J’ai dû remplir un énième formulaire administratif cette semaine (c’est fou, cette passion très française pour la paperasse), où je me suis déclarée comme mère au foyer. Je préfère nettement le « homemaker » anglais, neutre et positif: on ne garde pas bêtement les gosses à la maison, c’est constructif, on fait tourner le foyer. Mais ce qui m’horripile bien plus, ce sont les regards méprisants qui vont avec quand la personne en face lit donc ce « mère au foyer » , ajoutez mes 5 enfants et je suis cataloguée. Du coup, je ressors une vieille colère: oui je suis mère au foyer, et alors? Ça fait des années maintenant que je n’ai pas mis les pieds dans une salle de classe, devant des élèves. Et soyons clairs, c’était plus un passe-temps qu’autre chose, on ne risquait pas de bouffer avec mes clopinettes. Je crois que j’ai déjà mentionné une ou deux fois que j’adore aussi cuisiner, par pure gourmandise et que donc, effectivement je passe du temps derrière mes fourneaux. Pour certaines, ça justifie de me lapider au nom de préjugés débiles. Le cliché de la mère au foyer nunuche et limite asservie est tellement ancré dans les mentalités qu’il ressort souvent. Et ça me contrarie grandement.
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J’ai eu droit régulièrement à des tas de réflexions pas du tout caricaturales, allant de mes capacités d’intellectuelles forcément limitées pour n’êtrequeMaman au foyer à des comparaisons osées avec une carpette matrimoniale. Vous devriez en parler à Marichéri, il risque d’être surpris. Très surpris. Mais ma préférée ça reste le fait qu’apparemment, je suis une traître. Rien que ça. Je condamne à moi toute seule la cause féministe. Ah ben je ne savais pas. Ce qui confirme par la même occasion les suppositions sur mes capacités de réflexion défectueuses. Je croyais bêtement que les gros cons qui harcèlent les femmes, les publicitaires sexistes, les patrons qui paient moins leurs salariéEs, les fabriquants de jouets qui conditionnent les gamines dès la naissance posaient problème. Pas du tout, la vrai cause des inégalités hommes-femmes, ce sont ces collabos de mamans au foyer (une parenthèse. Et les papas au foyer? Dans quelle case les mettent ces professionnels du jugement péremptoire?). Je fais style, mais c’est évident, je suis une fausse féministe. Parce que je ne rentre pas dans les cases que d’autres ont choisi pour moi, la société me juge….c’est marrant ça me rappelle quelque chose….et ça ne mérite même pas de réponse. Je ne vais pas me justifier, ni expliquermeschoix, c’estmavie.
Le trip: « toi qui as fait des études, tu as raté ta vie parce tu n’as pas une brillante carrière » est pas mal non plus. Je ne vais pas vous sortir « maman, c’est le plus beau métier du monde » , déjà parce que ce genre de niaiserie me donne envie de vomir. Le mythe de la maternité béate et bêlante, ça m’exaspère au plus haut point (Ça va, vous avez juste un utérus en état de marche, ça ne fait pas de vous une sainte martyre, il faut se détendre un peu). Mais surtout, c’est totalement faux, maman n’est pas un métier et ce n’est pas beau. Vous avez déjà changé une couche? C’est répugnant. Pour en revenir à cette histoire de vie ratée parce que je n’ai pas de brillante carrière malgré mes études (si, si je parlais de ça plus haut, mais je suis énervée alors je m’éparpille encore plus que d’habitude), justement ça ne me convenait pas du tout. Et puis, ce n’est pas un chouïa limité, voire vénal de ne juger la valeur des autres qu’à leur carrière? Non parce que j’en connais qui ont la fameuse brillante carrière et qui sont pourtant des cons finis. Prétentieux, incultes, égoïstes et sans aucun humour. Et il faudrait que je leur ressemble pour réussir ma vie? Ça ira merci, je préfère rester une ratée alors, une pauvre bobonne au foyer.
Effectivement, il y a treees longtemps je n’envisageai pas ma vie comme ça. Pourquoi, la vôtre se passe exactement comme vous l’aviez prévu à 20 ans? Aucune surprise, aucune fantaisie, juste une route bien lisse et toute tracée? C’est à mourrir d’ennui. Je ne voulais pas me marier et encore moins avoir des enfants, je voulais faire le tour du monde, aller à l’aventure (comme quoi, c’était déjà mal barré pour la brillante carrière). Et bien, ma vie avec Maricheri et mes enfants c’est une merveilleuse aventure, bien mieux que tout ce que je pouvais imaginer. Il n’y a aucun renoncement, aucune routine au contraire, et non je ne suis pas la boniche. J’ai eu la chance incommensurable d’entamer une discussion qui dure depuis 22 ans, c’est drôle (très drôle) et plein de surprises, et on choisit ensemble ce qui est le mieux pour nous, sans nous soucier de l’opinion des autres, des cases dans lesquelles on voudrait nous faire rentrer ou de l’image qu’on renvoie. Quand on est occupé à vivre sa vie, on n’a ni le temps ni l’inclinaison pour aller juger celle des autres. Je dis ça comme ça….