Pas de colère du jeudi, je suis toujours sereine. Pas hilare, mais soulagée. Évidemment, on campe depuis deux semaines, on a du mal à trouver une routine, notamment pour le school run, je parle encore anglais à tout bout de champs (c’est quoi, l’équivalent de school run?), mais je n’ai plus ce stress permanent du brexit qui me bouffait la vie. A la place j’ai un trou béant dans ce qui sera une cuisine…bref les travaux ont commencé dans la maison du petit requin et j’avais promis de donner des nouvelles.
Déjà, grande surprise, l’entreprise de rénovation (parce que c’est un véritable chantier) a demandé si ils pouvaient commencer avec un jour d’avance. Je ne m’y attendais pas, j’ai plutôt l’habitude de trois semaines de retard, du coup, je me réjouis certes, mais je reste sur mes gardes. Ce matin, deux ouvriers ont donc débarqué pour détruire entièrement ce qui fut une cuisine, il y a probablement plusieurs siècles et qui ne tenait plus que grâce à des strates diverses et variées de poussières et de graisses, façon mille-feuilles répugnant et fossilisé. Beurk. Il y avait aussi une multitude de tuyaux de tailles variées et d’usage inconnu en métaux tout aussi mystérieux. Un évier datant du paléolithique, et qui n’avait jamais été nettoyé depuis son installation. De splendides fausses poutres en polystyrène. Un magnifique carrelage…si, si vraiment, absolument sublime. Et donc, il est foutu. Voilà. On a au sol de véritables carreaux de ciment qu’il faut enlever pour les remplacer par de faux carreaux de ciment. Je suis déçue. Les carreaux orignaux ont été fendus, martelés, grattés, voire mâchouillés, vu les dégâts. Les ouvriers viennent aussi de découvrir par hasard, dans la joie et la bonne humeur un conduit de cheminée qui s’était sournoisement dissimulé derrière une série de fausses cloisons. C’est un problème. Ils ne voulaient pas y toucher, l’architecte n’a pas ri. Ça gâche tout son design, c’est embêtant. Okay…mais un, je ne vais pas payer une fortune pour enlever un malheureux conduit, et deux moi vivante, vous ne toucherez pas à la moindre briquette de la cheminée au dessus, dans la chambre. Je refuse aussi d’avoir un trou à la place du plafond. Après de longues tractations entre toutes les parties, en français, en anglais, en polonais et par Skype, une solution été trouvée à laquelle je n’ai rien compris mais tout le monde est content, y compris le budget de Maricheri et la cheminée de la chambre est sauvée.
C’est un soulagement, vu qu’on vit déjà dans un brouillard épais, pas la peine de rajouter encore de la poussière. Marichéri, qui Skype donc tranquillement depuis son joli bureau tout propre et ventilé est un comique: pourquoi tu ne fermes pas les portes: ahaha, c’est fait. Non mais il faut les calfeutrer. C’est fait aussi. Mais là, Penny vire albinos et j’ai copieusement déjeuné d’une bouillie de poussière…de toute façon, il n’y a plus du tout de cuisine…aaah, au bruit, il semblerait qu’ils attaquent maintenant le carrelage mural. Qui a été posé par étapes. On a donc une couche de carreaux en terre cuite mais muraux dans les tons rouges étripés cramés, vers la droite. On a des carreaux jaunes à fleur (mais ça a dû être blanc au départ) en haut à gauche. On a une bande verte diarhée, héritée des seventies en diagonale et des carreaux marrons vomis en biais sur le fameux conduit de cheminée. Heureusement, tout ça est harmonisé par des couches hirsutes de graisse rancie. Bref, ces carreaux sautent et j’en suis contente. Demain, ils attaquent ceux du sol, ça va être fun aussi niveau poussière. Qu’est-ce qu’on rit.
Mais les ouvriers m’ont rassurée, d’ici trois semaines, j’aurais une cuisine…ils pourront alors attaquer sereinement la salle de bain. Je ne vous ai pas raconté? Elle est pire que la cuisine. D’après Maricheri, la seule explication possible, c’est que la salle de bain date de plusieurs millénaires avant la construction de la maison. Elle a flotté comme ça dans les airs, sous les intempéries avant qu’on installe une maison autour. Il y a encore des fausses cloisons, du tissu rouge à dorure au plafond, une moquette retournée à l’état sauvage au sol et de mini colonnes doriques rose fushia, c’est radieux. Bref, le petit requin est teigneux. Mais on y arrivera!