La couture sur mesure est un métier de longue date à Hoi An. Grâce au développement touristique de la ville, le métier devient plus connu mais aussi réducteur au terme “tailleur sur mesure”. Il suffit de taper ce mot sur Google et vous trouverez un paquet de résultats. Merveille pour les uns, arnaque pour les autres. Comme dans mon article sur la cuisine de rue à Hoi An, j’ai remarqué que la plupart des sources d’information se contentent de l’observation (souvent sur le côté comportemental des services) ou du côté pratico-pratique (comment faire une commande pas chère, liste des boutiques). Alors cet article sert plutôt à expliquer le pourquoi et le comment. Puis à la fin, vous trouverez une petite dose de conseil pratique.
Une histoire centenaire
La couture de Hoi An remonte au début du XXème siècle. Sous la colonisation française, plusieurs boutiques furent ouvertes pour répondre aux besoins variés des clients européens et vietnamiens. Vers les années 1950, la ville comptait environ 70 couturiers et une vingtaine de boutiques. Le rythme du métier restait ainsi pendant plusieurs décennies. Puis la vieille ville de Hoi An fut reconnue par l’Unesco à la fin des années 1990.
C’est à partir de cette époque que le métier de couture évolue et devient une véritable industrie. Selon le recensement en 2015, Hoi An compte 700 foyers et 2000 employés qui travaillent dans ce domaine. Si la Toscane est connue pour son industrie de cuir, Hoi An est connue pour son industrie de couture. Il y a même un guilde dédié au métier de couture. A l’instar du Quartier des 36 corporations à Hanoi, les couturiers de Hoi An organisent collectivement un événement annuel pour rendre hommage à une fondatrice du métier : Mme. Nguyen Thi Sen. Au fil du temps, avec la modernité, se côtoient les couturiers “vieille école” et les tailleurs de nouvelle génération. J’ai eu l’occasion de m’échanger avec Mr. Lac, un des rares couturiers de l’ancienne génération qui vit encore aujourd’hui.
Située dans une ruelle difficile à trouver, la boutique délabrée de cet homme âgé de 82 ans nous plonge tout de suite dans l’ambiance de Hoi An d’antan. Il nous livre le secret de l’apprentissage du métier quand il était jeune. Issu d’une famille très pauvre, il a choisi le métier par hasard, dans le but d’épauler les parents. C’était dans les années 1950 où la couture n’était pas un job très recherché par les jeunes. Au bout de 5 ans, il a atteint un niveau de maîtrise suffisant pour confectionner les vêtements classiques. Il est resté encore une dizaine d’années chez le maître pour rembourser les frais d’apprentissage.
Les années 1970 furent une période de transition. Mr.Lac a dû découvrir de nouvelles techniques par tâtonnement car il n’avait pas été formé pour tailler les vestes ou robes à l’européenne. Ses techniques restent ainsi jusqu’aujourd’hui. Il n’a pas pu s’adapter aux nouvelles tendances de mode. Néanmoins, ses produits “vintage” sont au top. Un bon nombre de Vietnamiens font appel à son service pour les modèles que les jeunes tailleurs ne savent plus confectionner.
Le terme “tailleur sur mesure” a été inventé dans les années 2000 pour désigner un service principalement consacré aux touristes vietnamiens ou étrangers tous confondus. La caractéristique de ce service est la capacité de livrer les vêtements sur mesure dans un temps record, 4 heures. Mais attention, ce n’est pas du n’importe quoi. En général, c’est quand même le service de bonne qualité. Donc ceux qui disent que les tailleurs sur mesure sont là pour arnaquer ou voler de l’argent doivent revoir leur jugement. Le métier existe bien longtemps avant la naissance du tourisme à Hoi An.
Imaginez que les tissus aient aussi une odeur. Je vous parie qu’une des premières odeurs que vous sentez sera celle du velours et de la soie qui sont omniprésents dans la vieille ville de Hoi An. Tout le monde le sait, la vieille ville est miniscule. En espace d’une heure, vous parcourez la totalité des ruelles et pourtant il y a presque 200 boutiques de tailleur sur mesure. Plus précisément, elles sont très concentrées vers l’intersection entre les rues Tran Phu, Nguyen Thai Hoc, Le Loi et Tran Hung Dao. Alors vous avez une large palette de choix. Du coup, comment ça marche pour commander les vêtements sur mesure? Voici le mode d’emploi
Première étape : choisir un tailleur
Il y a deux cas de figure : soit vous êtes pressé soit vous avez du temps. L’expérience que j’ai vécue fait partie du premier cas. J’ai connu cette boutique en 2011 lors d’un deuxième voyage à Hoi An. J’ai eu la chance de faire connaissance avec Mme.Huong, la patronne de la boutique et j’ai été entièrement convaincu par son expertise en matière. J’ai commandé une chemise sur mesure à 15 USD. Trois ans plus tard, je me suis marié et je n’ai pas hésité à faire appel à son service pour tailler les costumes de mariage. Concrètement c’est 40 USD pour trois chemises, 120 USD pour le costume (une veste et deux pantalons). C’est cher par rapport au revenu moyen des Vietnamiens (200 USD / mois). Mais je suis content de la qualité du produit.
Fondée au début des années 1990, Yaly est une adresse à forte notoriété du coin et la boutique est bien située au centre ville. Donc forcément le prix est élevé. Si vous jugez que c’est hors de votre budget, sachez qu’il y a aussi des boutiques moins connues qui sont situées en dehors de la vieille ville. Le prix est nettement moins cher du fait de l’emplacement. Par contre, je ne peux pas vous dire au niveau de la qualité du produit. Tout est relatif et dépend de ce que vous recherchez. Si on a besoin des vêtements simples, qui ne demandent pas trop de technicité, ça peut jouer. La différence de prix entre les tailleurs dépend beaucoup de la sophistication technique et de l’expérience. Malheureusement, avec les produits de base, c’est difficile à cerner cette différence. C’est seulement à partir des produits complexes (souvent chers) que les tailleurs réputés se démarquent.
Pour le deuxième cas de figure, vous avez du temps. Bon je suppose que tout le monde dispose quand même du temps à Hoi An car la durée moyenne du séjours est 3 nuitées. Donc l’option deux s’avère d’être un choix plus jusdicieux pour vous. Pour cette option, il faut faire le tour de plusieurs boutiques et jeter un coup d’oeil sur l’ensemble des modèles exposés et entamer une conversation avec les tailleurs. C’est du travail du cerveau tout ça! En fonction du feeling avec le tailleur, de votre goût, de votre intuition, vous sélectionnez le meilleur.
Voici ma liste suggestive des établissements les plus connus de Hoi An :
Yaly Couture: 47 Tran Phu
Be Be: 09 Hoang Dieu
Hana: 85 Tran Hung Dao
Lana: 130 Tran Phu
Á Đông Silk: 40 Le Loi
Bao Khánh Silk: 101 Tran Hung Dao
Deuxième étape : choisir le modèle
Deux options principales : soit on prend un magazine de mode avec soi, soit on choisit les modèles exposés dans la boutique. Dans mon cas, j’ai emporté avec moi un magazine de mode masculin et montré le modèle désiré à la couturière. Les tailleurs ici sont capables de copier le modèle à 99%. Une fois que le choix est fait, il faut sélectionner le tissu, la gamme de couleur, le style. Le tailleur prend vos mesurations puis on procède à la fabrication.
Il vaut mieux être le plus précis possible dans vos demandes dans le cas où vous passez peu de temps à Hoi An. La retouche est toujours possible et les tailleurs seront ravis de le faire mais il faut que vous repassiez à chaque fois. Donc encore une fois, c’est la question de temps qui joue beaucoup dans vos décision.
Troisième étape : paiement
Comme partout au Vietnam, il est possible de négocier le prix. Par contre, le service de tailleur sur mesure n’est ni un kilo de pomme ni une boîte de gâteau. Donc la marge de manoeuvre est un peu moindre. Une remise de 10-15% semble un taux correct pour que le tailleur accepte de vous livrer un service de qualité. Voici une grille tarifaire pour les articles courants : entre 10 et 30 USD la chemise, entre 15 et 35 USD la robe ou le pantalon, entre 30 et 60 dollars le manteau, entre 70 et 150 USD le costume.