Alors je me suis laissé tenter pour mon second (et bien évidemment dernier) marathon :
Et donc après trois mois de préparation intense avec 4 entrainements par semaine, des sorties de plus de deux heures pratiquement tous les week-ends, je prenais le bus à Folsom pour rejoindre la ligne de départ, à 5h30 du matin durant la nuit du 3 décembre...
Avec plus de 10 000 coureurs sur la ligne de départ, et le risque d'attaque terroriste toujours présent, la police de Folsom a sorti son blindé pour nous :
J'en ai profité pour admirer la plus grande collection de toilettes portables jamais vue, une pour 30 coureurs, ça s'étend jusqu'à l'infini :
L'avant course est super ennuyeux à gérer. Le départ est à sept heures, on ne peut pas vraiment manger ou boire trop avant le départ, il fait frais (5-6 degrés) donc je marche un peu partout, vais prendre une photo du départ :
Pour le 35ème anniversaire de cette course, il avait été décidé que cette année, elle servirait aussi de championnat des USA de marathon. Du coup, le vainqueur allait être couronné champion des Etats-Unis, ce qui veut dire que tous les meilleurs coureurs du pays sont là !
Il faut aussi savoir que le plateau est d'autant plus relevé que ce marathon est la dernière opportunité de l'année de se qualifier pour le fameux marathon de Boston. Tous les coureurs ayant échoué avant, ou s'étant blessé durant l'année, sont donc là pour décrocher leur qualification !
A mon âge, il faudrait un chrono de 3h15, donc je n'y songe même pas une seconde !
Départ : Après l'hymne national, c'est parti ! On avance lentement jusqu'à la ligne de départ, et la course commence enfin. Je reste au contact de notre meneur d'allure qui porte son panneau "4:00" et prend le rythme assez facilement.
On dit qu'un marathon commence au trentième kilomètre donc j'ai encore le temps avant de souffrir.
Dixième kilomètre : Je gère mon affaire tranquillement, surveille le chrono tout en prenant une gorgée d'eau toutes les 10 minutes, mon second gel à 45 minutes, et voilà qu'au passage du dixième kilomètre, c'est le drame : J'ai super envie de faire pipi !
Cela ne m'est jamais arrivé sur aucune course avant, et devient vite insupportable, alors je prends un peu d'avance sur mon meneur d'allure, et au ravitaillement suivant, m'arrête aux toilettes... Où 3 coureurs font déjà la queue !
Je vois le panneau des 4 heures me doubler, le chrono continue de tourner, c'est la cata. Au final, je perds une minute trente avec cette affaire, et décide de vite rattraper mon objectif pendant qu'il est facile de le faire.
Je cours donc plus vite sur un kilomètre et demi, et je rejoins mon petit groupe, mais mon rythme cardiaque est à 92% du maximum, ce qui est une mauvaise idée sur un marathon...
Vingt et unième kilomètre : La mi-course approche et tout va pour le mieux, je ne ressens presque aucune fatigue, l'entrainement paie ! Au passage de la mi-course, notre meneur d'allure annonce que nous avons 36 secondes d'avance sur l'objectif des 4 heures, c'est parfait !
Seul soucis, mon rythme cardique reste trop haut à mon goût, 86-88%, ce n'est pas bon.
Trente-troisième kilomètre : Comme prévu, les choses se compliquent après le trentième kilomètre... J'évite le "mur" du marathonien mais mes jambes sont de plus en plus raides et douloureuses. J'ai perdu mon meneur d'allure après un ravitaillement et n'arrive plus à le rattraper : La course psychologique commence.
Adeline, Thomas et Clara sont là pour m'encourager, ça aide sur quelques centaines de mètres, puis je dois marcher pour éviter que le mur ne bloque complètement mes jambes. Je flirte ainsi avec l'ennemi au fil des kilomètres, alors que nous entrons enfin dans Sacramento...
Trente-huitième kilomètre : Ma vitesse est désormais extrêmement lente et mes jambes sont sur le point de rendre l'âme... Les souvenirs de San Francisco reviennent, mais c'est beaucoup plus dur cette fois-ci : Il n'y a plus l'euphorie de la première course (je sais que je peux le faire, vu que je l'ai déjà fait !), juste la douleur, et je sais désormais que mon chrono sera moins bon que la première fois, ce qui donne un coup au moral...
Quelques vagues de déprime essaient de m'arrêter, mais il n'y a même plus d'énergie pour faire couler la moindre larme, alors je continue d'avancer. Le seul moyen d'en finir, c'est de passer la ligne d'arrivée !
Quarantième kilomètre : Dernier virage avant d'entamer la ligne droite le long des jardins du capitole. Un brin d'euphorie, je baisse la garde et c'est le drâme : Le mur ! Ma jambe droite se paralyse en un instant, suivie de la gauche, et je suis à l'arrêt complet : Plus de carburant !
Le mur sera arrivé dix kilomètres plus loin qu'à San Francisco, mais me voilà à avancer comme une loque sur quelques mètres, le temps que l'énergie revienne... Mes gourdes sont vides, je n'ai plus de gels, le chrono tourne...
Mais je sens que ça revient, et je peux marcher normalement, puis reprendre la course. La foule est désormais nombreuse de part et d'autre de la route, des musiciens sont là pour nous encourager, et je retrouve une vitesse de course normale.
Derniers mètres : L'émotion est forte en fin de course, car la douleur est intenable mais l'énergie du public qui nous encourage est plus forte, si bien que j'arrive à accélérer. Je tourne la tête sur la gauche et voit le capitole, je sais que la fin est proche, je voudrais pleurer toutes les larmes de mon corps mais la transpiration a déjà tout vidé.
Je me contente de terribles grimaces, puis on tourne à gauche et là il y a tellement de bruit que tout semble disparaitre, j'accélère encore, tourne à nouveau sur la Capitol Mall et là...
J'exulte sur la ligne d'arrivée, non pas par fierté, par joie ou pour célébrer mon chrono, mais juste parce que c'est fini ! La fin de la souffrance méritait bien une célébration...
Mon chrono indique 4h27 minutes, ce qui n'est pas si mal au vu du scénario de la course... Je sais que je suis parti trop vite et que j'aurais dû viser 4h10 plutôt que 4 heures, mais c'est comme ça !
En tous cas, c'est décidé, je ne ferai plus jamais de marathon. C'est trop dur, c'est trop long... En attendant, je prend la pose avec la magnifique médaille qui nous est remise :
Me voilà parti pour 3-4 jours avec un mal de jambes, mais une semaine après, tout est quasiment rentré dans l'ordre, donc c'est déjà presque oublié.
Cette semaine, en sortant avec les petits, on longeait le champ derrière chez nous, et alors que je montrais à Thomas sa future école, on aperçoit tout au loin, à l'horizon, les gratte-ciel du centre de Sacramento...Le premier truc qui me vient à l'esprit : "Wouah, j'ai couru jusque là-bas ! En partant d'encore plus loin qu'ici, en plus !".
Et c'est seulement à ce moment-là que j'ai senti une forme de fierté m'envahir, et l'émotion des derniers mètres revenir. C'était dur, c'était pas toujours beau, mais punaise, je l'ai fait !