Christianisme du Vietnam est un cas particulier, parmi les pays de l’Asie du Sud-Est, . Malgré une longue histoire évangéliste soutenue par le colonialisme français, la communauté chrétienne n’a jamais atteint plus de 10% de la population. Et si le catholicisme a survécu, c’est parce que les fidèles ont fait preuve de persévérance et de solidarité. Faisons un zoom sur le phénomène chrétien du pays.
Histoire chrétienne aussi ancienne que le colonialisme
Je faisais partie de la majorité des Vietnamiens qui connaissent mal le christianisme. Il a fallu que je fasse mes six ans d’études en France pour découvrir un aspect religieux de mon propre pays ! C’est grâce à l’ouvrage Vietnam des martyrs et des saints – Alain Forest que j’ai appris des choses sur l’histoire du christianisme du Vietnam. Plus tard, j’ai eu l’occasion d’effectuer un stage chez Ictus Voyages qui est un tour opérateur spécialisé dans les voyages destinés au public chrétien. C’est à partir de ce moment-là que j’ai compris à tel point, l’héritage catholique du Vietnam est riche malgré une communauté modeste de 2 millions de fidèles.
Dans la vague d’évangélisation asiatique au XVIIe siècle, certains missionnaires européens on débarqué au Vietnam pour prêcher la foi chrétienne. Souvent de façon illicite, ils ont pu constituer de petites communautés catholiques tout au long de la côte vietnamienne. Globalement, le christianisme n’était pas bienvenu dans un pays où le pouvoir monarchique s’appuyait sur la force confucianiste pour régner. Les rois vietnamiens considéraient les fidèles catholiques et les prêtres comme une menace contre leur administration en vigueur. Par conséquent, plusieurs prêtres et missionnaires ont fait l’objet de persécution. C’est sous prétexte de protéger les fidèles que les Français ont débarqué au Vietnam au cours du XIXe siècle pour réaliser leur rêve colonial. Ils ont réussi. C’est via la colonisation française que le catholicisme s’est implanté davantage au détriment de plusieurs courants religieux et spirituels sur place tels que : le bouddhisme, le confucianisme, le taoïsme, le culte des héros nationaux, le culte de la Déesse Mère, etc.
Sous l’égide d’un appareil colonial robuste, de nombreuses églises furent érigées. Souvent adaptées au climat local, ces bâtisses possèdent une architecture éclectique, ce qui constitue un patrimoine culturel précieux pour le Vietnam aujourd’hui. On y trouve presque tous les styles : néo-baroque, néo-gothique, néo-rennaissance, néo-roman, bref, les «néo». Les Vietnamiens ont fait preuve de créativité en ajoutant des motifs locaux dans la construction. C’est grâce à cela qu’on a des chef-d’oeuvres comme la cathédrale de Phat Diem.
Sous surveillance du régime communiste
La Guerre d’Indochine a éclaté en 1945, ce qui a forcé des Français de renoncer à l’Indochine en 1954. Les vainqueurs communistes sont montés au pouvoir. Cette fois-ci, l’histoire du Vietnam a tourné la page en faveur de l’idéologie marxiste, et au détriment de la religion. Toute pratique spirituelle ou religieuse fut interdite. Les chrétiens vietnamiens furent les « cibles privilégiées », car on les considère comme les traîtres et complices du régime colonial. Les fidèles catholiques furent à nouveau l’objet de discrimination sociale.
Malgré une profonde réforme socio-économique effectuée dans les années 1980, la liberté de culte reste très limitée. Dans l’ensemble, malgré la présence historique importante des religieux au Vietnam, le contrôle étatique reste très strict aujourd’hui. La plupart des chrétiens ne peuvent être actifs que dans le travail caritatif, comme les orphelinats et maisons de retraite pour personnes âgées, et le catéchisme pour les enfants. En quantité, l’Église au Vietnam ne s’est pas développée. Elle a suivi l’évolution démographique du pays, et la proportion de catholiques n’évolue pas. Cela dit, les Vietnamiens ont aujourd’hui une meilleure image de l’Église. Après une longue période de cohabitation, les communistes comprennent mieux l’Église catholique. Au début, en temps de guerre et sous l’influence de l’idéologie marxiste, ils prenaient les catholiques pour des groupes sous l’influence de puissances étrangères. Mais de plus en plus, les témoignages des catholiques sont beaucoup mieux reçus.
Christianisme dans la société moderne
Depuis l’ouverture économique du Vietnam en 1994, la société enregistre une mutation profonde. La croissance économique est certes extraordinaire, mais elle a aussi créé une société à deux vitesses. Pour tous ceux qui voyagent au pays, ils sont frappés par un contraste entre le communisme apparent et le libéralisme palpable. Entre tradition et modernité, les citadins vietnamiens intègrent inconsciemment quelques touches chrétiennes dans leur mode de vie, sans forcément comprendre leur origine religieuse.
Si vous venez au Vietnam en décembre, vous remarquerez que les Vietnamiens athées fêtent Noel sans avoir la foi catholique ! L’ambiance festive règne dans les grandes villes. Les sapins de Noel sont décorés partout, y compris dans les écoles et les entreprises. N’est-ce pas une tolérance visuelle de l’État communiste vis-à-vis du christianisme au Vietnam? Ce n’est qu’une tolérance partielle, car la communauté chrétienne représente toujours une menace potentielle pour le pouvoir central.
Comme en Chine, le développement économique du Vietnam favorise l’émergence de la corruption généralisée. La classe privilégiée et riche est, bien entendu, l’élite politique ou les gens d’affaires qui tissent des liens affinitaires avec les hommes politiques. La classe ordinaire est opprimée. Cette fois-ci, que l’on soit un Vietnamien athée ou chrétien, les biens matériels risquent d’être confisqués à n’importe quel moment. Dans ce contexte, l’Église du Vietnam s’émerge comme la seule force capable de s’élever contre le régime communiste et de le faire plier. Contrairement au Bouddhisme qui est déjà très manipulé par la police secrète, la communauté chrétienne au Vietnam reste indépendante et soudée. C’est justement cette solidarité d’envergure qui dérange le parti communiste qui applique la stratégie de « diviser pour mieux régner ».