André Hallays (1859-1930), journaliste et écrivain français, a dit du musée Unterlinden qu’il contenait « les reliques les plus précieuses de la vieille Alsace ». Paris a le Louvre ? Qu’importe, Colmar a son musée Unterlinden ! Si son joyau est le retable d’Issenheim, de réputation internationale, il ne doit pas occulter les formidables collections qui couvrent une période allant du 15e au 18e siècles. Organisé autour du cloître du 13e siècle, il s’agit d’un des musées des beaux-arts de province le plus fréquenté. Après l’avoir exploré pour la première fois il y a deux semaines, je vous livre un petit compte-rendu de visite. Et d’ores et déjà, je ne peux que vous inciter à le découvrir si vous êtes de passage à Colmar !
Le couvent des Dominicaines d’Unterlinden
Les bâtiments de l’ancien couvent Unterlinden © French Moments
Lorsque l’on vient au musée pour la première fois, on s’aperçoit que les bâtiments qui l’abritent sont fort anciens. En effet, le musée expose ses riches collections dans l’ancien couvent des Dominicaines d’Unterlinden. Unterlinden ? En alsacien, cela signifie « sous les tilleuls ». Vers 1230, deux veuves nobles choisirent d’établir une communauté religieuse au lieu-dit Unterlinden. Dans ce faubourg nord de Colmar existait à l’époque une chapelle consacrée à Saint Jean (Sankt Johann unter der Linde). En 1252, le couvent fut intégré à l’ordre dominicain.
Les bâtiments actuels furent édifiés à partir des années 1260 et le cloître leur fut ajouté dans la deuxième moitié du 13e siècle.
La fondation du musée Unterlinden au 19e siècle
Les bâtiments de l’ancien couvent Unterlinden © French Moments
Les religieuses furent expulsées de leur couvent à la Révolution française. Les bâtiments restèrent à l’abandon jusqu’au milieu du 19e siècle. Il était prévu de les raser lorsque Louis Hugot (1805-1864), archiviste de la ville, eut une brillante idée. En 1849, il y conserva une mosaïque romaine découverte à Bergheim et un musée fut par la suite ouvert le 3 avril 1853 par la Société Schongauer.
Les riches collections du musée
L’entrée du musée © French Moments
Réparties tout autour du cloître du 13e siècle, les riches collections du musée Unterlinden mettent aujourd’hui en scène l’art rhénan de la Renaissance. Car au 15e et 16e siècle, l’Alsace et les régions rhénanes voisines connurent un véritable âge d’or artistique. Un grand nombre de peintures, sculptures, gravures de cette époque est exposé au musée Unterlinden de Colmar. Autant vous dire que le cadre du couvent (le cloître, la chapelle gothique et les bâtiments conventionnels) s’associe idéalement aux collections de sculptures et peintures du Rhin Supérieur des 15e et 16e siècles.
Le 23 janvier 2016, le musée a ouvert une nouvelle page de son histoire avec l’inauguration du Nouvel Unterlinden en présence du Président de la République François Hollande.
Le cloître du musée Unterlinden et le rez-de-chaussée
Une fois le contrôle des tickets passé, on accède au magnifique cloître. Construit en grès rose des Vosges, il est de style gothique.
Cliquer pour visualiser le diaporama.Plusieurs portes permettent l’accès aux salles d’exposition du rez-de-chaussée. Nous avons pu contempler les œuvres de l’artiste colmarien Martin Schongauer (vers 1440-1491). Ses gravures étaient déjà admirées par le grand dessinateur et graveur allemand Albrecht Dürer.
Une des gravures les plus incroyables est celle de La Tentation de saint Antoine. On y voit une nuée de démons grotesques entourant le saint homme. À l’âge de 12 ou 13 ans, Michel-Ange s’inspira de la gravure de Schongauer pour réaliser la plus ancienne peinture attribuée au peintre : Le Tourment de saint Antoine.
Cliquer pour visualiser le diaporama.Toutes les œuvres sont magnifiques. Ce qui frappe au premier abord, c’est l’utilisation de couleurs pures et franches qui contrastent avec les thèmes plutôt dramatiques tirés des Evangiles. Et puis, soudain une impression de déjà-vu. Quelle surprise de se trouver face à face avec un tableau qui me paraît familier. Et pour cause, il faisait la couverture d’un livre scolaire !
Le retable d’Issenheim
Puis l’on approche de l’ancienne église conventionnelle où je savais être exposé le fameux retable d’Issenheim. Sa réputation est internationale. L’auteur de cette magnifique peinture est Matthias Grünewald. Il la réalisa entre 1512 et 1516 pour la commanderie des Antonins d’Issenheim (village situé non loin de Guebwiller). La commanderie accueillait les malades et pèlerins atteints d’ergotisme, le mal des ardents, ou « feu de Saint Antoine ». On priait le saint en vue de sa guérison et l’on suivait le régime alimentaire imposé par les moines. Ainsi, les malades priaient devant le retable dans l’attente d’un miracle de guérison.
Ce flambeau de l’art germanique vaut effectivement le détour. On est saisi par l’interprétation poignante de Grünewald.
Cliquer pour visualiser le diaporama.L’ouverture et la fermeture des volets avaient lieu en fonction des différentes périodes liturgiques.
- le retable fermé : la Crucifixion encadrée par Saint Antoine (guérisseur du mal des ardents) et Saint Sébastien (protecteur de la peste).
- la première ouverture : il s’agit du déroulement du salut. De gauche à droite l’Annonciation, l’Incarnation du Fils de Dieu (concert des anges et Nativité), la Résurrection.
- la seconde ouverture : elle est consacrée à la vie de Saint Antoine. Les sculptures se trouvant au niveau inférieur sont attribuées à Nicolas de Haguenau et à son atelier. Elles représentent les douze apôtres entourant le Christ.
Les volets du retable d’Issenheim © Louis-Garden – licence [CC BY-SA 3.0] from Wikimedia Commons
Pour en savoir plus sur la composition détaillée des panneau peints du retable.
Au premier étage : la vie rurale et urbaine en Alsace
Grimpons au premier étage pour découvrir tout autour du cloître de belles collections :
- Les arts décoratifs – mobilier du 17e et 18e siècles, faïences et porcelaines des manufactures de l’Est de la France, pièces d’orfèvrerie religieuse et profane.
- Les arts et traditions populaires d’Alsace : objets et outils de cuisine typiques d’Alsace (17e-19e s), jouets (17e- début 20e s.)…
- Ne manquez pas d’entrer dans la salle renfermant le fameux Trésor des Trois Épis. Lors de travaux entrepris en 1864 dans la chapelle des Trois-Épis, près de Colmar, on découvrit un trésor dissimulé probablement par un chapelain pendant la guerre de Trente Ans. Il s’agissait d’un chaudron de cuivre contenant des objets d’orfèvrerie pesant plus de vingt kilos : monnaies d’origines géographiques diverses, vases, coupes, des gobelets, bijoux… La salle qui l’abrite expose également diverses pièces d’orfèvrerie datant de la Renaissance et provenant d’Augsbourg, de Bâle, de Colmar, de Fribourg en Brisgau ou de Nuremberg.
- La salle des Demoiselles anglaises et son plafond peint du milieu du 18e siècle, célébrant le triomphe de Flore. La salle renferme un célèbre clavecin, construit en 1624 dans les ateliers des Rückers à Anvers par Ioannes Rückers (1578-1642).
Au sous-sol
Cave à vins au sous-sol du musée © French Moments
Descendons au sous-sol. Là sont exposées les collections archéologiques dont une mosaïque gallo-romaine du 3e siècle découverte à Bergheim. J’ai beaucoup apprécié la cave à vin et à pressoirs avec des instruments de récolte du raisin et des tonneaux.
- Pour en savoir plus sur le musée Unterlinden (dates et horaires d’ouvertures, collections, etc), visitez le site officiel.
- Un grand merci à Alexandra et au musée d’Unterlinden pour leur accueil !
Avez-vous visité le musée Unterlinden de Colmar ? Quelles sont les collections qui vous ont le plus plu ?
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