Road-trip en Macédoine #2 : Bitola

Publié le 24 septembre 2018 par Ailleurstoujours @TjsEtreAilleurs
Après mon dernier article sur Matka et Mavrovo, petit bond dans le temps pour passer directement au 3e jour de mon séjour en Macédoine (je garde le gros morceau pour la fin, Ohrid) : Bitola, la deuxième ville du pays. Contrairement à mes habitudes, j'ai vraiment construit ce séjour au fur et à mesure, traçant les grandes lignes (notamment le logement) en amont, mais me laissant ensuite une marge de manœuvre pour m'adapter au voyage. C'est ainsi que ce n'est que la veille que j'ai décidé d'y faire un arrêt, si j'avais le temps. Ce qui explique aussi peut-être, en partie du moins, pourquoi j'ai eu plus de mal à accrocher à Bitola : je n'étais pas vraiment préparée, sur place j'ai eu du mal à trouver les lieux d'intérêt, à me fondre dans la foule et, comme je le disais dans mon article Conseils pratiques, j'ai trouvé l'expérience des villes assez éprouvante. Mais reprenons depuis le début.

Heraclea Lyncestis


J'étais tombée sur l'existence d'Heraclea Lyncestis, cette ancienne cité macédonienne, ou plutôt ses vestiges, à seulement quelques kilomètres au sud de Bitola, par le biais de Visiter la Macédoine. La page vantait l'un des sites archéologiques majeurs du pays et l'un des mieux gérés. Je m'étais gardé l'idée dans un coin de la tête et puis la veille, pressentant que j'allais certainement avoir une demi-journée de libre et que j'allais passer dans le coin, j'ai trouvé dommage de ne pas y faire un saut et découvrir ce pan de l'histoire de la Macédoine. Déjà, il a fallu trouver le site, pas très bien indiqué : mon GPS a réussi à me conduire jusqu'au sud de Bitola, ensuite quelques panneaux signalaient la direction des vestiges jusqu'à que d'un coup, plus rien, d'un côté ou de l'autre. À force de tourner en rond j'ai fini par trouve l'entrée mais disons que c'est plutôt caché. Ça partait mal.La cité antique de Heraclea Lyncestis, qui pourrait correspondre à l'ancienne Bitola, couvre une surface de quatre hectares. Tout n'est pas complètement dégagé et le parcours permet de découvrir différents bâtiments, datant de périodes diverses : de l'époque romaine (IIe siècle au IVe apr. J.-C.), on peut remarque un portique, les thermes ainsi que le théâtre, qui est certainement le monument le mieux conservé ; puis on passe à l'époque paléochrétienne (IVe au VIe siècle après J.-C.) d'où nous sont parvenus deux basiliques (la petite et la grande), le palais épiscopal mais surtout les magnifiques mosaïques superbement conservées et encore présentes sur site (sur 1 300 m² !) ; plus tardivement, du VIe siècle, il reste la fontaine.Mais alors, quelle est l'histoire de cette cité antique ? Elle fut érigée au IVe siècle avant J.-C. par Philippe II de Macédoine, père d'Alexandre le Grand. Son nom fait bien évidemment honneur au demi-dieu Hercule dont les rois macédoniens pensaient être les descendants et l'épithète Lyncestis (signifiant "le pays du lynx" en grec) a été ajoutée afin de la différencier des autres cités du même nom : cela reprend également le nom du peuple de la région, la Lyncestie. L'histoire d'Heraclea court sur presque un millénaire : elle se développera particulièrement lors de la conquête de la Macédoine par les Romains au IIe siècle av. J.-C., alors que l'une de leurs voies commerciales la traverse. Le théâtre, qui accueillera surtout des combats de gladiateurs, est construit sous le règne d'Hadrien. Quand l'Empire romain à l'ouest commence à péricliter, celui à l'est continue de prospérer et la ville devient un centre épiscopal important, avec plusieurs de ses évêques mentionnés dans divers documents. Au Ve puis VIe siècle, la Macédoine est la cible d'invasions barbares puis un terrible tremblement de terre secoue la région. Heraclea finira par être abandonnée petit à petit avant de tomber dans l'oubli, jusqu'aux premières fouilles au XIXe siècle, ordonnées par le sultan de l'Empire ottoman, puis des travaux universitaires dans les années 1940.Mais tout ça, je ne l'ai pas appris directement sur le site : non, je l'ai appris bien plus tard, par curiosité, et ensuite pour étoffer un peu cet article. Car malheureusement, quasiment aucune information n'est fournie sur le site en lui-même. Rien n'accompagne les panneaux qui permettent de signaler les différents bâtiments aux fonctions particulières, le musée qui accompagne normalement le site est fermé pour le moment (pour rénovation je crois bien) ce qui fait que l'on finit par errer dans cette cite-fantôme sans trouver de sens à ce que l'on voit : pour en apprendre un peu plus, il faut se rendre au musée de Bitola, chose que j'ai découverte par hasard. Je trouve déjà que c'est difficile de se préfigurer une ville à partir d'un simple plan au sol mais là, il n'y a même pas de quoi se donner une idée de l'aspect des bâtiments avec des reconstitutions, des coutumes de l'époque, etc. bref des petits détails pour un peu mieux comprendre ce que l'on a sous les yeux. Heureusement l'entrée n'est pas chère (100 denars) mais les horaires d'ouverture sont peu arrangeants (8 h - 16 h). Par contre, on est très bien accueillis, l'employé présent vous amène à la première pancarte et vous explique le fonctionnement, dans un anglais très clair.Au final, une demi-déception pour ma part : si le lieu a beaucoup de potentiel, que ses mosaïques valent vraiment le détour, j'espère que dans le futur des fonds seront débloqués pour un meilleur accompagnement et une meilleure compréhension du lieu. Ce serait bien que le musée puisse rouvrir pour présenter les objets découverts sur place. Dans tous les cas, l'entrée n'est vraiment pas chère et rien que pour soutenir le site, je vous conseille d'y faire un saut.
Quelques liens (en anglais) pour en apprendre plus : le site du musée de la ville / le site de la ville / Exploring Macedonia

Bitola


Après ma visite d'Heraclea, j'ai hésité à m'arrêter dans Bitola. Je n'avais pas préparé de visite, j'étais refroidie de mon expérience à Mavrovo en total freestyle, mais je me suis finalement fait violence, me disant que ce serait peut-être mon unique opportunité de découvrir la ville. Mon ticket de parking me donnant le droit à 2 h sur place, j'ai jugé que c'était somme toute une durée convenable pour me lancer à l'aventure.

Le musée municipal


Mon premier arrêt fut le musée municipal de Bitola et le seul musée que j'aurai donc visité en Macédoine : je ne savais pas trop à quoi m'attendre, j'ai été agréablement surprise des collections. Alors c'est un petit musée sans prétention, qui retrace l'histoire de la ville (on part de la période néolithique pour rejoindre la période antique puis le Moyen Âge jusqu'aux mouvements d'indépendance, la Première Guerre mondiale, etc.), ses coutumes (des costumes sont exposés) mais met aussi en valeur la vie artistique locale avec des peintures. On trouve pas mal d'explications en anglais et mine de rien il y a beaucoup d'objets exposés et la visite est plutôt dense. J'avoue n'avoir fait que les survoler par manque de temps mais on peut bien y rester une demi-journée si l'on désire tout lire, à mon avis. À l'étage on trouve plusieurs pièces rendant hommage à Mustafa Kemal Attaturk, le premier président de la République de Turquie. Outre les liens de Bitola avec l'Empire ottoman, cela s'explique aussi parce qu'il a fait ses classes dans l'école militaire de la ville... le même bâtiment qui abrite désormais le musée.Une statuette retrouvée sur le site de Heraclea Lyncestis.Intérieur typique macédonien.Reconstitution du peintre macédonien Borislav Traikovski.Costumes folkloriques datant de la fin XIXe, début XXe siècle. Le costume de gauche, féminin, est de la région Bitola-Prilep ; les deux autres de la région de Pelister, au sud de Bitola.
Musée municipal de BitolaKliment Ohridski Br. 187000 Bitola(tout au bout de Shirok Sokak, la grande avenue piétonne principale)Entrée : 120 denarsOuverture : avril-octobre : 9 h - 18 h / octobre-mars : 9 h - 16 h

Déambuler dans les rues


Je n'avais pas du tout préparé ma visite, comme je le disais, alors j'ai déambulé un peu au hasard le long de la rue principale de Bitola, Shirok Sokak. Là, on se rend bien compte du passé particulier de la ville : autrefois appelée Monastir, elle était le chef-lieu d'une province de l'Empire ottoman et une ville importante, que ce soit au niveau commercial ou diplomatique, et comptait plus d'habitants que Skopje. On la surnommait "ville des consuls", de par la présence de nombreux consulats des grandes puissances européennes, et encore aujourd'hui : c'est ce qui donne à Bitola son aspect occidental très marqué et qui se remarque notamment dans la partie sud de la ville, et notamment autour de la fameuse rue Shirok Sokak avec ses beaux immeubles particuliers colorés (par contre dès qu'on emprunte une rue perpendiculaire, c'est une tout autre histoire). Pour la petite anecdote, Bitola est jumelé avec Épinal en France et l'on trouve d'ailleurs un gigantesque hôtel Épinal dans le centre-ville.L'ancienne Maison de l'armée, beau bâtiment malheureusement complètement laissé à l'abandon, située dans le parc en face du musée municipal.La place des Magnolias. À gauche, la mosquée Jeni, désormais une galerie d'art ; à droite, la statue de Philippe II de Macédoine et la tour de l'Horloge en arrière-plan.
Quand on remonte Shirok Sokak et que l'on traverse la rivière qui coule au milieu de Bitola, la Dragor, on entre dans une tout autre ambiance : c'est l'ancien bazar, aux influences beaucoup plus ottomanes. C'est un quartier à l'atmosphère assez étrange, honnêtement je n'ai pas osé sortir mon appareil photo car je me sentais vraiment étrangère et dévisagée, pas du tout à ma place. Je ne me suis pas trop attardée dans le coin de toute façon, le lieu manque un peu de charme, n'est pas très bien entretenu et mériterait d'être rénové. Il n'y a aussi pas grand-chose à voir, culturellement parlant, ce sont beaucoup de petites boutiques et les habitants qui vaquent à leurs occupations.Le marché couvert, datant de 1500, et l'un des rares encore présents en Macédoine.
Bitola compte néanmoins pas mal d'églises et de mosquées : il y a l'église du Sacré-Cœur sur Shirok Sokak, mais dont l'intérieur était plutôt quelconque (pas de photo, donc). Par contre, je regrette vraiment d'être passée à côté de l'église Saint-Démètre, juste à côté de la place aux Magnolias : l'intérieur a vraiment l'air magnifique ! Bref, ne faites pas la même boulette que moi. Je vous conseille vraiment l'article de Visiter la Macédoine pour vous aider dans vos déambulations, que j'aurais dû ouvrir sur mon téléphone pendant ma visite pour ne manquer aucun des rares lieux intéressants de la ville. Car Bitola ne compte plus d'office de tourisme sur place, il n'y a que leur site qui peut vous renseigner (en anglais).
Pour conclure, j'aimerais vous recommander une adresse si vous avez une petite fringale : Center Lounge and Fresh Bar, au premier étage du n° 61 de Shirok Sokak. C'est un petit café qui offre en plus une jolie vue sur la rue, et qui propose surtout plein de jus, smoothies, salades et petits en-cas à des prix vraiment abordables. Il est également possible de prendre à emporter.

Un peu de street art


Pour terminer, petite parenthèse colorée, avec ces quelques exemples étonnants (pas en eux-mêmes, mais plutôt de les trouver là) de street art. Dans aucune autre ville macédonienne je n'en ai trouvé trace : et il faut dire que je ne l'ai pas vraiment cherché non plus, ne pensant même pas que ce style d'art était développé en Macédoine. J'ai donc été d'autant plus surprise et contente de tomber nez à nez, littéralement, sur ces quatre œuvres. La première, ci-dessus, se trouve dans le parc en face du musée. Les trois autres étaient côte à côte dans le quartier du vieux bazar, à deux pas du marché couvert.