Throwback Thursday Thunder: to an ex friend


Suite à mon billet de hier, j’ai eu des questions (merci, j’adore les questions!). Avant qu’on quitte Brexitland, j’avais écrit un billet qui se voulait une lettre d’adieu à d’anciens amis anglais. Je précise de suite que j’ai aussi rencontré notamment grâce à mes engagements anti-brexit, des anglais formidables, d’une tolérance et d’une détermination à toute épreuve, et je suis extrêmement flattée que des gens aussi merveilleux qu’eux me considèrent comme une amie. Mais je parlais d’amies, ou plutôt d’ex amies que je connaissais depuis plus de 10 ans et en qui j’avais une confiance totale. C’est ballot de ma part. Celle qui m’a accompagné à une échographie pour Wizzboy, celle qu’on a soutenu quand elle a quitté son mari, celle dont j’ai organisé les 40 ans, celle qui m’a surprise avec une baby shower, celle dont les enfants faisait partie de la maison, tellement on était habitué à les avoir à table, celle que je considérais comme la personne la plus gentille au monde…vous allez me dire, peut-être que je ne sais pas choisir mes amies, c’est tout. Oui, mais en 10 ans, elles auraient quand même eu l’occasion de me montrer que notre amitié les dérangeait, non? Parce que là rien jusqu’au brexit, jusqu’au premier « conseil » hypocrite, suivi de la première insulte. Alors voilà je reposte ce billet aujourd’hui pour répondre à ceux qui m’ont demandé comment j’avais vécu la période post référendum. Je suis toujours en colère après ces britanniques qui étaient les polis, les gentils, les ouverts d’esprit. Ceux qui ont un cerveau en état de marche. Ceux qui étaient mes amis. Ceux qui ont choisi de ne plus l’être. Et oui, c’est du vécu.

Throwback Thursday Thunder: to an ex friend

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Ceux qui m’énervent encore, ce sont ces amis éclairés, cosmopolitains, qui ont fait parfois campagne très vocalement pour rester dans l’Europe. Qui comprenaient très bien les tenants et aboutissants du vote, qui n’étaient pas dupes des mensonges de certains brexiters qui tentaient de cacher leur xénophobie délirante derrière des arguments pseudo rationnels d’intérêt national. Je pense à ces britanniques qui manifestent contre Trump, qui s’indignent devant les images de guerre, qui pleurent le sort des réfugiés (à condition qu’ils soient loin bien sûr) et qui continuent à poster sur les RS des images de licornes à paillettes bramant des slogans pré vomis d’amour universel, librement inspirés d’une bouillie de citations troquées et massacrées de Martin Luther King, Gandhi ou carrément John Lennon. Ils sont les gentils, les intelligents, les bons…forcément. Et ils se taisent quand on se fait insulter devant eux. Ils détournent les yeux d’un air gêné quand on se fait agresser devant eux. Ils nous ignorent, nous oublient, nous effacent par leur indifférence, par leur lâcheté quotidienne. Surtout ne pas prendre parti, ne pas se faire remarquer, ne pas voir, ne pas entendre, ne pas dénoncer. Et puis, si on te traite de vermine de française devant tes enfants, c’est peut-être que tu l’as bien cherché…il faut comprendre les brexiters, ils n’ont pas tout à fait tort, tu es quand même bien française, non? Sois un peu tolérante!

Ma colère contre ces anciens amis ne faiblit pas. Elle est à la mesure de ma déception. Où sont leur ouverture d’esprit, leur tolérance, ce que je croyais être leur culture british, leur humour? Disparus, envolés, surtout ne pas faire de vague. Accepter tout sans broncher, ou mieux, en se cachant la tête dans le sable. On ne peut pas protester contre ce qui n’existe pas, n’est-ce pas? Alors c’est facile, il suffit de refuser de voir la xénophobie, le racisme, les discriminations officielles, et voilà, problème réglé. Ils sont pénibles ces européens à protester comme ça. Prenez un peu sur vous aussi, au lieu de casser l’ambiance. Vous avez peur d’être déportés alors que vous êtes ici légalement? ah ben oui, mais c’est la vie hein. On n’y peut rien. Chacun ses problèmes. Ce n’est pas poli de râler. En tout cas, ce n’est pas poliici. Vous n’êtes pas si intégrés que ça finalement, hum? Peut-être qu’effectivement, vous feriez mieux de « go back where you come from », pour votre bien évidemment…et notre tranquillité d’esprit un peu aussi. Puisqu’on vous dit qu’on est les gentils, nous. Arrêtez de vous agiter comme ça, arrêtez de vous faire insulter devant nous, on ne fera rien mais ça dérange notre bonne conscience. C’est votre faute à attendre de nous qu’on se comporte en amis, en gentils, en civilisés. Qu’on applique à notre pays, à nos vies, à notre conduite les grands principes qu’on exige des autres. Sérieusement, vous pouvez pas dégager si vous n’êtes pas contents d’être discriminés? Vous nous gênez en fait. Laissez-nous ne pas voir, ne pas entendre, ne pas comprendre, ne pas protester, ne pas réagir, ne pas compatir, ne pas tendre la main. Laissez-nous nous taire et nous cacher bien tranquilles derrière notre lâcheté ordinaire.

Alors je vous ai laissés. Je sais que vous m’en vouliez, que vous ne compreniez pas pourquoi je me suis vexée quand vous m’avez dit de partir « chez moi », puisque je n’étais plus heureuse en Angleterre . Je pensais que j’y étais chez moi, et je croyais naïvement que vous le pensiez aussi. Je pensais être juste votre amie, pas votre amieétrangère.Votre silence et votre indifférence m’ont fait bien plus mal que toutes les insultes de tous les xenophobes, que toutes les directives délirantes de votre gouvernement pour nous rabaisser constamment. Alors profitez bien de votre brexitland, vous ne l’avez peut être pas voulu, mais c’est votre acceptation passive qui le rend possible. J’ai suivi vos conseils, I went back where I came from. Good luck, you will need it more than me.