Puri Saren Agung
Ubud stories #8
22 février 2014 : Des monstres coiffés de udeng au palais d’Ubud
Puri Saren Arung. Un autre nom de la belle langue indonésienne pour désigner ce qu’à peu près on désigne en anglais sous le nom de Ubud Palace. C’est un endroit qui donne sur la rue principale (Jalan Raya Ubud) et on peut réellement dire que c’est le cœur d’une ville dont on a du mal à voir les contours.
Le palais d’Ubud est vraiment un palais, même s’il demeure modeste par ses dimensions, mais c’est en tout cas ici qui vécut pendant de nombreuses années le clan des kṣatriya Sukawati, qui a fait d’Ubud ce qu’elle est aujourd’hui comme village artistique et ce, depuis la fin du XIXè siècle. Aujourd’hui encore, le palais est habité par les descendants de la famille des anciens dignitaires.
Le palais, assez vaste, est composé de plusieurs temples et bâtiments qu’on ne peut pas tous visiter. Ce qui se donne à voir en premier est la partie avant du palais, le lieu où l’on peut admirer les plus somptueux spectacles de l’île. Le Pura Marajan Agung est le temple principal réservé à la famille royale. De l’autre côté de la route, se trouve la résidence royale, le Sosrobaju. Datant de 1640 dans sa version primitive, il a été agrémenté de nouvelles extensions ; c’est un véritable hall d’exposition de l’art balinais, ornés des plus riches sculptures qui soit. Certains des bâtiments sont exclusivement réservés à la famille royale et ne sont donc pas libres pour la visite, mais ce n’est pas grave car ce qu’on en voit est réellement magnifique.
Toute la pureté de la sagesse hindouiste se ressent incroyablement dans ce lieu par l’omniprésence de la nature. Si tous les motifs des sculptures sont directement inspirés de la beauté de la nature, les plantes y sont légion et garnissent le moindre recoin d’une verdure luxuriante et dégoulinante d’humidité. On trouve des fleurs incroyables au pied des statues et des buissons foisonnants qui poussent entre les dalles des pavés. L’impression immédiate que l’on a en entrant dans ces lieux, c’est à la fois le règne du chaos végétal, mais aussi l’incroyable soin qui est apporté à ce que tout paraisse en ordre. Une dualité que l’on ne peut trouver que dans les pays dont la religion majoritaire est en réalité une sagesse. Ici, les murs sont recouverts d’une mousse à la couleur vive. Pas un seul endroit où l’humidité ne s’infiltre et ne soit source d’une vie incroyablement fertile.
Les kori agung, ces grands portails tout en hauteur, sont accompagnés des monstres les plus fantasmagoriques. Ceux-ci ont la particularité d’être coiffés de udeng, ce turban typiquement balinais à deux pétales relevés, symbolisant la lutte entre le bien et le mal. Ils sont également vêtus de riches sarongs savamment enroulés autour de leur corps. C’est ici que j’aurais l’occasion de suivre le plus magnifiques des spectacles de legong.
Voici ce que j’en ai écrit en 2015 : Le soir venu, c’est dans ce décor princier que prennent vie des ombres assises sur le sol derrière leurs imposants instruments. Composés de lames de métal épais, des hommes en uniformes clinquants, sarongs et tissu noué sur la tête, commencent à caresser brutalement les touches avec mailloches et autres tiges de bois dans une symétrie absolument parfaite. Rien ne dépasse jamais.
Les femmes, sublimes danseuses vêtues d’or et de fleurs tressées, avancent dans une chorégraphie raffinée, mouvant leurs doigts dans des convulsions extatiques et faisant prendre à leur visage les plus étranges expressions, passant dans la seconde de la crainte la plus sombre à la joie extrême. Le rire et les larmes passent sur leur visage magnifique, car ces femmes ont la particularité, en dehors du fait qu’elles soient maquillées et apprêtées pour l’occasion, d’être vraiment très belles. Leur visage est d’une beauté stupéfiante et leur grâce fait d’elles de réelles déesses empreintes d’un savoir qui ne se perpétue qu’ici, sur l’île des Dieux.