L'Almabtrieb, la transhumance autrichienne
Tout d'abord, il est à noter que l'Almabtrieb n'est pas une tradition 100 % autrichienne mais plutôt des régions alpines germanophones : cela se retrouve donc, parfois sous un nom différent, aussi bien en Allemagne qu'en Suisse. Mais qu'elle que soit son appellation, le principe reste le même : c'est la redescente des vaches des alpages, où elles passent l'été, pour leur faire regagner les étables, en prévision de l'hiver.
Cette transhumance, qui a lieu de fin août à fin septembre en Autriche, s'accompagne de festivités dans les villages traversés par les troupeaux. Des tréteaux sont dressés sur la place principale, la bière coule à flot, les assiettes sont remplies de saucisses, les fermiers du coin viennent vendre leurs produits, des groupes locaux jouent de la musique traditionnelle et d'autres animations folkloriques ponctuent la journée, entre chaque passage de troupeau. Car ce sont eux le véritable spectacle, ces vaches qui défilent, la tête décorée de couronnes de fleurs, surmontées d'images pieuses, de croix ou simplement de formules de protection.
En Autriche, l'Almabtrieb se déroule dans plusieurs régions : dans le Vorarlberg et au Tyrol, régions alpines par excellence, mais aussi, de manière plus modeste, dans le land de Salzbourg, en Styrie, en Carinthie ou même en Haute-Autriche. Je vous recommande le site de l'office de tourisme autrichien (dans sa version allemande) pour un calendrier plutôt complet.
Festivités dans le Zillertal et Zell am Ziller
Pour ma part, pour des raisons de calendrier, j'ai choisi cette année d'assister aux festivités à Zell am Ziller, dans le Zillertal (Tal signifie vallée en allemand), juste à la bordure du land de Salzbourg. J'ai trouvé assez peu d'informations sur le net sur comment ces fêtes se déroulent : un horaire de début, un lieu, un vague planning, mais honnêtement je ne savais pas trop à quoi m'attendre. Je me dis donc que si vous êtes dans le même cas que moi, cela pourra vous donner des indications. Évidemment, j'imagine que chaque fête a ses propres particularités, surtout suivant la région ou même la vallée dans laquelle on se trouve. Mais j'imagine qu'il existe quand même des similitudes.
Tout d'abord, ces festivités commencent assez tôt, en général vers 9 h ou 10 h, et durent jusqu'en début, milieu ou fin d'après-midi. Par exemple, à Zell am Ziller, il y avait deux lieux de festivités, sur la place principale du village et dans une ferme non loin. Quand j'ai quitté la ferme vers 17 h, la fête battait encore son plein. À 18 h dans le village, tout était déjà terminé, rangé, nettoyé. C'est vraiment en matinée que l'on trouve le plus de monde. J'ai été étonnée, par exemple, de voir qu'en début d'après-midi, la foule était beaucoup moins dense. Bref, ne venez pas trop tard : l'heure du déjeuner semble un bon compris si vous ne comptez pas y aller depuis l'ouverture.
Ce qui était le plus vague, et à mon sens le plus important, c'est le fameux défilé des vaches dans la ville. Je pensais qu'elles arriveraient toute dans un gros troupeau, et qu'il fallait mieux pas louper la parade. Je n'étais pas plus loin de la vérité : à l'office de tourisme, j'ai pu récupérer une feuille qui indiquait l'ordre de passage approximatif et le nom des troupeaux (ou plutôt des fermes auxquelles ils appartiennent). Ainsi, entre 9 h et 16 h, c'est une bonne dizaine de troupeaux qui ont donc traversé le village. À chaque fois, c'est donc entre 20 et 80 bêtes qui passent devant vos yeux. Attention, ça va vite, les vaches sont pressées !
On les entend arriver de loin grâce aux cloches autour de leur cou, censée éloigner les mauvais esprits. Sur leur tête, ces fameuses couronnes, qui ne sont dressées que s'il n'y a pas eu d'incident pendant la période en alpages. Tous les symboles religieux (idoles, croix...) qui décorent ces couronnes sont bien évidemment là en signe de protection. Les miroirs, eux, éloignent le mauvais œil.
Une fois que le troupeau est passé, les animations reprennent, la musique résonne à nouveau et notamment le célèbre yodel tyrolien, les danseurs folkloriques remontent sur l'estrade, on va commander une autre bière, on discute gaiement, on danse, tout ça jusqu'au prochain passage. Vous pouvez décider de prendre place à l'une des tables dressées sur la place ou papillonner de droite et de gauche toute la journée comme j'ai fait : franchement, il n'y a pas de règle, l'ambiance est bonne enfant. Comme chacun vaque à ses occupations entre deux troupeaux, il n'y a pas de place attitrée le long de la route et vous pourrez toujours espérer avoir une meilleure place au passage suivant. J'ai été très surprise de voir que la moyenne d'âge était plutôt élevée, avec aussi beaucoup de familles.
J'ai terminé la journée dans une ferme, un peu par hasard. J'avais lu, toujours avec mes informations parcellaires, que les troupeaux finiraient par se rejoindre à cette ferme non loin. Je m'y suis donc rendu mais ce n'était pas tous les troupeaux : non, j'ai juste précédé celui de cette ferme-ci alors qu'il regagnait ses pénates, puis j'ai passé l'heure suivante à crapahuter dans le pré, évitant les bouses, pour photographier de plus près les couronnes habilement confectionnées. C'était vraiment amusant de voir comment certaines donnaient vraiment l'impression de prendre la pose, s'arrêtant devant vous et vous fixant pendant quelques secondes, avant de partir placidement plus loin... et refaire le même coup pour quelqu'un d'autre. Là où elles étaient moins placides par contre, c'est au moment de leur enlever cloche et couronne : pour certaines, il fallait s'y mettre à plusieurs et c'était assez tordant, je l'avoue, de voir les vaches rendre les humains chèvre à courir partout et ne pas se laisser attraper.
Vous l'aurez compris, je suis tombée sous le charme de cette fête, j'ai trouvé les couronnes des vaches plus belles les unes que les autres et désormais, je n'ai plus qu'une envie, en plus de revenir assister à d'autres Almabtrieb dans les années à venir : faire partie de ceux qui les accompagnent pendant la transhumance ! Je ne sais pas du tout si c'est ouvert à n'importe qui mais je me renseignerai à coup sûr.
Le Zillertal et Zell am Ziller pratique
En parlant de bus, en logeant à Zell am Ziller, avec la carte d'invité que l'on vous remet en arrivant (le petit formulaire que vous remplissez avec vos nom, prénom, etc.), vous avez accès au "bus de randonnée" qui relie notamment Zell am Ziller et Gerlos. Le long, il y a, comme son nom l'indique, énormément de départs de randonnée, et la fréquence est plutôt correcte en été (de juin à début octobre) avec une dizaine d'horaires entre 8 h et 19 h. Mais je vous en reparlerai dans un prochain article où je vous emmènerai randonner dans les environs de Gerlos.
(Je fais ici un aparté car le même jour avait aussi lieu l'Almabtrieb à Gerlos. J'espérais prendre le bus pour y rester 1 ou 2 h et voir comment cela se passait dans le village voisin, mais le bus ne s'est jamais présenté : les routes devaient certainement être coupées. Je ne sais pas si j'aurais pu m'y rendre par mes propres moyens mais en tout cas, si vous prévoyez de vous déplacer en voiture ou en transport ce jour-là, attendez-vous à des difficultés.)
Sur place, j'ai logé à la pension Mühlbacher. Elle est à deux pas de la gare et du centre (bon Zell am Ziller est minuscule, mais est séparé en deux zones, le centre et puis du côté du départ des remontées mécaniques, à environ 20 minutes de marche du centre). Je vous recommande vraiment cet endroit, les prix sont très doux et le personnel était d'une gentillesse : il leur a fallu à peu près dix secondes pour comprendre que j'étais française, ils étaient plutôt étonnés que je vienne là ("vous êtes journaliste ?" Euh non juste une touriste curieuse) mais ont été adorables tout le long de mon séjour. Ils font aussi restaurant et j'y ai dîné le soir : on a le droit à une cuisine traditionnelle, vraiment copieuse. Deux bémols : j'ai trouvé les prix assez élevés, limite plus qu'à Vienne (on sent que c'est une région touristique) mais c'était partout comme ça donc ce n'était pas une surprise ; et surtout, il n'y avait qu'un seul plat végétarien à la carte, des Käsespätzle. Mais si vous voulez découvrir les plats typiques de la région à base de viande, vous avez l'embarras du choix !
Pour les becs sucrés, je vous recommande le charmant café Kerzenstüberl : vous êtes au bord de la rivière Ziller, le lieu ressemble à un chalet (bon OK, il n'y a quasiment que des chalets dans le coin) et les pâtisseries délicieuses. Je crois que s'ils proposaient une formule petit déjeuner ils m'auraient vu à tous les repas !