Je m'appelle BABLI


Je m'appelle BABLI
Je m'appelle Babli et j'ai dix ans. Je suis l'aînée et j'ai deux garnements de frères. Ma mère a trente ans et mon père peut-être dix de plus. Nous vivons dans le désert du Rajasthan et nous sommes au service d'une famille rajpoute qui a eu son heure de gloire.

Je m'appelle BABLI

avec ma mère et mes deux frères

 Le chef de famille a disparu en 1999 et sa femme née en 1950 assure maintenant seule la gestion de la propriété. Aujourd'hui, une femme à la peau blanche est arrivée avec la fille de la propriétaire et je l'appelle "englesi" car elle ne parle pas hindi. C'est dommage car qu'est-ce qu'on lui en raconte des choses ! On l'a retrouvée en train de lire dans les collines et je suis allée chercher toutes les photos qu'on avait à la maison : le mariage de mes parents, les photos de mes frères bébés (mais je n'y ai pas eu droit comme j'étais une fille), des photos de la famille en train de mettre les pieds dans le Gange. J'espère qu'elle nous donnera les portraits qu'elle a fait de nous hier ! On les mettra avec les autres dans la grande pochette plastifiée des graines de bajra (on les fait pousser pour donner à manger aux vaches et pour la farine des chapatis).

Je m'appelle BABLI

j'apprends à balayer les coins et les recoins

Le matin, je vais faire le ménage dans la grande maison et j'apprends à enlever la poussière. La fille de la propriétaire m'a montré car avec les travaux il y a vraiment de la poussière partout. Elle a aussi demandé à mon frère de ramasser les bouses de vache devant la maison pour faire cuire les chapatis (galette qui sert de pain), ça a bien meilleur goût.
Je m'appelle BABLI
Je m'appelle BABLIJe vis au jour le jour, je garde les chèvres, je vais chercher les vaches, tirer l'eau du puits plusieurs fois par jour. 
Je m'appelle BABLI
Je m'appelle BABLINous sommes éloignés de tout, j'ai juste entendu parler de l'école mais elle est trop loin. Notre vie est là, à galoper pieds nus dans les collines de cailloux. Nous dépendons de cette famille et de cette ferme qui assure bon gré mal gré notre survie.
A 18 ans ou peut-être avant, on me mariera et je ferai comme ma mère : des enfants, la cuisine, la lessive, jour après jour. Le mot "avenir" n'a aucun sens pour moi. Et le soir je continue de balayer toute la poussière de marbre faite par les ouvriers. En chantant.

Je m'appelle BABLI

c'est aujourd'hui jour de fête, avec ma copine nous avons mis nos belles robes