Ce matin en attendant devant la preschool, alors que j’essayais en pure perte de calmer vaguement WizzBoy qui sautait partout comme un ressort épileptique, j’ai encore eu droit à « oh, vous lui parlez toujours en Français? » …j’ai été admirable, je n’ai pas mordu la maman qui m’a fait la remarque (Ben oui, WizzBoy a des antécédents familiaux niveau agitation). Depuis le brexit, j’ai tendance à être un chouïa susceptible sur la question. Mais après la réflexion du Papa à l’école primaire que ne comprenait pas pourquoi je parlais Français à mes enfants parce qu’il croyait que j’étais grecque, je prends la peine de discuter face à ce genre de questions, plutôt que de montrer directement l’étendue de mon vocabulaire en anglais. Ce monsieur ne critiquait pas du tout le fait que je parle en Français à mes enfants, c’est juste qu’il ne voyait pas pourquoi. Ça lui paraissait bizarre pour une grecque (je n’ai toujours pas compris d’où ça sortait. Je n’ai rien contre être grecque, mais je déteste les feuilles de vigne farcies). Surtout qu’il croyait aussi que Marichéri était irlandais. Bref, je parle français à mes enfants en public, ça provoque des réactions diverses et parfois inattendues.
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En l’occurrence, j’aurais eu tort de m’énerver, cette maman trouvait ça « fôôôôrmidable. » C’est plus gentil que celle qui trouvait ça scandaleux, mais je ne comprends ni leur enthousiasme ni leur racisme. Je suis française, je parle français à mes enfants. C’est naturel, ce n’est ni pour provoquer l’admiration ni l’indignation des mamans anglaises. Déjà, Marichéri (qui n’est pas irlandais) et moi n’avons jamais pensé à nous parler en anglais en privé. Ça serait bizarre…du coup, on a naturellement continué à parler français à la maison quand L’Ado est arrivé, sans se poser de question. Et on continue. Bon, avec les années, ça a évolué en un espèce de franglais familial assez incompréhensible pour les non-initiés. Mais on ne parle toujours pas anglais à la maison, même devant un match de foot télévisé et commenté en anglais, même en discutant d’un article qu’on lit en anglais… Du coup en public, c’est pareil. Attention, si la conversation concerne un tant soit peu les personnes autour, évidemment, on passe à l’anglais. Mais sinon, est-ce que de parfaits inconnus qu’on croise dans la rue ont besoin de savoir ce qu’on a mangé à midi, que PrincesseChipie s’est disputé avec sa copine mais elle s’est réconciliée, ou que WizzBoy est content parce qu’il a fait un gros pipi?
Je n’ai jamais parlé anglais en privé à mes enfants parce que je ne veux pas non plus qu’ils héritent de mon accent franchouillard. Et surtout dès qu’ils commencent l’école ou la preschool dans le cas de WizzBoy, l’anglais prend le dessus, c’est leur langue de socialisation. Pour les aider à être bilingues, il n’y a pas de secret, il faut pratiquer le français. J’ai rencontré souvent des parents quand j’enseignais à l’école francophone qui ne comprenaient pas pourquoi leur petit génie ne parlait qu’anglais et n’avait qu’une très vague compréhension du français. Et vous parlez quelle langue avec eux? Ben, l’anglais… (un anglais bourré de fautes à la française en plus). Désolée, mais on ne transmet pas une langue comme le strabisme hérité de mamie Paulette. La langue n’est pas inscrite dans l’ADN. Si on veut que ses enfants soient bilingues, il faut y travailler un peu. Après c’est une question de choix personnel. J’estime qu’être bilingue de naissance, quelques soient les langues pratiquées est une chance énorme, je n’allais pas en priver mes enfants. Au contraire. Bref, je parle français le plus possible avec eux, à la maison naturellement, et en dehors, dès qu’il s’agit de conversations privées qui ne regardent personne d’autres que nous. Ce n’est ni pour narguer ni pour exclure les anglais.
Bon cela dit, l’asociale pathologique que je suis aime bien aussi cette façon de recréer une petit bulle privée, juste à nous même en pleine foule, simplement en changeant de langue. Bien sûr, les dangereux pervers déséquilibrés qui se mêlent de tout curieux peuvent surement comprendre vaguement en écoutant bien (beaucoup font Français au collège). C’est pas grave. On ne parle pas Français en public pour contrarier les anglais mais pour notre confort personnel. On ne cherche pas à exclure les anglais du tout mais nos conversations privées dans le train, au supermarché ou devant à preschool ne concernent que nous. On ne refuse pas de s’intégrer, on n’aime pas les harceleurs psychotiques curieux, quelque soit le pays ou la langue. La preuve en France, on fait la même chose, en parlant anglais en public!