Les mobilettes sont légion en Asie du Sud-Est. Ça c’est vrai et encore plus vrai dans un pays peuplé de 95 millions d’habitants comme le Vietnam. Mais il y a une chose que vous ne savez pas. Le Vietnam est le seul pays asiatique où les scooters Vespa sont les plus vendus et l’engouement pour ce modèle branché ne date pas d’aujourd’hui. Comme d’habitude, pour comprendre le Vietnam, il faut comprendre son histoire. Pourquoi le Vespa est plus marqué au Vietnam qu’aux autres pays en Asie du Sud-Est? Remontons au passé glorieux de Saigon, la “Perle d’Orient” sous la colonisation française.
Les vicissitudes de Vespa au fil du temps
A l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la production de Vespa était en plein essor. De nombreuses usines de Vespa furent installées en France pour répondre à une consommation accrue de la classe moyenne. C’est par intermédiaire de ces unités que les premiers vespas furent exportés au sud du Vietnam, appelé Cochinchine française. Mais l’usage principal du Vespa n’était pas de rouler en ville mais de servir …à des fins militaires. L’armée coloniale faisait appel au Vespa comme moyen de communication redoutable.
Après le départ des Français en 1954, les Américains ont pris le relais et transformé Saigon en une ville très capitaliste. Largement subventionnée par les Etats-Unis, la population saigonnaise n’a jamais vécu un train de vie si faste et obstentatoire. Contrairement à la colonisation française où la consommation locale était limitée à l’élite, Saigon sous la domination américaine favorisait l’émergence de la classe moyenne vietnamienne y compris les bourgeois, les commerçants, les militaires, les fonctionnaires. La ville a suivi toute tendance de consommation en Europe y compris l’usage de Vespa. On est dans la période des années 1950-1960 où les Vespa étaient pléthoriques dans les boulevards ombragés.
A la fin de la guerre américaine en 1975, le Vespa a connu une longue période de déclin sous l’austérité communiste. Dans une économie de subvention des années 1980, toute fortune privée était interdite y compris le Vespa, symbole du chic. Ceux qui ont vécu dans cette période devaient planquer leur Vespa pour éviter le regard indiscret des patrouilles… Quand les Etats-Unis et le Vietnam ont renoué la relation diplomatique en 1994, l’ancien reporter de guerre Henry Kamm est retourné au pays pour photographier les scènes quotidiennes. Il fut frappé par le fait qu’un bon nombre de Vespa subsistent encore dans les rues malgré la censure communiste des années 1980. Et oui, on planque les scooters abeille quand c’est interdit. Mais l’ouverture économique des années 1990 a mis fin à cette interdiction. Alors on peut à nouveau rouler en Vespa.
Le destin du Vespa Vintage au Vietnam nous rappelle des vieilles voitures cubaines. Le Vietnam est le dernier endroit au monde où on peut encore trouver les vieilles pièces de Vespa et Lambretta des années 1960-1970. Donc c’est la mecque de Vespa Vintage et les collectionneurs des quatre coins du globe viennent au pays à la chasse de ces modèles rares. Le mouvement coincide avec l’attention de la société Piaggio très orientée vers le Vietnam.
A partir de 2004, sous la houlette de l’Ambassade italienne, la société effectue de nombreuses campagnes de marketing pour améliorer la visibilité de ses nouvelles générations de Vespa. La cible est indéniablement les jeunes citadins vietnamiens, évalués à 15 millions de personnes. C’est un franc succès du Vespa moderne qui prend une belle part de marché de niche face au géant Honda qui s’intalle au Vietnam depuis 1994. Saigon représente la jeunesse vietnamienne et le Vespa est une accessoire emblématique de cette jeunesse.
Balade en Vespa a le vent en poupe depuis plus de 10 ans
On blame trop facilement la circulation anarchique de Saigon, les klaxons incessants, le gaz d’échappement. Pourquoi une telle attitude? Parce que vous vous limitez au rôle d’un simple observateur. Et si c’est vous, acteur principal dans cette fourmillière de mobilettes? OUI je parle d’une balade à Vespa Vintage à travers laquelle vous êtes soit conducteur soit accompagné d’un conducteur local. Vous allez voir, ce n’est plus la même sensation. En tant qu’observateur, vous subissez la circulation.
En enfourchant le Vespa, vous vivez la circulation. Vous faites partie de la masse. C’est ça l’authenticité. C’est ça la vraie immersion dans la vie vietnamienne. Si la découverte de Saigon en Vespa est bien relayée dans les médias anglophones (surtout aux États-Unis et en Australie), c’est un service assez méconnu des voyageurs francophones. Mais justement c’est le rôle du blog Indochine-en-profondeur de vous faire connaître les activités insolites, n’est-ce pas? Si le Vespa est un icône du chic au Vietnam depuis plus de 70 ans, son service touristique est récent. Tout a commencé en 1996, Steve Mueller, un touriste britanique, a débarqué au Vietnam après 11 ans à Hawaii. Il a tout de suite succombé au charme de Saigon effervescente. Il n’a jamais quitté le Vietnam depuis et il a même fondé une famille avec une Vietnamienne. L’amour pour une Vietnamienne, l’amour pour le Vespa, l’amour pour Saigon. Et voilà le trio qui est l’origine de la création d’une société spécialisée dans la balade en Vespa en 2006. Le service a tellement cartonné que les autres ont copié le modèle.
Aujourd’hui, on peut trouver le service de Vespa dans plusieurs endroits au Vietnam dont Saigon, Hoi An, Hanoi. Les itinéraires ne se limitent pas en ville mais s’étendent à la campagne. On vous propose même les circuits sur plusieurs jours en longeant la côte vietnamienne. Malgré l’élargissement de la gamme d’itinéraires, la découverte de Saigon en Vespa reste toujours la référence. Pourquoi? Parce que Saigon est le berceau de Vespa au Vietnam et le Vespa fait partie intégrale de la jeunesse citadine branchée. Il faut savoir que la population vietnamienne est très jeune : 50% ont moins de 35 ans!
Quels sont les avantages d’une balade en Vespa?
Le concept de la balade en Vespa est similaire à celle de side-car à Hanoi. C’est-à-dire qu’on peut s’aventurer dans les endroits typiques hormis les sites incontournables. Accompagné par les résidents passionnés, on vous emmène dans les recoins souvent négligés dans les guides. Ces résident-conducteurs vous font découvrir la vie authentique de Saigon à travers leur optique. Vous aurez un angle de vue totalement différent. La particularité des conducteurs de Vespa, c’est qu’ils sont souvent propriétaires de Vespa et amateurs de ce véhicule “abeille”. Beaucoup d’entre eux font partie des Clubs de Vespa. Pour eux, accompagner les voyageurs étrangers est une véritable opportunité de tisser des liens d’amitié. Pour les jours où le Vespa n’est pas en service, ces résidents se rencontrent dans les cafés du quartier Bui Vien pour s’échanger et partager la passion commune pour la marque.
Optez pour une balade de quatre heures dans l’après-midi. C’est en fin d’après-midi que l’on sent mieux l’ambiance de Saigon animée. Vers 17h, c’est l’heure de pointe et vous serez au milieu d’une forêt de mobilettes. C’est une incroyable scène de vie urbaine où les gens portent un peu de tout : enfants, cochons, babioles, etc. Un plein été, sous la chaleur de plomb, vous pouvez également témoigner des femmes se couvrant de la tête aux pieds. C’est un véritable phénomène du culte de la peau blanche.
Une petite fin? Pas de problème, le Vespa vous emmènera dans un Bia Hơi et on mange local et paie le prix local. Parmi les spécialités culinaires de Saigon, il faut citer le Bánh Xèo (crêpe frite farcie de soja, de la noix de coco et des crevettes) Pour terminer la soirée, vous vivrez à la saigonnaise en fréquentant un café branché où on peut assister à la musique live.