La phytothérapie vietnamienne reste un mystère pour la plupart des voyageurs étrangers. Et pourtant, l’usage des plantes fait partie de la société vietnamienne depuis des siècles. Avant l’invasion des hôpitaux au début du 20e siècle, les plantes étaient source de médicament principal pour l’ensemble de la population vietnamienne. Pour ceux qui s’intéressent à ce sujet, nous vous invitons à faire une rencontre avec docteur Cuong qui est un fervent défenseur de la médecine douce. Si les Vietnamiens continuent à faire appel à son service, c’est parce que certaines maladies ne sont pas guéries radicalement par la médecine occidentale. Les médicaments donnent souvent les effets secondaires et visent à régler les symptômes d’une maladie plutôt que son origine. Trop déçus, plusieurs patients tournent le dos contre les hôpitaux et reviennent à la tradition des plantes.
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Docteur Cuong fait partie des contacts exclusifs que TTB TRAVEL a dénichés à ses propres initiatives. Pour trouver docteur Cuong, nous avons mis du temps : un parcours de 5 ans ! L’idée de proposer la médecine comme activité touristique remonte à 2005. Lors de nos voyages en Chine, nous avons découvert le rôle très intéressant de la médecine chinoise dans la promotion de son tourisme. Cependant, il y a un excès dans le processus qui transforme la médecine traditionnelle en un endroit attrape-touriste. À force de jouer le marketing cinématographique, nos voisins chinois semblent vendre la lettre noblesse de la médecine au nom de l’argent. Assez dégoûtés de cette expérience, nous étions très réticents de proposer un produit similaire au Vietnam. C’était limite une insulte pour les médecins vietnamiens dont le prestige social est de mise. Chez nous, les praticiens de la médecine douce ont un statut intellectuel très élevé dans la société. C’est un mélange entre déontologie et orgueil, ce qui crée une barrière à toute tentative à collaborer avec eux, à des fins touristiques. En effet, nous avons sollicité toutes les familles de médecins dans la rue Hai Thuong Lan Ong, réputée pour l’odeur des herbes médicinales. A chaque fois c’était un refus direct pour la simple raison : ils n’ont aucune envie de recevoir des touristes étrangers qui n’ont aucun respect vis-à-vis d’eux. Chaque jour, des milliers de touristes fréquentent cette rue, située en plein cœur du Vieux Quartier. Ils s’arrêtent devant les cabinets juste pour prendre des photos comme si les médecins étaient des animaux instagramables. Ce comportement est très mal vu par la communauté de médecins dans le quartier, d’où le mépris. C’est vraiment par chance que nous avons réussi à trouver docteur Cuong. Quynh Giang, notre directrice des opérations, était son élève lorsqu’elle a suivi des cours de phytothérapie dans les années 2000. Voilà le seul point que nous avons exploité à fond pour nouer le contact avec lui. Notre collaboration a débuté en 2016 avec un groupe de thérapeutes suisses. Et puis, nous avons de temps en temps de couples âgés qui sont vivement intéressés par la médecine douce.
Le cabinet du docteur Cuong est situé en plein cœur de la rue Hai Thuong Lan Ong, réputée pour l’odeur des herbes médicinales. Dans cette rue de 180 mètres de longueur, une quarantaine de familles continuent à exercer la phytothérapie. Toutes les maisons ont une façade typiquement hanoïenne : exiguë et très orientée vers le commerce. Fidèle au mode de vie ancestral, docteur Cuong conserve les mêmes habitudes : à l’ouverture du bureau, il installe des sacs de plantes à l’entrée et sur trottoir. On peut dire que les gens du coin pratiquent le marketing sensoriel bien avant les boutiques de Sephora !
Comme les voisins, son est très petit. Son espace de 40 mètres carrés est un véritable couteau suisse : coin de consultation, stockage de médicaments, outillage de fabrication. A la fin du 19e siècle, ses ancêtres vivaient et travaillaient ici. Au fil du temps, la famille s’agrandit et les membres furent contraints de déménager en banlieue. Depuis des années 1950, cette adresse est entièrement consacrée à la pratique de la profession.
Docteur Cuong entame la carrière de phytothérapie depuis l’âge de 10 ans. La tradition veut que les enfants commencent l’apprentissage très tôt en participants aux tâches quotidiennes de la famille. Au fil du temps, ils reçoivent une formation technique de père en fils. Très souvent, les parents apprennent les « petits trucs » gardés en toute confidentialité. En plus de ce parcours classique, docteur Cuong a eu la chance de poursuivre des études supérieures à la prestigieuse Université Tue Tinh. Cet établissement est l’équivalent de Havard de la médecine alternative au Vietnam. Par la suite, il a travaillé pendant plusieurs années à l’hôpital militaire 108. C’est sur l’appel de son père que docteur Cuong a quitté son poste pour rejoindre le cabinet familial.
Le déroulement d’une rencontre avec docteur Cuong est comme celle des Vietnamiens. Concrètement : on fait une consultation, puis docteur Cuong vous prescrit une ordonnance, et la production se fait directement sur place. Si les gens viennent ici, c’est d’abord parce qu’ils ont logiquement un problème de santé quelque part. Ils accordent une certaine préférence aux plantes naturelles par rapport à la médecine orientale. Et donc, ils font confiance à phytothérapie comme une bonne alternative pour maintenir un mode de vie sain. Quand on remplit toutes ces conditions, il est clair que la rencontre avec docteur Cuong n’est pas réservée à un touriste lamda. Il faudrait que les clients aient une sensibilité vis-à-vis de la médecine douce pour bien apprécier la valeur ajoutée de cette activité. Ainsi, TTB TRAVEL fait très attention au profil des voyageurs. Comme tous les médecins vietnamiens, docteur Cuong revêt une importance absolue au respect. Donc, si un touriste vient juste pour prendre des photos et ne s’intéresse pas au sujet, la consultation finira par décevoir profondément docteur Cuong. Par conséquent, TTB TRAVEL perd aussi sa crédibilité. Alors, soyons sérieux !
La rencontre avec docteur Cuong peut varier d’une heure à deux heures. Tout dépend du nombre de questions que le client lui pose. En général, la première demi-heure est consacrée à la présentation de l’histoire de la médecine et son fonctionnement. C’est notre guide francophone qui se charge des explications.
En suite, docteur Cuong entame le diagnostic avec la méthode traditionnelle. Je tiens à rappeler que ceux qui viennent ici ont logiquement un problème de santé. Cette partie peut durer de 5 à 20 minutes, dépendant de la complexité de la maladie. Docteur Cuong vous pose des questions quant aux symptômes que vous avez. Puis, si nécessaire, il peut prendre votre bras pour analyser vore système sanguin. Cette approche prend sa source en Chine.
Après le diagnostic, docteur Cuong vous présentera les plantes et leurs vertus médicales en fonction de vos maladies. Selon le dictionnaire des plantes médicinales du Vietnam, il y a 1700 espèces végétales dont quelque 400 sont endémiques. Parmi ces 400, à peine 10% sont fréquemment utilisées pour traiter les maladies les plus courantes. Pour le reste, c’est plutôt pour guérir des maladies plus spécifiques. Lors de la rencontre avec Cuong, on vous présente seulement quelques espèces, histoire de comprendre le fonctionnement général des plantes.
Selon le courant de pensée de l’Extrême-Orient, la médecine adopte une approche préventive et le traitement vise à éradiquer la cause profonde la maladie. De ce fait, la phytothérapie utilise des ingrédients sous forme pure et requiert une persévérance sans faille chez les patients. Chez docteur Cuong, les voyageurs peuvent lui demander de prescrire une ordonnance et prendre les médicaments sur place. Par contre, attendez-vous à un tarif assez élevé, compte tenu de la forme pure des plantes. C’est logique, car les plantes sont consommées dans leur forme d’origine et la fabrication est artisanale. En revanche, les médicaments occidentaux bénéficient des économies d’échelle et coûtent plusieurs fois moins cher. Pour caricaturer un peu : une cannette de fanta est bien évidemment beaucoup moins chère qu’un verre d’orange pressée, n’est-ce pas?