Les méandres de Westminster


J’ai passé la soirée de hier suspendue aux élucubrations du parlement britannique. A 16 jours de la date prévue pour le brexit, la situation est très simple: les britanniques ne veulent pas de l’accord de sortie négocié avec l’Europe à cause d’une clause sur la frontière irlandaise qu’ils ont eux même exigé. Ils ne veulent pas non plus partir sans accord. Enfin, une minorité si, mais les autres non. Pareil pour une annulation pure et simple du brexit, un deuxième referendum ou des élections anticipées. Seule une extension de la période de négociation semble faire ou presque, l’unanimité. Ils continuent à négocier entre eux, oubliant allègrement que c’est à Bruxelles de décider si ils acceptent ou non cette demande d’extension. C’est tellement la pagaille, personne ne sait ce qui va se passer dans le prochain quart d’heure, le pays tangue et vogue à toute vitesse vers on ne sait quel avenir…et le gouvernement et les députés de Westminster continuent à brasser du vent. Pour me changer les idées, et essayer de me rappeler qu’il n’y a pas si longtemps, je comprenais encore quelque chose au fonctionnement du parlement britannique (avant le brexit donc, avant que les députés petent les plombs), j’actualise un très vieux billet sur Westminster.

Les méandres de Westminster

Touristiquement parlant, c’est un must, c’est un des plus beaux monuments historiques de Londres. Westminster a été construit en 1099, par le fils de Guillaume le conquérant, lui aussi Guillaume, bref, grâce aux français, ahaha. Un incendie a ravagé une grande partie du bâtiment d’origine en 1834, cependant le great hall, la grande salle principale a survécue, le reste a été reconstruit. Mais Westminster n’est pas qu’un monument historique, il s’y passe aussi des tas de choses de nos jours. La chambre des lords, House of Lords, et la chambre des députés House of Communs (dans le sens commun des mortels, opposés aux lords, c’est charmant), y siègent. D’après la brochure officielle, les Lords passent leur temps à débattre doctement sur des propositions de lois. D’après ce qu’on peut voir à la télévision, ils passent leurs temps à dormir dans les travées ( la moyenne d’âge est élevée) ou à faire des gestes obscènes avec un panache remarquable: la très respectable baronne Trumpington est devenue une célébrité à plus de 90 ans pour un geste que je recommanderais d’éviter aux expatriés tout juste arrivés et qui ne savent pas encore ( une sorte de V de la victoire, mais à l’envers…je ne vais pas vous faire un dessin quand même! C’est extrêmement vulgaire, mais bizarrement délicieux quand ça vient d’une vieille dame, surtout à Westminster). Les Lords sont nommés par la reine, sur recommandation du premier ministre. Les titres sont vendus aux plus offrants ne sont généralement plus transmissibles aux descendants (imaginez, si David Beckham est anobli, au moins ça ne lui survivra pas, on n’aura pas Lord Brooklyn, Lord Roméo ou Lord Passoire ou je ne sais quoi pour décider de la constitutionnalité d’une loi dans 50 ans. Ça rassure).

Les députés de la House of communs eux, sont élus dans une circonscription, un peu comme en France (une constituency). Il y a trois partis principaux, chacun avec ses couleurs, à l’image des équipes de foot, les conservateurs en bleu, ou tories pour les intimes, le labour en rouge et les libéraux démocrates, malheureusement en jaune. Malheureusement, car les représentants masculins de chaque parti, dans un souci pédagogique certain, et pour qu’on puisse les différencier un peu les uns des autres, ce qui n’est pas toujours évident, ni physiquement, ni par leurs discours, portent souvent une cravate à la couleur du parti qu’ils représentent. Pas toujours facile de porter une cravate jaune, on tombe vite dans le canari pétant, ou le fluo scintillant. On peut rajouter les indépendantistes écossais, les verts, les unionistes irlandais du DUP et depuis quelques semaines les indépendants, composés de 12 courageux qui ont démissionné du Labour et des Tories, écœurés par la gestion calamiteuse du brexit de leurs anciens partis. Il n’y a plus de député UKIP, le parti facho brexiteur (leur seul élu venait d’à côté de chez nous à Clacton et il a démissionné), mais ils se rattrapent en ayant infiltré de leurs idées nauséabondes une bonne moitié des tories. Les députés indépendantistes irlandais ont toujours refusé par principe de siéger à Westminster.

Le premier ministre est le chef du parti qui a la majorité, ou le chef d’une coalition. Si il n’y a pas de majorité, on appelle ça joliment un hunged parliament, un parlement pendu. May, qui s’agrippe au pouvoir désespérément a dû composer avec le DUP pour garder sa place. Ils ne font pas parti du gouvernent mais voté avec lui pour lui assurer une majorité parlementaire, en principe. Dans les faits, la dizaine de députés du DUP tient May en otage et bloque toute avancée possible sur le brexit. Le gouvernement et l’opposition siègent les uns en face des autres et sont donc sensés s’opposer. Sauf qu’avec le brexit, les lignes sont brouillées. Le chef du labour en arrive à obliger ses députés a voté pour des propositions du gouvernement qui sont rejeté par une partie de la majorité gouvernementale. C’est cette bande de guignols qui tient entre ses mains, en partie l’avenir du pays…moins qu’ils ne le croient d’ailleurs puisqu’on les regarde, atterré, depuis Bruxelles et qu’on commence sérieusement à perdre patience devant leur niveau d’incompétence.

To be continued then, jusqu’au 29 mars et peut être après.