Valparaíso, double image

Publié le 10 juin 2018 par Roland Meige
© Roland Meige

Valparaíso, Chili / 33°2S 71°36’W / 2015
De Santiago à Valparaíso par la route, après la traversée des collines ondoyantes des vignes de Vale Casablanca, vous serez passés par Viña de Mar, station touristique un peu figée, rigide; à l’image. peut-être, des possédants du pays. Puis la route débouche rapidement dans l’étroite plaine côtière, la frange maritime de Valparaíso. La géographie n’a pas été généreuse pour les activités maritimes, il y a très peu d’espace terrestre pour les installations portuaires et commerciales. Aussi l’habitat s’est spontanément emparé des collines, les cerros, où s’entassent, dans un désordre organisé, les milliers de maisons de tôle peinte. Matériaux du pauvre, la tôle ondulée est universelle, elle assure à moindre coût une protection efficace dans les régions où vents et pluies font l’ordinaire du climat. Dans leur grisaille dominante, les porteños ont choisi de peindre leurs maisons :

(…)
Pronto,
Valparaíso,
marinero,
te olvidas
de las lágrimas,
vuelves
a colgar tus moradas,
a pintar puertas
verdes,
ventanas
amarillas,
todo
lo transformas en nave,
(…)

Pablo Neruda : Oda a Valparaíso. 1954

@ Roland Meige

Bien vue, l’image des maisons transformées en navire, et prémonitoire. Vous prendrez aussi, évidemment, l’Ascensor Artillería qui part de la Plaza Aduana, au cœur du port historique. De la promenade au sommet de la colline, la vue est spectaculaire. A droite, à perte de vue, les quartiers de ces maisons coloriées. A gauche, en bas, le port, et les empilements de containers – tout aussi colorés. Regardez bien, l’échelle des éléments est assez semblable. Valparaíso, double image.

Un article de Die Welt du 15 avril 2018, repris par Courrier International (no. 1437 / 17-23.05.18), raconte l’histoire de cette boîte métallique qui a révolutionné le transport international, acteur déterminant de la mondialisation. L’EVP (« équivalent vingt pieds ») est né de l’imagination d’un transporteur américain, il y a plus de soixante ans. Et depuis, on ne peut plus s’en passer, sur mer comme sur terre. Et on connaît aussi, maintenant, les autres affectations de ce module passe-partout. Baraques de chantiers, centres de loisirs, logements provisoires; et mêmes définitifs. Ces boîtes s’empilent, se juxtaposent, s’additionnent, s’assemblent à volonté. Elles offrent des possibilités de flexibilité peu commune dans la composition d’ensembles, de plus aisément reconvertibles. Et pour une société en mutation, aux énormes besoins en logements, c’est évidemment une voie tentante. L’image du port de Valparaíso, avec ses containers, est peut-être aussi l’image d’un quartier du futur en bord de mer.

@ Roland Meige