On avait décidé de ne pas nous intéresser au jardin de la maison du petit requin tant qu’elle ne serait pas habitable. La maison je veux dire. Pas le jardin, on n’a jamais eu l’intention de camper sur la pelouse…enfin, sur ce qu’il reste de pelouse. C’est raté. Parce que bon, les travaux intérieurs avancent bien mais c’est loin d’être terminé et il a fallu pourtant qu’on s’attaque à la jungle devant la maison. C’était pire que dans jumanji pour atteindre la porte d’entrée. J’en étais à songer à disposer des coupes-coupes près du portail pour les livreurs. On a dû réagir.
Le porche disparaissait dans une végétation teigneuse et envahissante, la façade croulait sous les plantes carnivores collantes, grimpantes et ébouriffées. Des colonies de fourmis en profitaient pour s’infiltrer partout en passant de branche en branche dès qu’on ouvrait une fenêtre. Parce que les branches arrivaient jusqu’aux fenêtres du deuxième, obstruant pratiquement toute la lumière. Du coup, si on voulait aérer un peu, on se trouvait nez à nez avec une meute de fourmis en visite, appareil photo de touriste sous les pattes, tiens, il y a quoi de ce côté-ci de la jungle? D’ailleurs, on pouvait jouer à Tarzan et se balancer au bout d’une liane pour franchir les buissons impénétrables et piquants et atteindre la porte. Des tentacules agressives et armées d’épines de combat très aiguisées se jetaient sauvagement sur tous les molles assez téméraires pour essayer de s’engager dans une expédition digne de la descente de l’Amazone sur les trois marches menant porche. Les épines, armes de destruction massive. Après un combat titanesque à mains nues face à la jungle hargneuse et fourbe, on arrivait devant la porte, épuisé, hagard, ensanglanté, les vêtements en lambeaux…vous voyez les zombies dans Thriller? C’était pire. Bon d’accord, j’exagère peut-être un chouïa…mais ça fait vraiment très mal, ces fiches épines. Et il fallait effectivement dégager la façade avant de refaire le chauffage et donc l’isolation. Une sombre histoire d’humidité persistante dans les buissons, qui l’étaient également (persistants). Sans compter que les plantes grimpantes sont très mauvaises pour les murs en briques et que la chose, plantée il y a probablement des décennies était devenue gigantesque au point de véritablement envahir le porche. Bref, il a fallu déboiser, taïaut.
On a décidé que L’Ado et GeekAdo étaient volontaires pour aider. Ils ont été ravis bien sûr. On a commencé par y aller au sécateur, qui a cassé de suite le traitre. On a sorti le taille-haie qui a pris peur et s’est pratiquement enfoui tout seul. Le lâche. N’écoutant que son courage (et non les moqueries de ses fils qui voulaient profiter des défections du matériel pour déserter aussi), Marichéri s’est résolu à l’inimaginable. Il a investi dans une tronçonneuse. Si. Il a failli avoir un malaise quand il s’est vu en train de monter la chaine et y mettre de l’huile. Encore un peu et il va se mettre à nettoyer la voiture tous les week end, par plaisir…ce que c’est quand même, on n’y prend pas garde, on ne se méfie pas et on devient presque un adulte comme ça d’un coup. Un adulte avec une tronçonneuse (on est bien d’accord que ce n’est pas pour les enfants? Même si Wizzboy s’est montré vivement intéressé quand on a déballé la chose). Maricheri a attaqué le monstre végétal (et toujours aussi piquant) façon ninja épileptique et taillant tout sur son passage. Banzai. Je suivais avec un sécateur modèle géant pour finir de déchiqueter le fauve feuillu gisant à terre et faisant déjà beaucoup moins son malin et L’Ado et GeekAdo faisaient des fagots des reliefs de la bête terrassée. Ce fut épique. Un vrai combat mythologique. J’ai déjà mentionné les épines? Aïe.
On était épuisé et très content quand on s’est décidé, fourbus et couverts de griffures, des branchages dans les cheveux, à faire une pause pour admirer notre travail. C’est sur la photo. Ce n’est donc pas du tout fini. Et encore, je ne vous montre pas l’autre côté, sous la fenêtre du salon (là, vous avez celle du bureau. Je sais que ça vous captive) où les épines sont toujours là, tapies sous les graviers et prêtes à bondir. C’est pas qu’on a été un chouïa démoralisé mais presque…beuh. Fichues épines.