Voyager en Egypte a l'air dangereux de loin; on pense plus aux attentats qu'aux pyramides, aux crashs aériens qu'aux momies, au printemps arabe qu'aux temples de Louxor. Les millénaires d'histoire de l'Egypte antique se laissent recouvrir par l'écran des troubles actuels.
Et pourtant, la terreur qui frappe aussi chez nous fait relativiser le danger; j'ai voyagé dix jours en Egypte en janvier 2016, un an après Charlie Hebdo et deux mois après le 13 novembre. J'ai longtemps hésité à partir: j'ai interrogé des amis de retour du Caire, je me suis informé sur quelques blogs...
Enfin le désir de voir les temples, le Nil, les tombes, Abu Simbel sans être submergé par une mer de touristes l'a emporté et j'ai réservé un aller-retour pour l'Egypte, avec la ferme intention d'en revenir vivant plutôt qu'enroulé dans des bandelettes.
A ceux qui - comme moi - s'attendent à voir des ruines pareilles à Mycènes ou au forum romain: les vestiges de l'Egypte pharaonique sont sans commune mesure: l'enfouissement sous le sable du désert a protégé des temples entiers pendant deux mille, trois mille, quatre mille, cinq mille ans. Frontons de vingt mètres de haut, salles hypostyles aux colonnes couvertes de fresques, cryptes, terrasses, sculptures et peintures de dieux-animaux, on est totalement immergé, transporté plusieurs millénaires dans le passé.
Dans certains recoins des temples, couverts de hiéroglyphes, étroits, mal éclairés, on s'attend à voir surgir un prêtre allant au sacrifice.
Dans les tombes - un trou dans le sable sur une colline - les couleurs sont parfois d'origine et on croirait que les corps viennent d'y être déposés.
Ainsi, chaque site se mérite un peu: il faut traverser la poussière et le vacarme du chaos urbain et se défendre contre le harcèlement permanent des guides et des vendeurs - la baisse de la fréquentation touristique, dramatique pour leur activité, les rend agressifs. A l'extérieur des temples, il faut souvent se faire violence pour oublier l'urbanisme hostile; mais une fois franchis les murs d'enceinte, on est aspiré dans l'âge d'or égyptien.
A déambuler dans ces vestiges du premier empire organisé, j'ai été sidéré pas le nombre, la grandeur, la richesse et la finesse de ce qui nous en est parvenu; cette sidération persiste encore.
Jour 1: balade sur la rive Ouest désertique (ruines de monastère copte), visite de l'île Eléphantine et du musée Numide
La rive Est de la ville d'Assouan est moderne, poussiéreuse et hostile et ne m'a pas donné pas envie de m'y attarder; la rive Ouest est désertique, c'est le " seul endroit d'Egypte " où on peut se balader tranquillement, en marchant parmi les dunes de sables; une navette bon marché permet de passer d'une rive à l'autre et d'aller sur les îles au milieu.
Jour 2: convoi pour Abu Simbel aux aurores, visite de l'île de Philae et farniente à l'hôtel Old Cataract
Le site d'Abu Simbel, en lui-même est fascinant: isolé des grandes villes, dans une région déserte et peu sure, en surplomb du Nil (il a été remonté pierre par pierre pour ne pas être inondé par le barrage d'Assouan).
L'option principale pour y aller est de prendre un convoi qui part d'Assouan à 4h du matin (!!). On se retrouve donc avec une centaine de touristes sur un site assez petit (aucune explication muséographique par ailleurs). On passe une heure ou deux sur le site (c'est suffisant) puis on rentre (arrivée à Assouan vers 13h). Il est aussi possible d'y aller en avion pour échapper aux touristes (ou bien de rester après le départ du convoi), mais le village voisin a l'air totalement mort. A faire donc pour les courageux, sachant qu'il y a d'autres sites aussi beaux ailleurs.
Là c'est l'arnaque totale: en plus du billet, il faut s'acquitter d'un prix éhonté pour les 10 minutes de bateau nécessaires pour y accéder. Ils n'acceptent évidemment pas que les touristes partagent un bateau... J'ai quand même partagé avec un couple de Chinois, et tout cela m'a bien énervé! Le site est remarquable et plein de charme, mais c'est des temples les plus touristiques que j'aie vus, et ni l'un des plus anciens ni l'un des plus beaux.
Jour 3: trajet d'Assouan à Louxor (temples de Kom Ombo et d'Edfu)
Le trajet peut se faire en felouque (en 2-3 jours), avec des arrêts dans les deux temples, et il paraît que c'est agréable; voyageant seul, je l'ai fait en transports en commun. C'est assez pénible (il faut prendre une longue série de taxis...), mais les deux temples de Kom Ombo et d'Edfu valent largement le trajet (ce serait très dommage de ne pas les visiter).