We are not bargaining chips


Suite à mon billet d’hier, de petits nouveaux (certains très sympathiques, d’autres un peu moins), m’ont posé des questions sur the3million, l’association qui défend les européens en uk. J’en ai parlé plusieurs fois, mais je vous remets le premier billet que j’avais fait sur le sujet, il y a plus de deux ans. Les choses ont changé depuis, en tout cas pour notre famille. On a renoncé, on a quitté brexitland, sans aucun regret. Mais il y a 3,5 millions d’européens et parfois leurs familles britanniques qui subissent toujours, voire plus encore alors que la date fatidique du 29 mars approche, les élucubrations de Zaza et sa bande d’incapables xenophobes. Depuis le 24 juin 2016, vers 3 heures du mat, je sais subitement devenue une sale migrante européenne, avec 3 millions d’autres. Comme ça, à mon âge sans prévenir, ça surprend. Visiblement, ça crée aussi des obligations, mais pas des droits, ça supprime même tous les droits qu’on croyait bêtement avoir. Parce que bon,  quand on est un sale migrant européen, on n’est plus un être humain mais un « bargaining chip », un pion à utiliser au mieux dans les négocations avec Bruxelles, et puis c’est tout. C’est Theresa May la chère-leader-qui-est-l’incarnation-parfaite-d’un-leader (j’ai trouvé la liste des titres officiels de Kim Jung-Il de Corée du Nord, ça m’amuse. Celui-là particulièrement) et sa bande d’incapables brexiters qui nous le répètent quotidiennement parce qu’on n’a pas l’air de comprendre.  

We are not bargaining chips

Bannière de the3million sur Facebook 
Il faut dire aussi qu’on est des êtres sans scrupule qui profitons lâchement de l’immense générosité de notre pays d’accueil, au point même de nous croire chez nous. Ça ne m’étonne pas de nous, tiens. On n’a aucune honte, à venir payer des impôts, à contribuer comme ça au budget de l’état britannique proportionnellement plus que ne le font les locaux (pour £1 reçu, les européens ont versé £1,44. C’est £0.97 pour les britanniques, bref, on paie pour leurs allocations). C’est évidemment pour les narguer. De toute façon ça ne marche pas, ils savent très bien qu’on est ici pour profiter des allocs, même quand on n’en touche pas. On n’hésite pas à piquer le boulot d’honnêtes brexiters qui refusent de bosser, c’est dire à quel point on est fourbe. Certains sont même venus avec l’intention de repartir, et puis paf, ils se retrouvent maintenant à vivre avec un ou une britannique. Franchement, les migrants européens, ça se croit tout permis, même de faire des enfants britanniques. C’est fou!  Les hôpitaux qui ne fonctionneront plus correctement sans nous, sont pleins de médecins et personnel soignant européens. On est partout. Dans les entreprises, les restaurants, les supermarchés, dans les exploitations agricoles où les récoltes pourriront sur place sans nous, dans les banques, véritable poumon financier du pays, qui sera ruiné quand elles partiront, dans les universités, à la poste, dans les entrepôts, dans les écoles où on n’hésite pas à enseigner aux petits britanniques (un exemple au hasard, on leur apprend parfois le français et la différence entre le conditionnel et le futur de l’indicatif que j’emploie pour parler de la Grande Bretagne post brexit. Je dis ça comme ça)…on s’investit dans des associations, on aide nos voisins, on devient potes avec eux même parfois ( je ne parle pas de notreharceleurcharmant voisin légèrement envahissanttrès sympathique). Bref, on fait carrément comme si on était chez nous. Quand je vous dis qu’on est des êtres ignobles! 

Heureusement Theresa May, l’éternelle-victorieuse-commandante-à-la-volonté-de-fer (il est pas mal aussi celui-là, non?), ne perd jamais une occasion de nous remettre à notre place, celle de pions et rien d’autre. On est vraiment obtus, ça fait bientôt 6 mois qu’on nous le dit! On va pouvoir rester ou on va être déporté? Taisez-vous d’abord, et puis la glorieuse-générale-qui-descend-du-ciel (j’ai féminisé…c’est moi, ou ça à un petit côté xmas carol? ) n’a pas encore décidé. Si on peut rester, ce sera avec quels droits, à quelles conditions?  Mais enfin, on vous a dit de la fermer! Pourquoi avoir soudainement compliqué les formalités administratives, pourquoi nous faire remplir des tonnes de formulaires, peut-être en pure perte ? Parce que vous êtes despions, c’est clair bon sang! Il faut la comprendre aussi, Theresa May plus-grande-incarnation-de-l’amitié-revolutionaire. Elle n’a rien d’autre que nous pour impressionner Bruxelles. Ce n’est pas avec ses confitures innovantes qu’elle va faire fléchir les négociateurs européens. Alors qu’avec nous, elle a 3 millions d’otages sous la main (sans compter les britanniques résidants en Europe). 3 millions de bargaining chips. 

Ben voilà-t-il  pas qu’on n’est pas d’accord, qu’on refuse d’être traité comme ça. Qu’on se rebiffe dans toute la presse, sur les réseaux sociaux, à coup de petitions, de manifestations, et même jusqu’aux portes de Downing Street…que des gens formidables font entendre notre voix et défendent nos droits. On est 3 millions, et on a bien l’intention d’être traité comme des êtres humains et de rester chez nous. En Grande-Bretagne.

Je précise que ce n’est pas un billet sponsorisé. Déjà, je n’en fais jamais, et The3million n’a rien à vendre. C’est un billet engagé.