Khodjent, Tadjikistan / 40°17’N 69°37’E / 2013
Cette très banale photographie, sans grand intérêt, c’est celle d’un site au prestige ancien, tombé dans l’oubli. Khodjent, c’est l’ancienne Alexandria Eschatè, « Alexandrie la plus lointaine », fondée en 329 av. J.-C. par Alexandre III. Le site le plus septentrional de son extraordinaire périple. Il venait d’épouser la très belle Roxane. Pour se remettre en forme et avant de se lancer vers l’Inde, il franchi l’Oxus (Amou-Daria), fait une virée au nord. Il créé une garnison permanente sur la rive de l’Iaxarte, le Syr-Daria.
Et bien voilà l’état des lieux, l’Iaxarte à Alexandria Eschatè, début du XXIe siècle. La cité est une tristounette ville d’Asie centrale, largement marquée dans son urbanisme par l’ère soviétique, et le fleuve s’amenuise régulièrement : il y a longtemps qu’il n’atteint plus son exutoire, la Mer d’Aral. Il disparaît dans les sables du Kazakhstan.
Il n’y a quasi aucune trace de l’Antiquité à Khodjent, et pas de statue d’Alexandre le Grand. Par contre sur le site d’où la photo est prise, sur la rive nord du Syr-Daria, juste à l’entrée de la ville, un grand et tout neuf Ismoil Somoni (849-907), héros national que l’historiographie nationale pose en fondateur d’un premier empire au Tadjikistan. Un peu en retrait, un Lénine (1870-1924), déplacé pour faire place à Somoni, et repeint à la peinture d’oxyde d’aluminium. Avec ses 22 mètres il serait le plus haut d’Asie centrale.
Alors pour la mémoire d’Alexandre (356-323 av.J.-C.), je vais tout de même vous fournir deux images :
Ci-dessus, la statue d’Alexandre le Grand – λέξανδρος ὁ Μέγας à Thessalonique, Grèce / 2015.
Et là le même, dans une statuaire extravagante sur Makedonia Square, l’ensemble kitchissime du centre de Skopje, en Macédoine du Nord, ex-FYROM – Former Yugoslavia Republic of Macedonia / 2011.
Vous aurez évidemment suivi, ces dernières années, la violente controverse, qui aurait pu déboucher sur une Nouvelle Guerre Balkanique ( mais l’UE, tentative d’empire, veillait sur ses marges orientales ) entre ex-FYROM et la Grèce, la Bulgarie en embuscade, à propos des revendications sur l’origine « nationale » d’Alexandre le Grand. Un comble, pour ce grand conquérant, qui s’est toujours royalement foutu des frontières – pourvu que l’on parla grec dans ses états-majors, hellénisme oblige.
Sous peu, accaparés par la gestion des « objets connectés », à suivre les flux des « réseaux sociaux » et se gaver de vidéos en « streaming », à parcourir des blogs au contenu superficiel (!) – à part quelques derniers, vénérables et chenus historiens, en voie d’extinction eux aussi – nous n’aurons absolument plus le temps de nous intéresser à ces vieilleries.