Lors d’une balade en side-car, le circuit comprend souvent la découverte de la partie française située au Sud du lac Hoan Kiem. On traverse les avenues ombragées en damier, les espaces verts, parcs publics, les vieilles bâtisses coloniales et puis l’Opéra de Hanoi. Ce dernier est particulièrement intéressant dans la mesure où il se situe à l’écart de tous les autres et il est considéré comme le trait d’union entre Hanoi vietnamienne et Hanoi française. Dans cet article, je vous livre les secrets qui se cachent derrier ce monument historique qui symbolise la presence francaise en Indochine.
Opéra de Hanoi dans l’aménagement urbain
On sait que l’Opéra de Hanoi fut construit au début du XXème siècle mais peu de sources nous expliquent dans quel contexte le bâtiment fut conçu. J’ai eu de la chance de lire l’ouvrage Histoire d’Hanoi de Philippe Papin. C’est grâce à ce chercheur spécialisé en Asie du Sud-Est que j’ai pu comprendre le rôle de l’Opéra dans son temps. A la fin du XIXème, la France a réussi à s’imposer en Indochine (Laos, Cambodge, Vietnam). Suite à une série de soulèvements menés par les paysans, l’armée française a écrasé la totalité des révoltes. Il était temps de renforcer sa polition coloniale en Asie Sud-Est face au concurrents directs comme les Britaniques, les Espagnols, les Portugais et les Hollandais. Hanoi fut choisie comme capitale de la Fédération Indochinoise. Approuvé par la France métropolitaine, un plan d’aménagement urbain fut mis en place, en copiant complètement le modèle haussmannien en vigueur à Paris. Voilà pourquoi une bonne partie d’Hanoi ressemble beaucoup à Paris du XIXème siècle. Il faut mettre en place des monuments imposants qui sont dignes de l’orgueil national en Asie. Cela justifie la construction de l’Opéra de Hanoi.
On remarque que l’allure obstentatoire du bâtiment dépasse largement la taille démographique de Hanoi à l’époque. Concrètement, l’Opéra peut accueillir 900 spectateurs alors que la population hanoïenne en 1911 était 80,000 habitants.
Si on se place en plein milieu de la rue Trang Tien (anciennement rue Paul Bert à l’époque coloniale), on se croirait carrément dans une rue à Paris. L’Opéra de Hanoi est une parfaite réplique du Palais Garnier.
Passage de pouvoir…
La Seconde Guerre Mondiale a sonné un déclin graduel de la colonisation française d’outre-mer. Profitant d’un vide politique et de la faiblesse militaire de la France à la fin du conflit, les Vietnamiens ont brusquement organisé un coup d’État sous la direction de Ho Chi Minh. Les révolutionnaires communistes se sont servi de l’Opéra de Hanoi pour déclencher la Révolution d’Août 1945. C’était un geste symbolique, un choix délibéré. Un joyau de la colonisation tombe dans la main des locaux.
Depuis cette époque-là, le bâtiment est un excellent outil de propagande. Le gouvernement y organise les évènements très orientés vers la politique : chants qui vantent la gloire communiste, commémoration de la guerre américaine, remise de médaille pour les anciens combattants émérites, etc.
A l’intérieur, la Galerie des Glaces sert encore du lieu où le gouvernement signe des accords internationaux ou reçoit des personnages politiques de haut niveau comme Bill Clinton ou Vladimir Poutin
Pendant très longtemps, le chef d’oeuvre faisait l’objet d’hostilité politique, tout comme la colonisation française. Mais aujourd’hui, les Vietnamiens commencent à prendre un recul par rapport au passé colonial. Au bout du compte, malgré la brutalité de ce régime, les Vietnamiens n’oublient pas l’apport de la culture française à la nation. C’est grâce à la colonisation que les Vietnamiens ont pu créer leur langue latinisée et rompre définivement le chinois. L’Opéra de Hanoi symbolise la contribution de l’architecture française dans dans la mentalité vietnamienne. Regardez attentivement les maisons au Vietnam, vous remarquerez que l’Opéra est source d’inspiration pour de nombreux motifs utilisés dans les ouvrages civils.
Ouverture au tourisme en question
Le bâtiment est en service depuis vingt ans. Les spectateurs y vont pour assister principalement aux concerts tels que : musique de chambre, musique instrumentale, théâtre, etc. La plupart des évènements sont organisés par les artistes vietnamiens et consacrés aux riches vietnamiens. Comme plusieurs endroits dans le monde, l’image de l’Opéra de Hanoi est intimement associée à l’élite intellectuelle. Dans cette optique, peu de Vietnamiens s’intéressent à pénétrer dedans pour voir un spectacle qui dépasse largement leur moyen. Tout le monde y passe devant tous les jours et pourtant personne n’ose entrer. Pour les Hanoïens, l’Opéra est comme un mystère infranchissable, un fossé social qui nous rappelle encore du passé colonial.
Récemment, les autorités locales ont fait un test en ouvrant l’Opéra de Hanoi au grand public en raison de deux fois par semaine (à partir de septembre 2017). Apparemment le site n’a pas obtenu le résultat escompté car son droit d’entrée est jugé trop élevé par rapport au revenu des Vietnamiens. En effet, le ticket coûte quand même 400,000 VND (soit 18 USD), aussi cher que le Musée du Louvre. Les gérants le l’Opéra sont encore très timides dans leur plan. Pour l’instant, la visite du site est prévue jusqu’à la fin de l’année 2017. Après ça, on verra s’il sera faisable de continuer. La démocratisation d’un symbole colonial semble encore loin de se concrétiser…
Conseil pratique
L’Opéra de Hanoi est très bien situé en plein coeur de la capitale. Depuis le lac de l’Epée Restituée (ou lac Hoan Kiem), il suffit de marcher environ 5 minutes pour joindre ce monument imposant. Si vous souhaitez vous plonger dans l’ambiance locale, je vous recommande d’acheter un cornet sur la rue de Trang Tien puis faire une balade tranquille jusqu’à l’Opéra. C’est ce que les Hanoïens font en soirée, en famille ou en amoureux.