Je tape d’un doigt sur mon téléphone, affalée sur le canapé dans un appartement romain. On n’entend que les légers ronflements des enfants, (et les vrombissements de fusée asthmatique de Marichéri), la ville est terrassée de chaleur…et j’adore. Sérieusement, il va falloir me traîner de force pour me faire monter dans l’avion du retour.
L’immeuble est tout calme. On est dans une ruelle étroite et pavée près du Vatican, où les voitures ne passent pas mais les Vespa oui. Sauf à cette heure-ci. Tout est plongé dans une torpeur moite et silencieuse. On entend juste le bruit des grillons qui s’éclatent sous le soleil de plomb dans le patio…ça m’a donné l’envie de les rejoindre. Le bâtiment date du dix-septième siècle, d’après l’agence. Même les cloisons internes font un mètre d’épaisseur, alors il n’y a pas de problème, les murs extérieurs protègent bien de la chaleur. N’empêche, quand on ouvre la vieille porte en bois, pour descendre l’escalier en marbre désuet et vieillissant, presque incongru, on se prend une bouffée de chaleur épaisse et terrassante…et j’adore. On peut presque la goûter. Tout le monde dort et je pousse la grille brûlante du patio. Il n’y a que moi, les grillons fous qui se déchaînent, un malheureux chat qui n’en peut pas, et la végétation qui brille de chaud…je ne dois pas être normale. Il est sensé faire 45 à l’ombre d’après la météo. Mais il n’y a pas d’ombre. Et je suis ravie. J’adore l’heure de la sieste, tout est tellement calme, englué par la torpeur du soleil… il faudrait que je rentre, mais je suis si bien là, à fondre doucement, à profiter du silence brûlant, des couleurs folles, des odeurs de chaud… Je ne dois pas être normale. Même les locaux dorment.
C’était pareil lorsque j’étais en Andalousie (j’y ai passé un été en stage quand j’étais étudiante)…et la chaleur écrasante, dans le désert près de Huelva, à l’ouest de Séville, on sait très bien faire aussi. À l’heure de la sieste, quand tout le monde dormait, je montais sur la terrasse. Je devais être la seule éveillée et je me gorgeais de chaleur…je vous rassure, je ne suis pas inconsciente. Je me mets à l’ombre si il y en a. Je bois des hectolitres d’eau, par heure. Je luis de crème solaire et je ne me balade pas à moitié indécente en sous-vêtements comme la première anglaise venue (au contraire, j’ai même un t-shirt à manches 3/4, mais blanc). Je ne quitte jamais mon chapeau. Je bouge un minimum. Je n’ai jamais attrapé le moindre coup de soleil. C’est juste que je suis bien en pleine canicule, la vraie. Celle qui est sèche, presque métallique. Quand on sent la végétation roussir sous le soleil, quand le ciel est blanc de chaleur à midi puis bleu profond quand le soleil se calme. C’est ce qui me manque le plus en Angleterre. L’odeur de l’été et le bleu du ciel. Pas le bleu pâle qu’on y a parfois. C’est joli aussi, mais ce n’est pas l’été pour moi. Alors que là, avec le thermomètre au bord de l’explosion, je suis bien pendant que tout se liquéfie autour. Évidemment, je suis en vacances, je n’ai rien à faire et ce n’est que pour une semaine. C’est facile. Mais je profite à fond. Marichéri dit que je suis différente au soleil, plus détendue. Et pas seulement parce que c’est les vacances. C’était pareil au Mexique, et pourtant je travaillais, je prenais le métro, je vivais normalement…mais avec la chaleur. En fait, je me sens bien à partir de 40 degrés…je ne suis pas normale.
Ça dort toujours béatement. Je devrais faire pareil au lieu tapoter mes petites considérations sans intérêt. C’est l’heure de la sieste, il fait chaud et tout est calme. Le retour va vraiment être difficile.