Soyons clairs, je préfère m'enfoncer une fléchette dans l'œil jusqu'au nombril plutôt que de regarder des abrutis " sportifs " en lancer dans des cibles, au milieu d'une foule aussi bourrée passionnée qu'eux et en musique. Franchement, à choisir je suis même prête à aller voir un match de cricket en 4 heures (193 h en ressenti), c'est dire si ça me captive. Bref, malgré 21 ans à côtoyer des gens qui vont jouer aux fléchettes dans des pubs et qui prétendent que c'est un sport, je n'ai jamais apprécier et les tournois télévisés de la chose, à coup de championnats du monde, de l'univers, de la galaxie et de l'Essex réunis sont un mystère pour moi. Mais c'est extrêmement populaire (dans tous les sens du termes) en Angleterre et les champions de fléchettes sont des célébrités. Or voilà-t-il pas que pour la première fois dans l'histoire de la fléchette, une femme a battu un homme en pleine compétition mondiale (d'habitude exclusivement masculine). Ça a fait la une de toute la presse anglaise, qui n'a que ça à dire en ce moment, c'est évident. Littéralement, " woman won a game ". C'est tout. Visiblement, c'est assez historique pour en parler mais pas pour citer son nom, contrairement à celui de son adversaire masculin et perdant. Alors j'ai beau me moquer des fléchettes comme de ma première écharde, ça m'a énervé.
Il y a quelque temps, la presse francophone s'était fendue d'un titre remarquable: une femme de 44 ans nommée première ministre de Belgique. Son âge étant plus important que son nom, forcément. Dans le même style, j'ai vu passer, en anglais cette fois : une femme en Finlande devient la plus jeune première ministre d'Europe. Mais là encore, on préfère préserver son anonymat, probablement par pudeur. Deux secondes sur Google et on trouve des tonnes d'articles où on apprend que la petite amie, la sœur, ou la cousine au second degrés de tel ou tel sportif plus ou moins connu, a remporté une médaille olympique ou battu un record du monde, mais c'est visiblement moins important de citer son nom que son lien de parenté avec un type qui n'est strictement pour rien dans son exploit. Pareil dans le monde des arts, de la littéraire, de la politique, des sciences....ça leur arracherait la gueule, à tous ces pseudos journalistes, de nommer une femme dans leurs titres, juste une fois, pour voir ce que ça fait?
On a une identité, un nom, pas que un âge, un lien de parenté avec je ne sais qui, des jambes plus ou moins longues ou une carrière qui apparemment, reste en travers de la gorge de ces connards machistes qui n'ont jamais été foutus de réussir quoique ce soit, même pas de faire leur job correctement en écrivant un titre en entier. Avec le nom de la personne dont ils parlent, pas juste son genre. On n'est pas interchangeable, dire " une femme ", ça reste assez vague quand même! A quand un titre " woman does something " , " une femme fait quelque chose " pour la prochaine femme à remporter un prix Nobel ou battre un record du monde? Sans oublier en chapeau de preciser le prénom et le patronyme de son conjoint, son père ou son arrière grand oncle qui n'a rien fait de particulier, mais c'est un homme donc il a non seulement le droit d'avoir une identité, mais il est aussi indispensable de le mentionner pour s'excuser d'avoir osé parler d'une femme sans citer d'homme dans le titre. On ne va quand même pas laisser une femme faire seule la une d'un journal pour quelque chose qu'elle a réussi par elle-même, sans chaperon masculin!
Ce n'est évidemment qu'un détail, mais ça en dit long sur la place des femmes dans la société médiatique. En décor, anonyme, ça va, mais il ne faut pas qu'on en fasse trop non plus. C'est encourageant pour les gamines qui voient ça...cela dit, je n'ai pas du être la seule à bondir, puisque certains ont réécrit leur articles et ont pensé à y mettre l'identité de la joueuse de fléchettes du début. Elle s'appelle Fallon Sherrock. Maintenant, elle peut aussi arrêter les fléchettes, tous peuvent arrêtez les fléchettes, mais c'est un autre débat.
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