est
- Montbéliard et son château
Où dormir à Belfort ?
Il existe plusieurs établissements hôteliers sur Belfort et son agglomération – cliquez ici pour la liste.
- Si vous souhaitez un hôtel confortable et au centre-ville, essayez le Grand Hôtel du Tonneau d’Or (4 étoiles).
- Pour un appartement meublé, le mieux noté sur Booking est la Résidence du Parc, non loin du centre.
Sinon, naviguez sur la carte ci-dessous pour découvrir d’autres hébergements :
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