Il y a quelques mois, je vous avais parlé de notre balade dans la charmante ville de Montmorillon dans la Vienne, sur les bords de la Gartempe. Cela n'avait pas été l'unique visite de la journée : nous avions profité d'être dans la région pour découvrir un autre lieu incontournable, l'abbaye de Saint-Savin, notamment célèbre pour les fresques qu'elle abrite, inscrites au patrimoine mondial de l'UNESCO. J'ai souvent pour habitude de prendre des notes lors des visites guidées, c'est précieux ensuite quand je rédige mes articles mais surtout, cela m'aide à mieux mémoriser ce qui est dit... Or, jusqu'à récemment, j'avais égaré mes notes ! Impensable de publier cet article sans pouvoir parler de l'intérêt principal de cette abbaye. Erreur réparée aujourd'hui, j'ai trouvé mes fiches, la visite peut commencer. L'abbaye de Saint-Savin se situe sur les bords de la Gartempe. Quand on arrive dans le village en longeant la rivière, la vision est saisissante, entre le long bâtiment et la flèche du clocher : impossible de passer à côté. Le premier monastère bénédictin fut fondé au IXe siècle, sous l'égide de Charlemagne, mais l'abbatiale fut reconstruite au XIe siècle, suite à un don de l'épouse de Guillaume le Grand. Si l'église nous est parvenue, le reste des bâtiments conventuels sont, eux, bien plus récents (XVIIe siècle), n'ayant pas résisté aux guerres de Religion. On est en présence d'un mélange des genres architecturaux harmonieux, entre l'église romane, la flèche gothique et le reste plus récent, notamment une tour d'angle plutôt inhabituelle dans ce genre de complexe religieux.La fresque du "Combat des Rois", autrefois présente dans la nef de l'église, peut maintenant être admirée dans le réfectoire. Si je ne dis pas de bêtise, il est possible de rentrer dans l'église gratuitement. Mais ce serait passer à côté des explications nécessaires pour comprendre cet ensemble pictural unique au monde. L'abbaye propose ainsi des visites guidées mais également des visites libres munies d'un dépliant explicatif. Ces entrées permettent également l'accès au reste du complexe, le réfectoire et sa fresque du "Combat des rois" et également lieu d'exposition, le jardin avec son austérité et sa précision toute géométrique. Enfin, à l'étage, d'anciennes cellules de moines invitent à se plonger dans l'histoire du complexe et du contexte qui a permis l'élaboration de ces fresques, mais également appréhender le travail de restauration qui a eu lieu, une question cruciale quand on est en présence de ce genre d'héritage.Nous avons choisi d'effectuer la visite guidée, l'option la plus chère (9 €) mais à mon sens indispensable dans ce genre de lieu. Les fresques remontent à l'édification de l'église, au XIe siècle. À cette époque, l'immense majorité de la population est illettrée et ces représentations religieuses sont remplies de symboles que nous sommes incapables de comprendre de nos jours. Outre les scènes qui ne nous sont peut-être pas familières, suivant notre éducation chrétienne, la position des personnages et de leurs membres, des scènes même qui se répondent entre elles parfois, les couleurs utilisées sont riches de sens. Je ne sais pas à quel point le livret fourni pour la visite libre est détaillé mais ce qui est sûr c'est qu'en une heure de visite, nous effleurons à peine le sujet ! Tout commence dans le porche d'entrée, avec des scènes tirées de l'Apocalypse (ça donne le ton). On a ensuite l'occasion de monter à la tribune haute (un petit bonus de la visite guidée), pour voir des fresques relatives à la Passion et à la Résurrection du Christ, et surtout admirer les belles proportions de l'église avec une perspective vertigineuse.Visez un peu : 42 mètres de long, 17 mètres de haut. Ces beaux volumes sont renforcés par les vaisseaux latéraux aussi hauts que la nef principale : on est en présence de ce que l'on appelle une "église-halle". Résultat : un intérieur très lumineux, et d'imposantes colonnes qui attirent le regard vers la voûte, entièrement peinte. Pour la petite anecdote, l'église est désaxée de 4 degrés : si vous avez l'impression que mes photos ne sont pas droite, je n'y peux rien ! Pour aller plus vite, les deux extrémités de l'église furent construites simultanément et, visiblement, il y a eu quelques petits problèmes de calculs...Mais le plus gros de spectacle se situe dans la nef principale, au niveau de la voûte. En tout, une cinquantaine d'épisodes de la Genèse et de l'Exode sont ainsi représentées sur quatre bandes. Certaines sont facilement reconnaissables (la Tour de Babel, l'Arche de Noé) mais c'est loin d'être le cas de toutes pour un œil complètement novice : la visite guidée permet une lecture quasiment de chacun des tableaux, retraçant ainsi tout l'Ancien Testament. Loin d'être fastidieux (attention au torticolis quand même), l'explication des symboles donne une nouvelle dimension à ses fresques dans un état de conservation proprement incroyable. Malheureusement cela n'a pas toujours été le cas : au XIXe siècle, Prosper Mérimée "redécouvre" l'abbaye, alors à l'abandon depuis la défection des moines après la Révolution française, et, en sa qualité d'Inspecteur général des Monuments Historiques, décide d'un ambitieux projet de restauration. Or, à l'époque, on est beaucoup moins regardant sur l'exactitude de la restauration : c'est ainsi que l'on a trouvé quelques aberrations, des décennies plus tard, comme Ève qui, dans une scène qui jardin d'Eden, se retrouve grimée en homme et affublée d'une barbe. Il était ainsi courant de combler les scènes et repeindre ce qui avait disparu au fil des siècles. Désormais, hors de question de combler les trous, la restauration passe avant tout par l'entretien de ce qui est parvenu jusqu'à nous. Autre ajout datant de cette époque : les élégants, reconnaissons-le, motifs colorés qui habillent les colonnes, une pratique alors très répandue. Il se pourrait par contre qu'à l'époque romane elles aient également été peintes, car des traces ont été retrouvées. La visite se termine ensuite librement au niveau du chœur, qui présente également quelques particularités architecturales, comme le fait d'être surélevé : en dessous on trouve en effet une crypte, également recouverte de fresques. Dix colonnes l'entourent, supportant une voûte étoilée, autre héritage des "restaurations" de Mérimée. Mais, modifications ou non, on ne peut que saluer son travail qui nous permet, près d'un millénaire plus tard, d'admirer ces fresques.Abbaye de Saint-Savin-sur-GartempePlace de la Libération86310 Saint-SavinEn conclusion, je ne résiste pas à mettre deux photos prises sur les bords de la Gartempe, avec notamment ce pont datant du XIIIe siècle que l'on aperçoit en entrant dans la ville.
Les fresques de l'abbaye de Saint-Savin
L'auteur de l'article : ailleurstoujours
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