Petit bilan de notre nouvelle vie

Publié le 03 juillet 2018 par Pomdepin @pom2pin

Ça fait un peu plus de 5 mois qu’on est « rentré » en France, à cause du brexit. Je mets toujours des guillemets parce que ce qu’on avait envisagé, c’est à dire une découverte complète de la vie à la française après 21 ans ailleurs, est bien ce qui se passe. On parle la langue d’accord, mais c’est un peu une nouvelle expatriation, on doit tout apprendre. Et j’insiste aussi, si on a quitté l’Angleterre, c’est uniquement dû au brexit. Je ne peux pas ne pas en parler puisque c’est la seule raison qui nous a fait changer de vie…on en était arrivé à un point où ça nous semblait la seule chose à faire, mais pas de gaité de cœur. Bon, par contre si je fais un premier bilan après une durée qui ne rime à rien (généralement, on attend, 6 mois, un an…en tout cas un compte rond), ça prouve bien que j’ai déjà retrouvé mon esprit tordu et mes idées saugrenues, c’est positif, non?

Source

Le départ a été douloureux, je regrette toujours notre for ever home anglaise. Je me sens toujours en décalage, je compare constamment avec l’Angleterre (celle d’avant le brexit). Je sais qu’il est très difficile de comprendre ce que le brexit représente pour beaucoup d’européens, le choc émotionnel et psychologique que cela a été. Le stress, l’anxiété, la dépression …je ne suis pas la seule qui avait l’impression de devenir folle. J’avais des crises de panique à la simple idée de sortir de chez moi, de croiser des gens. Je n’osais plus ouvrir la bouche de peur que mon accent étranger me trahisse. Je ne pouvais plus croiser quelqu’un, dans la rue, le train, au supermarché sans me demander si c’était un brexiter ou pas. En même temps, vu où on vivait, il y avait 2 chances sur 3 que ce soit effectivement un brexiter. Je ne me reconnaissais plus. C’est épuisant, rongeant, glaçant…et je ne suis pas la seule. Le nhs rapporte que le nombre d’européens souffrant de troubles dûs à l’anxiété à exploser depuis le référendum. Des associations proposent des aides psychologiques gratuites…et beaucoup d’européens font comme nous: ils partent. Entre 100 et 150 000 ont déjà quitté volontairement la Grande-Bretagne près des deux tiers restants y pensent. La presse a même qualifié le phénomène de brexodus, on fuit le brexit.

Mais on ne recommence pas une vie ailleurs comme ça, sur un claquement de doigt, même si c’est dans son pays d’origine. Il a fallu « liquider » matériellement et émotionnellement notre vie en Angleterre et affronter les joies du « retour ». Déjà, on s’est vite rendu compte qu’on n’avait pas de coup d’essai quant à notre point de chute, vu qu’il fallait acheter de suite. Il est quasi impossible pour un français rentrant de l’étranger de se loger en France. Que ce soit les bailleurs privés ou institutionnels, les agences immobilières ou les particuliers en passant par les banques et organismes de crédit, tous demandent des fiches d’imposition françaises. Peu importe qu’on propose de régler à l’avance deux ans de loyer, qu’on ait des garanties en béton, ça ne sert à rien…il fallait aussi trouver une école pouvant accueillir nos petits anglophones, une école bilangue ou avec une section européenne. Voilà comment on s’est trouvé dans la maison du petit requin, une maison charmante mais où tout est à refaire (avec les travaux et les mauvaises surprises qu’une rénovation complète d’une maison ancienne qui n’a pas été entretenue impliquent) dans un coin où on ne connaît rien ni personne. On a dû laisser L’Ado en logement étudiant à Londres. Maricheri y passe toujours la moitié de la semaine, il y reste deux ou trois nuits, on en est réduit à passer la soirée sur Skype pour se parler. Dit comme ça, ça ne donne pas forcément envie…

Mais Maricheri est aussi avec nous, à la maison l’autre moitié de la semaine…lui qui passait trois heures par jour dans les transports, qui ne voyait pas les enfants (ils n’étaient pas levés quand il partait et déjà couchés quand il rentrait) peut même les amener à l’école pour la première fois. Il connaît leurs enseignants! Il n’est plus épuisé le week-end et profite à fond. Les enfants et moi aussi. Et on a du temps juste pour nous, une première depuis des années, quand ils sont à l’école. On va au marché (grande source de joie pour des ex expats!), au restaurant, on se balade…enfin, on se baladera quand la rénovation aura avancé. Mais là aussi, il y a du bon. On voulait un challenge, un projet, une aventure, quelque chose qui nous donne envie et la maison du petit requin remplit très bien son rôle. On galère un peu avec l’administration (et les travaux), mais on est charmé par la gentillesse et l’accueil des gens et on découvre avec notre curiosité retrouvée notre nouvel environment. Je n’ai plus peur de sortir, les enfants, après les insultes xenophobes et l’ostracisme en brexitland, se sont très bien adaptés (ils nous ont bluffés!) et sont ravis. On revit. Bon par contre, évidemment je continue à me prendre la tête et à stresser comme une puce hystérique à la moindre occasion, mais c’est mon état normal. Par exemple là, je suis crevée…je n’ai pas dormi de la nuit en pensant qu’une colonie de chauves souris s’était coincée dans un conduit de cheminée. Après investigation ce matin, j’ai trouvé…une fourmi. La routine quoi…et ça fait du bien de retrouver une routine!

Alors tout n’est pas parfait, loin de là. Cette nouvelle vie, on ne l’a pas vraiment choisie. En tout cas, on ne l’imaginait pas il y a deux ans. On a encore beaucoup à faire, et je ne parle pas que des rénovations, pour s’y sentir vraiment à l’aise. Mais on progresse. On est de plus en plus persuadé d’avoir pris la bonne décision. On regrettera toujours notre Angleterre d’avant. Mais on est soulagé d’avoir quitté brexitland et depuis quelques temps (c’est un agréable bonus) heureux de découvrir notre nouvelle vie.