Après
un tour en gabare à Beaulieu-sur-Dordogne et la découverte de cette vieille tradition, continuons dans la thématique historique avec, pour ce deuxième volet de ma journée de péripéties le long de la vallée de la Dordogne, la visite de deux châteaux très différents mais pourtant situés à quelques kilomètres l'un de l'autre. Il faut dire que cette région du Quercy en regorge : souvenez-vous, je vous avais déjà emmené voir
le château de Cénevières l'année dernière. Que vous soyez plutôt impressionnant château fort moyenâgeux ou bâtisse raffinée Renaissance, j'ai ce qu'il vous faut : laissez-moi vous faire découvrir les châteaux de Castelnau-Bretenoux et Montal.
CASTELNAU-BRETENOUX
Perché sur son plateau rocheux, sur la commune de Prudhommat, le château de Castelnau-Bretenoux impressionne autant par ses proportions que sa pierre rouge qui se remarque de loin : on a l'impression qu'il lance un défi à tous les environs et, sachant qu'il est debout depuis le XIIIe siècle, on peut dire que ce dernier est relevé haut la main. Pourtant, ce château a eu une histoire agitée et il s'en est fallu de peu que son fier profil ne disparaisse du paysage.
L'accès se mérite (imaginez un peu ces pauvres soldats en armure partant à l'assaut de ce monstre de pierre) mais on est rapidement récompensé lorsque l'on arrive au niveau de la lice, ce terre-plein dégagé entre les deux enceintes qui protègent le château : vue imprenable sur la campagne environnante assurée ! Il ne faut pas plus de quelques secondes pour se rendre compte de son emplacement stratégique et encore, le meilleur reste à venir... Désormais rapproché de ses épais murs, on se sent tout petit et on est bien content que le pont dormant (qui a remplacé le pont-levis au XVIIIe siècle) soit abaissé.
Lorsque l'on pénètre dans la grande cour centrale, on est une fois de plus frappé par les dimensions du château. Il semble avoir été construit pour un géant, avec son plan triangulaire, ses tours massives et son alternance de bâtiments carrés et ronds. On se rend aussi rapidement compte des étapes de construction successives, débutant par la tour-résidence reconnaissable à sa couleur rouge ferrugineuse et le donjon à côté, et se poursuivant avec les différents corps de logis et les grosses tours rondes. Mais ce qui frappe, surtout, c'est à quel point il semble fragile, comme une coquille que l'on essayerait de préserver du mieux que l'on peut. C'est d'autant plus marquant que de l'extérieur, rien ne laisse deviner son état. D'ailleurs, on accède à assez peu de salles dans les différents bâtiments et on fait rapidement le tour : ne manquez pas de grimper jusqu'au balcon d'honneur, construction un peu incongrue dans ce bâtiment défensif (datant en réalité du XVIIe siècle, quand la famille Clermont-Lodève le transforme en résidence de plaisance), mais qui offre un beau point de vue.
Vue sur le donjon et la tour-résidence.Entrez si vous l'osez !Heureusement, toute une aile a été préservée et est ouverte au public, ce qui constitue un peu le clou de la visite. Si le château a été construit par les barons de Castelnau au XIIIe siècle avec des visées militaires, c'est à un chanteur, et plus précisément à un ténor de l'Opéra-Comique de Paris, que l'on doit sa sauvegarde : Jean Mouliérat s'est en effet pris de passion pour le château, alors en piteux état. Laissé à l'abandon depuis plus d'un siècle, démantelé en partie, il fut sauvé in extremis de la démolition totale en 1844 mais ne résista pas à un terrible incendie en 1851, qui détruisit toute l'aile sud-ouest. Autant dire que quand Mouliérat le rachète en 1896, ce n'est pas loin d'être une vraie ruine. C'est à lui que l'on doit les importants travaux de restauration et de réaménagement, et notamment de cette partie, qui étaient ses anciens appartements.
Ne cherchez pas dans la demi-douzaine de pièces une quelconque vraisemblance historique ou des indices de comment était la vie lorsque la famille Castelnau y habitait encore : Mouliérat a emménagé les pièces selon ses goûts, avec des meubles de diverses provenances et époques. Les pièces n'ont pas non plus gardé leur fonction d'origine, comme l'atteste la salle à manger avec son vitrail incongru (provenant de la cathédrale de Quimper) qui était autrefois la salle des gardes. Le tout est un peu surchargé, définitivement très éclectique, mais possède un certain charme et un sens certain de la mise en scène : il faut dire que la disposition est telle qu'elle l'était en 1932 lorsque Mouliérat fit don du château à l'État.
Si quelques marches ne vous font pas peur, ne partez pas avant d'avoir grimpé au sommet de la plus grosse des tours, la tour d'artillerie, et ses quatorze mètres de diamètre. Au sommet, la vue y est époustouflante, à 360°, portant jusqu'au Limousin et l'Auvergne. Le paysage a bien changé depuis que le château est sorti de terre mais le panorama fait toujours son effet, si ce n'est que cette fois on se contente de l'admirer et non de chercher, au loin, une armée ennemie !
Le château vu depuis le village de Loubressac.Château de Castelnau-Bretenoux46130 Prudomat
Entrée : 8 €Ticket jumelé avec le château de Montal : 12 €MONTAL
Direction maintenant le sud-est, à quelques kilomètres de là, sur la commune de Saint-Jean-Lespinasse. Si le château de Castelnau-Bretenoux s'exposait fièrement aux quatre vents sur son plateau, le château de Montal se fait plus discret, caché derrière une rangée d'arbres. Pourtant, il réserve bien des surprises et la première, non des moindres, est qu'il a été bâti par une femme, Jeanne de Balsac. La commande est lancée l'année de la construction du château de Chambord, en 1519, et les travaux débutent l'année suivante. Le parallèle entre les deux n'est pas anodin : Montal est en effet un élégant exemple d'architecture de la première Renaissance, chose unique dans la région.
Car ne vous laissez pas méprendre par sa façade moyenâgeuse, à son approche : la seconde surprise se trouve de l'autre côté, une fois les bâtiments traversés et la cour rejointe. On se trouve alors en présence de deux façades possédant un riche programme de sculptures, que la visite guidée heureusement nous explique en partie : des bustes de la famille de Jeanne (son époux, ses enfants, elle-même entre autres), une frise avec des motifs mythologiques ou symboliques... jusqu'aux sculptures sur les lucarnes, tout ici fait sens. Le résultat est superbe, esthétiquement, et impressionne autant par son ampleur que son raffinement.
Malheureusement, uniquement deux des quatre ailes prévues furent construites, d'où des petites bizarreries comme cette porte qui donne sur le vide. L'escalier droit, richement décoré, une preuve incontestable de modernité.Les étages se découvrent uniquement via une visite guidée. Comme à Castelnau-Bretenoux, les meubles et l'agencement ne sont pas d'époque : on les doit à Maurice Fenaille, industriel et mécène éclairé. C'est à lui qu'on doit au château d'avoir retrouvé son lustre d'antan. Car depuis la Révolution française, il avait été laissé à l'abandon puis à la fin du XIXe siècle à la proie de spéculateurs qui avaient commencé à le démanteler, revendant aux collectionneurs sculptures, lucarnes, portes, cheminées... Fenaille entreprendra le travail titanesque de retracer et racheter les éléments un à un, faisant réaliser des copies dans le cas contraire. Ainsi, si certains décors d'origine sont toujours présents dans le château, on doit le reste à son dernier propriétaire.
Mais son histoire ne termine pas là : durant la Seconde Guerre mondiale, il abrita de nombreux œuvres d'art provenant du musée du Louvre, pour éviter qu'elles ne tombent aux mains des nazis (un château en France, des mines de sel en Autriche, même combat !) et notamment...
La Joconde !
Vue sur le château des Tours-Saint-Laurent sur une commune voisine.Si les deux châteaux vous intéressent, sachez qu'il existe un billet combiné qui permet de les visiter en réalisant quelques économies : c'est d'ailleurs suite à la visite de celui de Castelnau que j'ai appris l'existence du château de Montal et je ne regrette pas ce petit ajout à mon programme car c'est vraiment un endroit à l'histoire très particulière. Quant à moi, je vous donne rendez-vous dans mon prochain et dernier billet pour une promenade en pleine nature...
Château de Montal46400 Saint-Jean Lespinasse
Entrée : 8 €Ticket combiné avec le château de Castelnau-Bretenoux : 12 €
Épisode précédent : Beaulieu-sur-Dordogne et sa gabare