Généralement éclipsée par les sites emblématiques de l’Arizona, tels que le Grand Canyon et Monument Valley, l’Apache Trail est une route touristique qui gagne à être empruntée. À l’origine, cette route fut créée en vue de la construction et de l’approvisionnement du Roosevelt Dam, entre 1906 et 1911. Elle serpente au cœur du désert de Sonoran, en offrant des panoramas variés à ses visiteurs, ponctués de montagnes, de lacs et de cactus. Le circuit de l’Apache Trail borde les Montagnes de la Superstition (Superstition Mountains) qui, coiffées de brume, évoquent le mystère et l’aventure. En les regardant attentivement, on croit les entendre nous murmurer de nombreuses histoires secrètes, mélangeant légendes et faits historiques. Ici, le réel et la fiction semblent se fondre l’un dans l’autre pour former un tout cohérent, teinté de magie…
L’Apache Trail forme une boucle qui débute à l’est de la ville de Phoenix, à l’Apache Junction. C’est d’ailleurs ce qui a expliqué notre intérêt initial pour ce circuit encore peu abordé dans les guides touristiques de l’Ouest américain. Je dois vous avouer bien candidement que c’est essentiellement par hasard que nous avons découvert l’Apache Trail, dont je ne soupçonnais pas l’existence avant de me rendre en Arizona pour une deuxième fois. Nous avions une journée de congé devant nous, mon mari et moi, et nous cherchions une excursion à faire à proximité de Phoenix. Suivant les conseils de locaux rencontrés la veille, qui semblaient d’ailleurs très surpris de constater notre ignorance entourant ce lieu mythique, notre choix s’est arrêté sur l’Apache Trail.
C’est donc levés tôt après une journée de road-trip dans le désert de Sonoran, suivie d’une courte nuit de sommeil, que nous avons décidé de quitter Phoenix pour une excursion sur l’Apache Trail. En quête d’un petit-déjeuner sur la route, nous cherchions à éviter les célèbres chaînes américaines dont nous nous étions gavés les jours précédents. Malheureusement, nous ne croisions que des Starbucks et des IHOP jusqu’à notre arrivée à l’Apache Junction, où la route est devenue de plus en plus désertique. Je peux facilement me passer de petit-déjeuner, mais ce n’est pas le cas de mon mari et je sentais que sa patience avait atteint ses limites. Après quelques arrêts dans des restaurants fermés (et oui, il n’y a pas que des avantages à voyager hors saison!), notre GPS nous a permis de repérer un petit établissement dont le nom sonnait plutôt bien à nos oreilles : Coffee Cantina Bakery. Sans le savoir, nous nous dirigions tout droit vers un village fantôme…
Espaces désertiques entourés de montagnes et garnis de cactus… Bienvenue sur l’Apache Trail!Le village fantôme de Goldfield
Arrivés à destination, à environ 6,5 kilomètres le long de la route 88, nous avons été surpris de nous retrouver devant un petit village sorti tout droit d’un western américain, où des maisons de bois sombre étaient alignées le long d’une rue typique du XIXe siècle. Mais qu’est-ce que c’est que cet endroit? Alors que cette question envahissait mon esprit, mes yeux ont été attirés par un panneau sur lequel le nom des lieux était inscrit en grosses lettres : Goldfield Ghost Town. Un village fantôme? Voilà qui expliquait notre sentiment de sortir tout droit d’une machine à voyager dans le temps!
Le village, qui devait ouvrir à 10h00, soit 45 minutes plus tard, était désert et nous sommes rapidement partis à la recherche du restaurant, dont le nom évoquant les pancakes et les pâtisseries nous avait conduits dans ce lieu incongru. Alors que nous étions affamés et que nous avions froid, une fine pluie a commencé à s’échapper des nuages gris qui se faisaient de plus en plus menaçants. Où était le soleil pourtant prévu par les météorologues? Après quelques mètres, un homme grand et massif, portant un chapeau de cow-boy et un long imperméable, est sorti brusquement d’un bâtiment en s’approchant de nous d’un pas assuré. Après nous avoir brièvement salués, l’air solennel, l’homme a déboutonné entièrement son imperméable d’un geste vif et rapide, nous donnant l’impression qu’il allait dégainer son arme ou encore s’exhiber entièrement nu devant nous… Amusé par nos regards surpris, il nous a simplement tendu une carte avec ses coordonnées, en nous proposant un tour de Jeep pour découvrir les environs. Nous avons poliment décliné l’offre, avant d’entrer dans la pâtisserie d’où émanaient des odeurs entremêlées de café, de bacon et de gâteau au chocolat. Malheureusement, l’établissement acceptait seulement l’argent comptant et le seul ATM du coin ouvrait à 10h00… Nous avons rejoint notre automobile pour nous abriter de la pluie qui gagnait en intensité. Comme par magie, le soleil est apparu vers 10h00, au moment où nous avons enfin pu nous installer à la terrasse du Coffee Cantina Bakery, avec un petit-déjeuner gargantuesque à avaler avant de découvrir les lieux. Tout nous semblait un peu irréel, comme si les lieux étaient rythmés par un scénario bien précis, incluant l’intensité des rayons du soleil…
Bien rassasiés, nous avons pris le temps de découvrir cette ville, qui fut construite en 1883, alors que la ruée vers l’or était omniprésente dans la région. Depuis, la ville fantôme a été rénovée pour devenir, dès les années 1980, un genre de parc d’attractions proposant des spectacles de rue, des tours en carriole et des visites guidées. Étant donné que nous sommes arrivés très tôt sur le site, son aspect touristique n’a pas terni notre visite, d’autant plus que la ville fantôme se découvre librement, sans avoir à acquitter des frais d’entrée. Au contraire, le fait de rencontrer des personnes vêtues d’habits traditionnels, qui se côtoyaient naturellement dans le village avant de débuter leur journée de travail, donnait encore plus de réalisme à l’endroit. Ces employés, qui ne se souciaient pas de notre présence, mangeaient à la table voisine de la nôtre et déambulaient tranquillement entre les différents bâtiments : le saloon, la maison close, la prison, l’église et les petits commerces. Nous avions l’impression de croiser de vieux voisins, qui nous ignoraient par habitude ou nous saluaient discrètement d’un léger signe de tête, comme si nous appartenions à ce lieu depuis longtemps.
La légende de la mine perdue de l’Allemand…
Quelques kilomètres plus loin, alors que nous étions de plus en plus intrigués par les montagnes environnantes et les légendes qu’elles abritent, nous avons décidé de nous dégourdir un peu les jambes en les explorant à pied. Nous avons donc pénétré dans le Lost Dutchman State Park (7$/voiture), qui doit son nom à une légende encore bien vivante dans l’Ouest américain : celle de la mine perdue de l’Allemand (Lost Dutchman Mine – basée sur une prononciation incorrecte). Cette légende est centrée autour de Jacob Waltz, un immigrant d’origine allemande qui arriva en Arizona vers 1862, à la recherche d’or et d’argent. Cet homme aurait trouvé une mine qui valait des millions de dollars, refusant de révéler son emplacement exact au sein des Montagnes de la Superstition. Bien qu’aucun chercheur d’or n’ait jamais trouvé la fameuse mine, des milliers de personnes sont parties à sa recherche depuis le décès de Waltz. L’histoire raconte d’ailleurs qu’au moins sept chercheurs d’or auraient été assassinés dans ces montagnes…
C’est donc en suivant un sentier formant une boucle d’environ 4 kilomètres, Treasure Loop Trail, que nous avons découvert les Montagnes de la Superstition. Cette randonnée nous a permis de nous fondre dans la flore locale, en marchant entre des cactus variés : saguaros, mesquite trees, cholla cactus… La vue sur les environs était absolument magnifique!
Des cactus variés ponctuent notre parcours La vue au sommet du circuit… Splendide!Un village de six habitants…
Guidés une fois de plus par nos estomacs, nous avons fait une halte à Tortilla Flat, un arrêt incontournable de l’Apache Trail. Comptant seulement six habitants, ce village servait de halte aux diligences au début du XXe siècle, lors de la construction de la Mesa-Roosevelt Road. Il se résume aujourd’hui à quelques bâtisses alignées le long de la route, un musée minuscule, un magasin général et un gift-shop, animées par un groupe de musique qui se produit en plein air. Le (faux) corps d’un homme pendu ajoute à l’ambiance des lieux, qui évoque le Far West et l’aventure. Nous avons exploré les environs en attendant qu’une table se libère au Superstition Saloon, qui brasse sa propre bière et sert des plats mexicains à déguster dans un décor unique. L’endroit est définitivement à voir, avec ses murs tapissés de billets de 1$ autographiés par les visiteurs, une tradition qui remonte à l’époque où les voyageurs laissaient quelques pièces de monnaie derrière eux, destinées aux vagabonds de passage.
Une aventure trop rapidement avortée…
Peu après Tortilla Flat, la route s’est transformée en piste de terre battue, grimpant dans les montagnes et enchaînant les virages abruptes le long de la Salt River. Alors que nous plongions dans ce décor sauvage, des imprévus professionnels ont fait en sorte que nous avons malheureusement dû rebrousser chemin pour rentrer à Phoenix. Nous n’avons donc pas été en mesure de compléter la boucle de l’Apache Trail, en nous rendant jusqu’au Theodore Roosevelt Dam et aux ruines du Tonto National Monument. Ce sera pour une prochaine fois!