Il y a un moment que je n’avais rien écrit sur le brexit. Pourtant, depuis quelques semaines les gens m’interpellent, ça intéresse un peu plus les médias continentaux et on commence à en parler. On est même tombé sur un reportage sur une chaîne française « dans la capitale du brexit » selon le journaliste, c’est à dire à Clacton, dans notre comté, enfin notre ancien comté qui a voté à 70% pour le leave. Je n’en parle pas parce que, à 22 jours de la date prévue de sortie du Royaume-Uni, je ne sais plus quoi dire tant la situation est sidérante.
On ne sait pas si dans 22 jours Marichéri pourra continuer à aller bosser. Il a besoin de prendre l’eurostar deux fois par semaine et les répétitions organisées par les douaniers français ont bien montré la paralysie totale et des gares et des ports, notamment Calais, qui nous attende en cas de no deal. On ne sait pas si L’Ado pourra retourner à Londres en septembre pour finir ses études et si oui, après quelles formalités administratives. Il reçoit presque quotidiennement des emails de son université anglaise qui ne sait pas quoi faire. Personne ne sait, surtout pas le gouvernement britannique et Zaza qui se cramponne désespérément à son poste sans se soucier des conséquences. Et chaque jour, je vois passer les témoignages de mes amis, de mes connaissances en Angleterre. Ce matin une grande-mère annonçait que son médecin l’a prévenue, en cas de no deal, il y aura des pénuries de médicaments et traitements. Elle a un cancer, vu son âge (pourtant relativement jeune), elle ne fera pas partie des malades prioritaires qui auront droit à être soignés. Un médecin a dû prononcer ces mots, dire ça, impuissant, à sa patiente. La semaine dernière, un papa dont le fils est lourdement asthmatique racontait que son médecin l’a averti: les médicaments qui sauve la vie de son enfant ne seront plus disponibles en cas de no deal. Quelques jours avant, c’était une maman qui a un fils insulino dépendant qui apportait un témoignage similaire. J’ai envie de pleurer, de vomir, de hurler. Et il ne s’agit que de gens que je côtoie sur les RS, multipliez par l’ensemble de la population et imaginez ce que ça peut donner. Le corps médical crie sa colère et son inquiétude depuis des mois, sans réaction du gouvernement. Il reste 22 jours pour trouver une solution. Comment peut-on jouer de la vie des gens comme ça? Comment May qui se drape régulièrement dans ses habits de fille de vicaire et sa clique de brexiters débiles peuvent encore se regarder dans un miroir? Même si ils arrivent à un accord d’ici 22 jours, qu’est-ce qui peut justifier de faire subir ce niveau d’angoisse à de pauvres malheureux au nom d’un nationalisme aussi déconnecté de la réalité que xenophobe?
Et les gens postent sur FB des photos de leurs piles de boîtes de conserve en demandant si ils ont oublié quelque chose, on vend des « kits de survie » en cas de no deal dans les supermarchés, Zaza nomme un ministre à l’approvisionnement alimentaire. Les entreprises supplient le gouvernement de leur dire ce qui va se passer dans 22 jours. Les exportations pourront toujours partir? Et les importations vitales toujours rentrer? On ne sait pas. La classe politique est trop occupée à négocier avec elle-même pour se soucier du bon peuple. En même temps, une grande partie de ce bon peuple s’en fout et continue à marcher comme des somnambules droit dans le mur sans réagir. Les parlementaires pondent des amendements, le gouvernement va de compromis boiteux en rétropédalages honteux pour ne pas tomber en déliquescence totale. Ils vivent en vase clos, coupés de la réalité. C’est absolument sidérant de les voir débattre, de les voir prendre de grandes postures et s’arrêter sur des décisions qui se veulent historiques en oubliant complètement qu’il s’agit de trouver une solution non pas britannico-britannique mais en partenariat avec Bruxelles. Bruxelles qui a clairement posé des règles depuis le début et s’y tient. A chaque fois que Westminster ou Zaza annoncent que ça y est, ils se sont mis d’accord sur quelque chose, c’est en opposition complète avec ce que Bruxelles peut accepter. Mais c’est pas grave youpidoo, le brexit est réglé. Et paf quelque jours après on se rend compte que l’Europe a dit non. Bouh, les méchants. L’Europe n’a pas dit non, l’Europe vous explique la même chose depuis 3 an, c’est vous qui n’écoutez pas. Le droit international ne se modifie pas au grès des caprices d’une poignée de députés anglais. Et ça continue, le parlement et le gouvernement britanniques, de plus en plus hors sol, repartent pour un tour. Il reste 22 jours pour continuer ce cirque. 22 jours d’angoisse absolue pour ceux pour qui un accord sur le brexit est une question de vie ou de mort.
Une sombre abrutie, interviewée pendant le reportage de la télé française à Clacton, réclamait que le brexit ait bien lieu le 29 mars, et sans accord. Les conséquences? On s’en fout, on verra plus tard. On verra dans 22 jours. Voilà. Welcome to brexitland.