The Magna Carta


Rien qu’avec le titre, je sens que j’en ai déjà perdu en route…et oui, encore un billet où je vais massacrer l’histoire anglaise. Ils ne sont pas très populaires, mais ça m’amuse. Et j’ai vraiment besoin de m’amuser en ce moment. Alors la Magna Carta, c’est ce qui a servi vaguement de constitution au Royaume uni pendant des siècles et qu’on évoque encore aujourd’hui pour tout et n’importe quoi. C’est d’actualité, puisqu’elle fête allègement ses 802 ans le 15 juin et qu’on parle beaucoup d’elle. Les opposants à Zaza première, le radis rachitique du brexit s’en réclament autant que ses supporters, chaque camps étant persuadé que la Magna Carta lui donne raison, c’est dire si c’est clair.  

The Magna Carta
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Reprenons du début, en 1215. Avant même que les français pensent à élaguer des têtes couronnées, les anglais menaient la vie dure à leur roi. Ils ont obligé le petit Jean (celui de Robin des bois) à reconnaître un début de parlement (avec uniquement des nobles, on ne va pas s’encombrer avec des bouseux non plus, faut pas rigoler), et à ne pas se prendre pour le chef ou faire son malin avec sa couronne ridicule. John n’a rien à voir avec un lionceau hystérique ou un psychopathe mal coiffé en collants, il ne ressemble pas du tout à son image de méchant dans l’histoire de Robin de Bois, qui je le rapelle n’a jamais existé. Jean est né en 1166, c’est le plus jeune fils de Henry II et Alienor d’Aquitaine, c’est à dire que ce grand roi anglais est un migrant. Il doit son surnom au fait que ses parents n’avaient plus de terre à lui donner après avoir distribué des tas de titres à ses aînés. Je résume. Ça n’empêche que les autres petits Plantagenet étaient vraisemblablement de mauvaise qualité, puisque c’est Jean qui se retrouve à devoir faire tourner la boutique pendant que son grand frère Richard fait le malin aux croisades. Le pauvre Jean doit racler les fonds de tiroirs pour payer la rançon de cet abruti de Richard qui a réussi le tour de force de se paumer en Méditerranée sur le chemin du retour et à se faire capturer par l’Empereur germanique. Bref John se tape une réputation de méchant assoiffé d’or juste parce que son frère n’avait pas le sens de l’orientation. C’est scandaleux. Il finit par devenir roi en 1199, et on se dit que ça y est, sa chance tourne. Ben, non. Déjà, il est très peu doué militairement et passe son temps à se prendre des pâtées contre les français. Il perd une partie des terres françaises de ses parents. C’est ballot. Et puis voila-t-il pas que les barons anglais se révoltent aussi et obligent ce malheureux John a signé la fameuse Magna Carta. Elle limite théoriquement les pouvoirs royaux, pose les bases d’une justice indépendante et crée un embryon de parlement. John meurt en 1216, probablement d’ecoeurement. Les avis sont partagés: les cinéastes en mal d’imagination et Disney le tiennent au mieux pour un être ignoble et avare, au pire pour un loser total, les historiens penchent pour un roi qui a su gérer correctement le pays et le moderniser. 

Bon soyons clair, pas mal de rois anglais, à commencer par Jean lui-même se sont gentiment assis dessus la Maga Carta (c’est une image, ce n’est pas un coussin non plus), même si ils la ratifiaient religieusement en arrivant au pouvoir, par politesse. Edward III l’améliore quand même au quatorzième siècle et renforce l’indépendance de la justice pour tous pas que pour les nobles. Les rebelles parlementaires s’appuient sur la Magna Carta au dix-septième siècle pour se débarrasser de Charles II d’un revers de hache (Tout ça pour se taper Cromwell après…c’est encore une image). Au dix-huitième, le parlement décide de se pencher sérieusement sur la Magna Carta et de voir ce qu’il y a exactement dedans. On dépoussière largement tout ça, vous savez ce que c’est une vague constitution qui n’en est pas vraiment une, ça vieillit mal. Mais la Magna Carta reste le pilier presque mythologique de la loi, tant pis si on ne voit pas trop ce qu’elle veut dire. Ça fait plaisir de voir toute l’incompétence et l’à-peu-près des parlementaires du dix-huitième. C’est là qu’on comprend mieux ceux de maintenant qui ne font que perpétuer la tradition. À la fin du dix neuvième, on n’y tient plus. Ça ne va pas du tout cet espèce de machin en latin qui n’est plus du tout adapté. On sabre des passages entiers, tant et si bien  qu’il ne reste pratiquement plus rien de la Magna Carta en application aujourd’hui, on réécrit des lois et hop ça va bien comme ça. Mais elle n’a jamais été abrogée, elle sert de références rhétoriques aux politiciens, aux contestataires, et à des tas de gens qui ne l’ont jamais lus mais s’en gargarisent quand même. Des apprentis révolutionnaires l’invoquent jusque devant les tribunaux pour défendre leur droit d’homme libre à tout casser. Les brexiters sont persuadés que la Magna Carta leur donne raison, parce que c’est évident, le petit Jean l’a écrite en 1215 pour protester contre l’Union Européenne. Bref, la Magna Carta sert d’argument définitif à beaucoup qui n’ont pas la  moindre idée de ce qu’elle était vraiment.  

Ça serait sympa qu’ils aillent juste jeter un œil sur le document d’origine. Celui écrit par Jean et 25 barons anglais aux noms très, très français (William de Sainte mère l’église, Guillaume Longespée, Philip d’Aubigny…). Ils ne pensaient absolument pas aux libertés du pèquenot de base, qu’il soit brexiter ou pas mais juste à leurs propres intérêts. Ce n’était qu’un traité de paix comme un autre qu’aucun des signataires n’a jamais eu l’intention de respecter. En tout cas je ne pense pas que la Magna Carta, même si elle la réduit en poudre et la bouffe en gélules confère des super pouvoirs à Zaza.