L’enfer émeraude
Ubud stories #3
Comme par hasard, dès qu’on s’éloigne un peu de la foule massée autour des singes, il n’y a plus personne. Il n’y a plus rien, c’est comme si le monde avait ses frontières aux limites de ce qui est écrit dans les guides touristiques. Pourtant, la forêt des singes ne manque pas d’offrir des surprises à celui qui fuit ceux qui marchent sans s’arrêter.
Comme par hasard, dès qu’on s’éloigne un peu de la foule massée autour des singes, il n’y a plus personne. Il n’y a plus rien, c’est comme si le monde avait ses frontières aux limites de ce qui est écrit dans les guides touristiques. Pourtant, la forêt des singes ne manque pas d’offrir des surprises à celui qui fuit ceux qui ne marchent pas.
La forêt prend le dessus, les racines cachent une vie qui ose parfois se montrer, les ficus s’élèvent au-dessus de la canopée et les nœuds qui s’enfoncent dans la terre laissent présager d’une vie grouillante, faite d’écailles et de reptations…
Il suffit de prendre les chemins de traverse, malgré la touffeur et la fatigue qui m’étreignent.
Il suffit de se rendre là où les chemins descendent vers le cours d’une rivière qu’on entend chuchoter un peu plus bas, malgré les rires bruyants.
Quelque chose me dit que je vais trouver un trésor.
Une volée de marches encadrée par le corps immense de deux nagas serpente jusqu’à une plateforme qui donne sur un petit pont.
Partout, cachées, des fontaines chantent dans l’air humide, des corps de femmes ondulant ou des monstres aux dents redoutables.
En surplomb de la rivière, on peut voir le corps de deux dragons de Komodo, animal symbolique de l’Indonésie, qui malgré son aspect repoussant et la dangerosité de sa salive dont il se sert pour foudroyer ses proies, terrassées par une septicémie éclair, garde quelque chose de majestueux lorsqu’il déplace son corps massif avec grâce.
Arrivé tout en bas de la petite vallée, un autre temple trône sur un sol dallé. Deux cahutes au toit de chaume de riz, et surtout ces colonnes qui sont comme des temples miniatures qu’on trouve un peu partout sur l’île… Lorsque la religion se mêle à la nature.
Je suis dans un enfer vert, peuplé de créatures terrifiantes, toute en rondeur, dans une chaleur accablante, un enfer couleur d’émeraude, où les ombres dansent au gré du vent dans les hautes branches, sous un soleil qui tente de percer le feuillage.
L’après-midi est bien avancée mais la chaleur ne semble pas vouloir s’atténuer. Je n’ai qu’une hâte, trouver de quoi manger et aller me reposer un peu, mais quelque chose me dit qu’il reste encore des lieux à découvrir dans les parages, avant d’avaler un grand bol de mie goreng.
Moment récolté le 21 février 2014. Écrit le 24 janvier 2019.