Homestay Hoi An devient un gros mot pour les professionnels du tourisme. J’ai déjà évoqué le fléau de l’hébergement chez l’habitant falsifié dans mon article précédent. Malheureusement, le phénomène s’amplifie davantage, ce qui crée des soucis pour la ville de Hoi An qui souffre déjà le tourisme de masse. Selon mon dernier repérage en novembre 2019, le nombre de homestay Hoi An s’élève à 350 versus 151 en 2017. Grosso modo, c’est 65% du parc hôtelier de toute la ville de Hoi An. Je ne compte pas des centaines de projets qui ont déjà obtenu une licence d’exploitation, mais ne débutent pas encore les travaux de construction. Le problème de homestay Hoi An n’est pas forcément lié au nombre accru d’établissements. Il est lié à la mauvaise compréhension de la définition de ce qu’est l’hébergement chez l’habitant. La mauvaise perception du terme va entraîner un effet de folklorisation. Plus les mauvais homestay sont nombreux, plus ça renforce la folklorisation qui videra l’âme d’une ville.
On a déjà vu comment Venise a perdu son âme à cause du phénomène de muséification causée par le tourisme de masse. Notre cher ami AirBnB contribue indirectement à la chasse des habitants locaux qui ne peuvent plus vivre à cause des coûts immobiliers. C’est la même chose pour Hoi An, mais avec une version plus dangereuse. Il n’y a pratiquement plus aucun habitant dans la vieille ville de Hoi An. Tous les êtres humains se croisent dans une optique mercantile et transactionnelle : touristes versus vendeurs.
La confusion de homestay Hoi An vient à la fois des propriétaires d’établissement, des touristes et des professionnels dans l’industrie. On comprend mal les composantes qui constituent la vraie authenticité derrière la notion de l’hébergement chez l’habitant. Comme déjà expliqué dans mon article précédent, beaucoup croient qu’il suffit d’investir dans les carcasses d’un bâtiment cozy pour l’appeler homestay. C’est complètement faux ! Pour la quasi-totalité des homestay Hoi An, les propriétaires ne sont pas habitants de souche. Issus d’autres régions, ils viennent investir dans l’immobilier à Hoi An.
Apparemment, homestay est un concept qui rapporte rapidement et facilement de l’argent. Cette vision courtermiste pousse des milliers de Vietnamiens nantis à se ruer vers l’eldorado Hoi An. Le terme homestay est mentionné mainte fois dans tous les plans de construction. Pour beaucoup, un homestay est l’équivalent d’une villa de villégiature. Pour eux, la manne financière est le seul justificatif de homestay, au détriment de tout le reste, y compris le tourisme durable. Donc le premier type de Homestay Hoi An ressemble un peu à une résidence secondaire. On construit une belle villa à l’allure vintage et ou la loue pour une longue durée. Ce de fait, l’expérience authentique est complètement absente dans les homestay Hoi An. On ne croise jamais les propriétaires.
Le deuxième type de homestay Hoi An est une sorte de boutique hôtel, avec une équipe de réception employée par l’investisseur. A nouveau, l’investisseur est souvent un Vietnamien issu des autres régions. Il n’est jamais présent sur le lieu de toute façon. C’est un investisseur qui attend des chiffres d’affaires de l’établissement. Le meilleur exemple est Hoi An Lemongrass homestay. Certes, son cadre est magnifique. Toutefois, il ne faut pas s’attendre à un hébergement chez l’habitant où la famille d’accueil vous tend un sourire. C’est un hôtel lambda, point final. En plus, l’architecture n’a rien à voir avec le style traditionnel de Hoi An. Et enfin, aucun espace de vie local ne se transcrit dans l’établissement, étant donné que ce n’est pas une famille de souche qui vit sur place. Bref, on ne trouve point de composantes identitaires qui constituent le vrai hébergement chez l’habitant à Hoi An. Homestay Hoi An n’est ni plus ni moins un produit mercantile au service des hommes d’affaires sans scrupule qui sont alliés fidèles d’AirBnB
Le troisième type de Homestay Hoi An est un mélange entre l’hôtel classique et chambre d’hôte. L’habillage est bien fait et peu de touristes se posent la bonne question quant à l’authenticité. L’établissement est tenu par une famille qui n’est pas forcément des habitants de souche. Enfin, les touristes s’en foutent un peu. Cette famille va construire un bloc avec une bonne capacité d’accueil. Les membres de la famille vont prendre une ou deux chambres pour vivre en permanence sur place. Le reste est réservé aux touristes. Le meilleur exemple est Jolie Villa Hoi An Homestay, doté de 20 chambres en tout. L’établissement de ce type ne respecte pas deux critères qui constituent un vrai hébergement chez l’habitant : le sens du partage et l’espace de vie. Les touristes ne peuvent jamais partager le quotidien avec la famille d’accueil, puisque cette dernière est trop occupée par la gestion de ses 20 chambres ! Les gens ne peuvent pas vivre le rythme authentique de la famille, puisqu’elle propose d’autres services à la place : location du vélo, excursion à la campagne, etc. Un homestay de ce type est un véritable « one stop shop ». On vend le tout, y compris un cours de cuisine. Ce n’est pas un cours de cuisine avec recette grande mère. On ne vous propose pas forcément ce que la famille va manger au quotidien. Pas de spécialités locales, mais des plats « nationaux» comme les nems par exemple. Imaginez qu’un type de Strasbourg vient investir un homestay en Bretagne. Et puis il met en place une maison à colombage alsacienne pour prétendre que c’est une maison typiquement bretonne. Ensuite, le mec propose les choucroutes et dit aux touristes que c’est un plat typiquement breton. Je ne crois pas que les Bretons de souche soient contents de sa connerie. C’est la même chose pour les habitants de Hoi An. Je constate que tous les plats proposés dans les homestay Hoi An sont aseptisés et n’ont aucune caractéristique de la ville. On propose des nems comme partout ailleurs, alors que les vrais plats de Hoi An prennent source de la communauté d’immigrants chinois. J’ai déjà souligné ce trait de caractère dans mon article sur la cuisine de Hoi An. Certes, je n’ai rien contre Jolie Villa Hoi An Homestay. Le couple gérant est gentil et reçoit d’excellents scores sur Internet pour son service. Si seulement on pouvait enlever le terme homestay à la fin.
Le dernier type de homestay Hoi An ressemble à une auberge de jeunesse destinée aux routards fauchés. La loi de l’offre et la demande veut que la concurrence joue en faveur des touristes. C’est un drame pour Hoi An. Homestay Hoi An devient une commodité pas chère. Selon mon enquête, le prix moyen d’une nuitée est autour de 10 USD par personne. Le meilleur exemple est Under The Coconut Tree Homestay. L’établissement offre carrément des dortoirs dont le prix d’un lit est autour de 8 USD. C’était un bon message publicitaire au départ, car les touristes à basse contribution viennent massivement. Au bout de dix ans, Hoi An commence à subir le revers de sa stratégie low cost. Les touristes « cheap» sont parmi les consommateurs les plus irresponsables de la planète. Ils coûtent beaucoup plus à la ville par rapport à quelques dizaines de dollars qu’ils dépensent sur place.
La ville est incapable d’absorber des millions de touristes chaque année. Des tonnes de déchet sont jetées directement dans la rivière alors que la ville n’a aucun centre de traitement. Dans ce contexte, le manque de coopération entre les propriétaires de homestay Hoi An et l’organisme public n’arrange pas des choses. Pour les autorités locales, leur seul but est de remplie la trésorerie d’État via l’octroi des licences d’exploitation. Il n’y a aucun contrôle sur la validité d’un homestay Hoi An en lien avec l’identité culturelle de la ville (par exemple : respect architectural, origine du propriétaire, etc.). Enfin, à travers mes articles, vous aurez compris que nous sommes dans un pays dont le taux de corruption est parmi le plus élevé au monde. On achète la licence d’exploitation! Selon les sources de mes partenaires sur place, un papier comme ça coûte autour de 9,000 USD.
Je vois les homestay Hoi An comme les vampires. Au lieu d’être ambassadeur de l’identité culturelle, ces établissements sucent le flux de l’authenticité qui circule dans la ville de Hoi An. Les habitants locaux sont chassés les uns après les autres pour céder la place aux boutiques de souvenir, aux cafés, aux hôtels, etc. Avec un objectif d’accueillir 6 millions de touristes en 2020, on verra certainement de nouveaux homestays apparus et habitants expulsés.
Hoi An n’est pas la seule ville vietnamienne touchée par le phénomène du homestay déguisé. C’est un fléau répandu sur l’ensemble des endroits visés par les routards : Hanoi, Saigon, Sapa, etc. Dans les agglomérations urbaines, la confusion entre le vrai hébergement chez l’habitant et homestay « fake » est assez subtile. C’est pourquoi TTB TRAVEL ne propose jamais cette formule en ville. À l’heure actuelle, nous ne trouvons aucune adresse digne de ce nom.