No, no, no, yes, no.


J’ai déjà parlé des séries typiquement britanniques qu’on regardait et qui n’ont pas traversé la Manche. Il y avait entre autres, the vicar of Dibley, une série d’aspect gentillet, centrée autour d’une vicaire femme qui décoiffe et qui débarque dans un petit village idyllique et so middle England. Il n’y a pas l’ombre d’un habitant étranger ou quelque peu coloré. Rien qui dépasse en apparence. Les villageois sont tous blancs et protestants. On suit les aventures du parish council, le conseil paroissial, présidé par le notable du village et regroupant une poignée de retraités divers. La campagne anglaise autour est magnifique, le village, absolument charmant. C’est bon enfant et sympathique au premier abord, mais ça permet aux scénaristes de faire sortir les pires énormités à tous ce petit monde, du zoophile aux obsédés, sans méchanceté mais avec jubilation. Ces caricatures de l’Angleterre profonde, lisse et bien-pensante, balancent des atrocités hilarantes avec l’air benoît. C’est tellement décalé par rapport à leur image et les histoires plutôt mignonnes de chaque épisode, que ça passe comme si de rien n’était. Tout ça pour dire que derrière la jolie image de carte postale à donner un orgasme à tous les politiciens nationalistes passéistes, il y a n’importe quoi, vraiment!

No, no, no, yes, no.

Un des personnages les plus drôles la série, Jim, est connu pour être un pervers gâteux et réjoui de l’être, mais aussi pour ces grandes tirades incompréhensibles du style: no, no, no, no, yes, no. On ne sait jamais ce qu’il veut, quelle est sa réponse ou son opinion. Et bien hier, encore une fois, c’est tout le parlement britannique qui a fait son Jim. Westminster, cette institution multicentenaire, radoteuse et croulante qui n’a plus toute sa tête mais rêve de grandeur passée, avec ses manifestants nudistes en pleine séance et son incapacité à répondre à la moindre question: no, no, no, no, no, yes, no. Jim a pris le pouvoir en Angleterre. C’est clair et net, pour la deuxième fois en quelques jours, les députés ont pris position sur le brexit: ils ne veulent pas du no deal. Ils ne veulent pas du deal. Ils ne veulent pas d’un autre deal. Ils ne veulent pas annuler tout. Ils veulent…ah, ben , on ne sait pas. No, no, no, yes, no. C’est aussi limpide qu’une réponse de Jim. Ils veulent tout et son contraire, en même temps.

No, no, no, yes, no.

Source Banksy a eu la bonne idée de représenter les députés de Westminster en singes en 2009.

May, pour une raison inconnue alors qu’elle se prend une claque à chaque fois qu’elle essaie de faire passer quoique ce soit au parlement, a pris ça comme un soutien à sa stratégie de négociation du brexit. Déjà c’est une surprise: personne n’avait remarqué qu’elle avait une stratégie, à part celle de la moule accrochée à son rocher de Downing Street. Ce matin, elle a organisé une énième réunion d’urgence du gouvernement, on va voir ce qu’on va voir. Comme la dernière fois donc, c’est à dire rien. Entre les ministres qui menacent de démissionner en cas de no deal, ceux qui menacent de démissionner en cas de deal, ceux qui menacent de démissionner en cas de report, ceux qui menacent de démissionner en cas de non report, ceux qui menacent de démission en cas de pénurie de frites à la cantine, May ne peut pas bouger d’un millimètre. La seule chose sur laquelle ils sont d’accord, c’est qu’elle est nulle et qu’il faut la remplacer d’urgence. D’ailleurs ils sont tous candidats. Tous. C’est ce qui sauve encore May, ils sont tous à l’affût et personne n’ose faire le premier geste au risque de se voir griller par un concurrent. Rien ne bouge, rien n’est décidé, rien n’est fait.

Pendant ce temps, l’Europe attend. Les européens en UK et les britanniques en Europe attendent. Les entreprises, les transporteurs, les supermarchés, les hôpitaux….tout le monde attend. Ce serait risible si ce n’était pas si grave. Les politiques anglais pourraient dire, comme Jim dans the vicar of Dibley: « on est les rois. Les rois sont tous des cretins congénitaux sans cerveau ». Welcome to Brexitland.