Visiter la Grosse-Île-et-le-Mémorial-des-Irlandais

Publié le 16 octobre 2018 par Trip Usa Canada @TripUSACanada

L’histoire m’a toujours interpellée. J’ai obtenu ma meilleure note au baccalauréat (18/20) et j’ai voulu en faire mon métier, si bien que je l’ai choisie comme cursus universitaire. Au delà du parcours scolaire, chaque voyage est pour moi l’occasion d’en savoir plus encore sur les lieux visités. Les musées, ou, mieux encore, les visites guidées c’est une option qu’on prend toujours pour comprendre le pays, la ville où nous sommes.

Le lieu historique national de la Grosse-Île-et-le-Mémorial-des-Irlandais, j’avoue n’en avoir jamais entendu parler avant de mettre les pieds au Canada. Les bribes de l’histoire de ce bout de terre, en plein milieu du Saint-Laurent, ont très vite suscité mon intérêt après avoir côtoyé plusieurs aînés originaires d’Irlande.

Il a fallu attendre 2018 pour enfin la découvrir et je ne vous cacherai pas que sa visite m’a transportée, m’a émue et m’a conquise. Le Québec c’est 400 ans d’histoire, autant dire qu’on est loin de celle de notre chère Europe. Mais, pour une rare fois j’ai eu le sentiment d’être plongée au cœur d’un pan historique du Québec, et quelle merveilleuse sensation ce fût.

 L’article est un peu (beaucoup) long car j’avais beaucoup à dire. Cela dit, je suis certaine que vous allez aimer.

Avant de vous raconter notre incroyable journée il faut que l’on se replonge dans les événements. Pour cela nous n’avons d’autre choix que de se transporter en Europe….

Contexte historique

1831 Une violente épidémie de choléra fait rage en Grande-Bretagne. Les autorités canadiennes craignent alors qu’une vague d’immigrants porteuse de la maladie ne vienne contaminer le pays. C’est alors qu’on décide d’établir une station de quarantaine pour filtrer les bons sujets des malades. On choisit Grosse-Île pour plusieurs raisons. D’une part, elle n’est habitée que par une famille donc il est facile de les déloger pour consacrer la terre entière à un poste de quarantaine. D’autre part, Grosse-Île est à seulement 48 kilomètres de Québec et elle tient une place stratégique sur la voie maritime qu’empruntait alors les navires.

1832 Ouverture de la station de quarantaine. Le personnel arrive en nombre au début de l’été pour préparer les lieux puisque l’île est vierge de bâtiments. Infirmiers, soldats, ouvriers vont alors construire un hôpital ainsi que deux hangars pouvant accueillir chacun 300 personnes. Cette même année on est confronté aux premiers cas porteurs de choléra. Les équipes s’affairent alors jusqu’en novembre pour maîtriser la maladie.

1834 Pas moins de 31 000 migrants vont transiter à la Grosse-Île avant de rejoindre le port de Québec.
À noter que la station n’opère qu’à la belle saison, l’hiver, aucun navire ne transite de migrants. La Grosse-Île continue, d’année en année, de servir de station de quarantaine, on y ajoute également des structures au fur et à mesure.

Pendant ce temps en Irlande… Au milieu du 17ème siècle, le célèbre Oliver Cromwell alors au pouvoir en Grande-Bretagne occupe les terres irlandaises poussant ainsi les irlandais à se replier à l’ouest du pays. La terre y est humide ne laissant que peu de chance aux grains de mûrir, la survie du pays ne tient alors (presque) qu’à la pomme de terre. Sa production est telle que la population ne cesse de croître. En moins de 100 ans les irlandais ont triplé leur population obtenant ainsi le titre de pays le plus peuplé d’Europe.

1845 Tout bascule lorsque le mildiou attaque la fameuse patate. Les récoltes sont perdues et puisqu’on ne produisait essentiellement que ce produit, les irlandais sont dépourvus et ne peuvent plus s’alimenter. Le gouvernement irlandais estime que le pays doit se suffire à lui-même et décide de ne pas trop s’occuper du petit peuple. Ce dernier affamé et sans terre (oui car les propriétaires les ont gentiment expulsés de leur pâture) n’a guère d’autre choix que de quitter pour un monde meilleur…. le Canada (entre autre).

Nous sommes en 1847. Imaginez un peu l’état physique de ces pauvres irlandais trahis par leur propre patrie, affamés et affaiblis qui entament la traverse de l’Atlantique. Ils s’entassent alors dans des navires de marchandises qui ne sont absolument pas adaptés pour y recevoir des humains. Leur nombre est tel qu’il est impossible de voyager avec assez d’eau potable et de nourriture pour tous et chacun. La saleté, la puanteur et bientôt la maladie (dysentrie, typhus,…) deviennent les compagnes de nos voyageurs de fortune.

1847 C’est l’année où tout bascule à la Grosse-Île. Cette dernière n’était clairement pas préparée à recevoir un flot continuel de migrants malades et dépourvus de tout. Les nombreux navires arrivaient bondés, avec parfois déjà plusieurs cadavres. Les passagers qui débarquaient à la Grosse-Île étaient faibles sinon extrêmement malades. On compte près de 3 452 morts au poste de quarantaine cette année-là. C’est ce qu’on appelle encore aujourd’hui la tragédie irlandaise.

Notre arrivée sur Grosse-Île 

Marina de Berthier-sur-mer

Nous prenons le départ de la marina de Berthier-sur-mer ce samedi matin. Le temps n’est pas forcément avec nous puisque le ciel est gris mais au moins il ne pleut pas. Nous prenons place à bord du Vent-des-îles pour une croisière d’environ 45 minutes afin de rejoindre notre destination. L’équipe des matelots est vraiment sympathique, ils sont très disponibles et semblent heureux de faire la traversée. Un guide de Parcs Canada nous accompagne, il prend le micro pour nous parler du paysage qui nous entoure et nous introduire ce qui nous attend sur la Grosse-Île. La visite est proposée selon plusieurs thématiques, il faut en choisir une pour la journée. Nous optons pour le circuit vert L’Irlande en héritage, un saut dans l’histoire irlandaise, de l’Europe au Canada.

 autres circuits étaient également proposés pour cette année :
↠ Des croyances à la science
↠ Souvenirs de Grosse-Île
↠ L’autre nature de Grosse-Île
↠ La vie à Saint-Luc-de-Grosse-Île
↠ Un million d’histoires

Avant de vivre cette merveilleuse journée j’avais pris le temps de glaner de l’information sur l’histoire de la Grosse-Île. Difficile alors de se rendre compte, depuis le confort de notre bateau de croisière, ce que devait être la traversée en mer des milliers de migrants, qui, avant nous ont emprunté cette même voie navigable. L’émotion nous gagne encore en voyant notamment s’élever la croix celtique sur la côte rocheuse, rappelant le triste sort de certains. J’essaye, tant bien que mal, de me mettre dans la peau des immigrants de l’époque pour qui, la vision de la Grosse-île, devait faire balancer les cœurs entre soulagement et espoir.

Source : Bibliothèques et archives Canada

Leur voyage ne ressemblait en rien en nôtre mais j’imagine et je ressens pleins de choses en voyant, à mon tour, les contours de l’île se dessiner devant mes yeux. Le début d’une nouvelle vie prenait alors tout son sens à la vue de ce petit bout de terre sis au milieu du fleuve Saint-Laurent. Bref, c’est la tête remplie d’émotions un peu confuses que je mets le pied sur la terre ferme. Une infirmière nous accueille et nous dirige vers le circuit que nous avons choisi. La visite peut débuter…

C’est parti pour le circuit

Cinq étapes, voici comment va être rythmée notre journée. On est vraiment pris en charge par les guides qui semblent bien rodés mais aussi vraiment passionnés. En optant pour la formule circuit, Parcs Canada s’assure que nous repartions d’ici avec la pleine connaissance du fonctionnement de cette station de quarantaine. La possibilité de le faire de façon ludique ou plus concentrée sur l’histoire est une excellente idée, chacun peut ainsi apprécier la visite.

Évidemment j’ai adoré apprendre l’histoire racontée par les guides de Parcs Canada, ils savent tout dans les moindres détails et ne sont pas avares d’anecdotes. Ils rendent la visite légère (l’histoire peut parfois sembler laborieuse pour certains) et passionnante. À chaque fois que nous croisions un membre de l’équipe qu’il soit guide, à l’entretien ou autre ils se fendaient tous d’un beau bonjour et demeuraient prêts à nous aider.

Je n’ai pas pu m’empêcher de les envier un tout petit peu. Si j’avais été étudiante au Canada à leur âge c’est sûr que j’aurais, moi aussi, choisi ce merveilleux emploi estival. En fait, les employés restent plusieurs jours sur l’île lorsqu’ils travaillent. Ils retournent sur le continent pour leur congé et pour mieux revenir. Ils dorment dans les bâtiment rénovés qui jadis accueillaient les membres du personnel. Imaginez la sensation d’être isolés avec une poignée d’humains sur un lieu aussi magnifique et chargée d’émotions. Une expérience probablement incroyable.

Le moins de la visite est le manque de temps pour tout voir. On m’avait dit tu vas voir on fait vite le tour, et bien je ne suis pas du tout d’accord. Pour ma part j’y serai bien restée deux jours. Je suis repartie un peu triste de ne pas avoir eu au moins deux heures de plus pour marcher le long du fleuve et découvrir plus en détails les bâtiments.

Attraits incontournables

Peu importe le circuit que vous prenez, vous allez voir les attraits phares de l’île dont voici les plus emblématiques :

Le cimetière des irlandais
Une vaste étendue de pelouses où quelques croix blanches sont éparpillées ici et là. C’est assez apaisant comme endroit mais il est difficile d’oublier que sous nos pieds plus de 6000 personnes y sont enterrées. Juste à côté se trouve le mémorial avec les noms de tous ceux qui ont terminé leur voyage sur ce bout de terre. Le nom de 1 545 personnes s’est perdu dans l’histoire de la Grosse-Île mais chacun y est honoré par la gravure d’une petite barque.

204 membres du personnel ont également perdu la vie, que ce soit des marins, des médecins ou des infirmières, tous sont représentés sur les différents monuments. Tout près du cimetière des irlandais une imposante croix blanche en pierre rend hommage aux médecins qui ont succombé durant leur travail.

La croix celtique
C’est un des premiers monuments que l’on peut observer depuis le bateau. Haute de 15 mètres, elle surplombe Grosse Île. On y accède par un chemin depuis l’Hôtel de Première classe ou par le cimetière. La Croix a été érigée en 1909 à l’initiative de « l’Ancient Order of Hibernian », une très vieille société irlandaise. pour honorer la mémoire des Irlandais qui ont perdu la vie en 1847-1848.

Le Lazaret
Construit dans les années 1870 il est situé tout à l’est de l’île. Vous serez forcément amené à le visiter via le train-balade durant votre circuit. À l’intérieur, vous serez accueillis par l’infirmière en chef qui vous racontera tout ce que vous devez savoir pour travailler dans cet hôpital (c’est le côté immersif de la visite). Si vous prêtez attention vous verrez que certaines parties des murs gardent les traces des malades qui nous ont précédés en ces lieux. Bien que l’histoire est omniprésente ça fait quelque chose d’imaginer l’humain derrière ces quelques coups de crayon.

Juste à côté du lazaret on retrouve un autre cimetière, plus petit. Les pierres tombales des enfants m’ont vraiment rappelé à quel point ce lieu était rempli de douleurs. Le Lazaret est d’ailleurs le dernier témoin de tout ce qui attrait à la fonction hospitalière de Grosse-Île. Ce genre d’ouvrage étant tout simplement brûlé à la fin de la « saison » pour être reconstruit l’année suivante. C’était plus rapide à désinfecter…


Le centre de désinfection

Situé à l’entrée de l’île, le centre est l’initiative du médecin en chef Frédéric Montizambert. Mis en fonction en 1892 il fonctionnait 24 heures sur 24. Il était le passage obligé pour tous ceux qui débarquaient sur l’île. La douche était obligatoire tout comme la désinfection des bagages. Cette première étape accomplie chacun pouvait alors rejoindre un des hôtels selon sa classe et donc ses moyens. Des explications détaillées sont, encore une fois, données par les employés à l’intérieur.

Pour résumer

Croisière de 45 minutes au départ de la marina de Berthier-sur-mer
↠ Achat des billets juste ICI via le site des Croisières AML
↠ Le coût par personne est de 66.99$ + taxes et inclut la croisière et l’entrée sur la Grosse-Île
Deux options sont offertes soit la journée complète (6h) ou la demi-journée (3h)
↠ Le choix du circuit se fait sur le bateau
Aucune nourriture n’est vendu là bas, seulement un peu de snacking. Prévoyez votre pique-nique en conséquence

La Grosse-Île, au delà de l’aspect historique, c’est aussi un magnifique lieu. On y voit le Saint-Laurent et on peut profiter de jolis points de vue. Des tables de pique-nique ainsi que des bancs invitent à la contemplation de l’île. Vous allez adorer votre journée sur place, croyez-moi. Je vous laisse avec quelques photos de notre journée…


↠ Si vous passez la fin de semaine du côté de Montmagny ne manquez pas de lire notre article sur le sujet pour bien planifier votre séjour là-bas : Une fin de semaine à Montmagny

Merci aux Croisières AML de m’avoir invitée à découvrir ce merveilleux endroit, c’était incroyable 


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