Les réseaux sociaux bouillonnent, notamment Nextdoor, le réseau des voisins : "Urgent - Feu à Anatolia", qui est le lotissement voisin du nôtre. Adeline se dirige vers la porte fenêtre du jardin, d'où elle ne peut pourtant pas voir Anatolia, et à sa réaction, je sais qu'il se passe quelque chose.
Nous courons à l'étage, et la vue depuis la fenêtre de notre chambre est terrifiante :
En deux secondes à peine, mon rythme cardiaque monte dans le rouge : Le feu semble complètement ravager ce quartier où des milliers de personnes vivent, et où se trouve l'école de Thomas.
Je pense immédiatement qu'il va falloir réveiller les petits et évacuer. Avant de paniquer davantage, coup d'oeil rapide sur internet où les messages, vidéos et photos sont rassurants : C'est un feu de broussailles de l'autre côté d'une grande avenue et d'un canal, certes assez proches, mais que le feu ne pourra jamais traverser.
Le feu est maîtrisé assez rapidement, et plus de peur que de mal au final : Aucun blessé et aucune structure atteinte.
La Californie a toujours été un lieu propice aux feux de forêt. Après tout, c'est le seul endroit au monde où poussent naturellement les séquoias géants, arbres millénaires qui ont besoin du feu pour se reproduire : Le feu fait de la place au sol pour les futures jeunes pousses, et c'est la température du brasier qui indique au séquoia qu'il va pouvoir laisser tomber ses graines pour que petit séquoia pousse sur un sol fertile après incendie.
Le problème n'est donc pas nouveau et a créé son propre écosystème avec les séquoias depuis des siècles.
Durant l'été, il y a en permanence 10 à 20 feux actifs à travers tout l'état. C'est le cas depuis des années, et cela n'a donc plus rien de surprenant quand on vit en Californie. Mais ce qui change, c'est que le réchauffement climatique amplifie la vitesse et la facilité avec laquelle le feu se déplace.
A Sacramento, la dernière pluie date du 25 mai 2018. On va donc arriver à quatre mois d'affilée sans la moindre goutte d'eau, et durant lesquels la température a dépassé les 30 degrés pratiquement tous les jours, avec une dizaine de jours au delà de 40 degrés.
Il est facile d'imaginer l'impact sur la végétation, complètement sèche et prête à s'enflammer à la moindre étincelle. Ajoutez à cela la proximité de l'océan qui apporte du vent, et certains incendies tournent à la catastrophe en quelques minutes : Autour de Redding par exemple, un jour venteux à 40 degrés, un feu de forêt voisin a atteint la ville en un rien de temps et brûlé des centaines de maisons en quelques heures à peine.
Plusieurs personnes n'ont pas eu le temps d'évacuer et ont donc péri au milieu des flammes.
La situation n'est donc pas simple, surtout quand on sait que les pompiers ne peuvent même plus vraiment lutter contre le feu avec de l'eau.
Dans la Sierra Nevada, c'est bulldozers, tronçonneuses, et même... feu (!) qui servent à supprimer la végétation sur de larges bandes afin de créer des lignes sans carburant qui stopperont l'incendie. Nous avons suivi avec attention le feu Ferguson, qui a perturbé Yosemite (et même fermé le parc pendant deux semaines) et donc les locations de notre chalet, et c'était juste impressionnant de voir les opérations menées pour l'arrêter.
En tout, cela aura pris 40 jours, avec une surface brûlée équivalente à quatre fois la superficie de la ville de Paris.
La qualité de l'air était mauvaise jusqu'à Sacramento pendant deux bonnes semaines, où on pouvait sentir la fumée bien que les feux les plus proches étaient à plus de 140 kilomètres !
La pluie devrait revenir en octobre, en général pour Halloween, et en attendant, le retour des températures plus douces (il ne fait "que" 26- 27 degrés ces jours-ci !) avec les jours qui raccourcissent fait du bien.
Du coup, il n'est pas surprenant que la Californie soit toujours en première ligne quand il s'agit de combattre le réchauffement climatique. Si voitures électriques, panneaux solaires et autres mesures de développement durables viennent souvent de notre Golden State, ce n'est clairement pas un hasard.