Are we still French, really?

Publié le 28 décembre 2016 par Pomdepin @pom2pin

Il fait très froid, mais comme les enfants sautent partout comme des écureuils épileptiques, je me suis dit hier que ça leur ferait plaisir d’aller se fatiguer un peu dans le jardin. C’est pour leur bien, d’ailleurs j’y ai aussi jeté GeekAdo, ça ne peut pas lui faire de mal de se désolidariser 5 minutes d’un écran, et L’Ado pour qu’il supervise bien sûr. Comme ça, il pourra mettre animateur de colo sur son CV. Il devrait me remercier au lieu de raler bêtement. Allez hop, tout le monde dehors, je vous regarde depuis la véranda bien chauffée. Bref, ça n’a pas loupé, ils sont toujours en pleine forme et débordants d’énergie et j’ai chopé une crève pas possible, juste en les regardant s’agiter dans le froid. Je grelotte sous trois pulls et un plaid pendant que Geekado se balade en t-shirt. Espèce d’anglais thermo-resistant! Du coup, je ressors un vieux billet mais qui est d’actualité depuis que le brexit m’oblige à me reposer cette question. Est-ce qu’on est toujours Français?  Je croyais avoir la réponse, mais depuis que je me suis entendue dire plusieurs fois de rentrer chez moi, je ne sais plus. Je pensais  être chez moi ici, visiblement je me suis trompée. Mais je ne suis pas sûre pour autant que chez moi soit toujours en France. Il ne suffit pas qu’il y ait marqué nationalité française sur un passeport pour se sentir totalement Français.


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Pour les enfants, la réponse est facile. Ils ne sont pas nés en France, n’y ont jamais vécu, ils sont britanniques d’origine française. Ils ne sont pas Français. Pourtant, administrativement, c’est leur pays. Ils n’en parlent pas la langue correctement, mais c’est pas grave. Ils ne se sentent absolument pas Français culturellement, ils aiment beaucoup le pays de Papy et Mamie et sont fiers de leurs origines, mais ça reste l’étranger pour eux. Et pourtant, PrincesseDiva et Geekado aussi, ont eu droit à « rentrez chez vous ». Où ça? En Irlande où ils sont nés? Ici? Pourquoi en France? 

 Marichéri et moi sommes sensés être complètement français. Pourtant à chaque fois qu’on va en vacances en France, on s’interroge. On s’étonne devant la moindre touffe d’herbe sur les trottoirs, ça nous rappelle notre voyage en Espagne ou en Belgique. On compare la qualité d’accueil avec nos vacances dans d’autres pays. On se surprend à parler en anglais, pour ne pas être compris par les passants. Les enfants nous demandent pourquoi les pharmacies ne vendent pas aussi du pain. On râle quand ces latins de français oublient un peu trop le « personnal space » à notre goût (en gros, quand ils s’approchent suffisamment pour qu’on sache quel fromage ils ont mangé). Quand ils parlent si forts dans les transports ou au restaurant qu’on ne peut pas échapper à leurs problèmes de couple (ou de digestion) même en s’éloignant à 200 mètres. Ils conduisent comme des fous, à droite en plus! Je ne critique pas, c’est juste pour montrer à quel point on s’est habitué à la façon de vivre britannique, tellement qu’on est surpris en France. On cherche des souvenirs typiques à ramener aussi, comme le premier touriste venu.

Quand on allume la télévision, on nage en plein exotisme. Il y a bien quelques vieux débris animateurs expérimentés, qui nous disent vaguement quelque chose (oh! Regarde, c’est le grand père de Gérard Holtz. Celui qui faisait le sport quand on était jeune…ah, ben non, c’est pas son grand père, c’est lui.) Mais non seulement on ne connaît plus personne, mais on ne sait absolument pas de quoi ils parlent. Pareil à la radio. On ne connaît ni les chanteurs ni les sujets de débats auxquels on ne comprend rien. On essaie de trouver un équivalent « chez nous ». La carte scolaire, c’est la même chose que le catchment area? Et la carte vitale, c’est la même chose avec les médecins? Ou c’est un loto de la française des jeux? Sans parler des sigles qui fleurissent partout, rien que pour nous embêter. Il y a des tas de mots bizarres qui nous plongent dans des abîmes de perplexités, surtout quand ce sont des déformations de mots anglais (une personne qui fait du people, pour nous, c’est quelqu’un de généreux qui aide son prochain, et oui).

La France nous apparaît maintenant comme la maison de campagne familiale, où on est ravi de rejoindre les cousins tous les étés, où on retrouve tendrement nos souvenirs d’enfance. On s’échange avec émotion des anecdotes oubliées autour d’une grande table. C’est sympa, on est heureux d’être là. Mais après? Je concluais cette réflexion, il y a plus de deux ans en disant qu’on s’étoufferait si quelqu’un nous disait de rester. C’est merveilleux de nostalgie, parce qu’on sait que ça ne dure pas et que bientôt on pourra rentrer chez nous, en Angleterre. Seulement voilà, est-ce que l’Angleterre est encore chez nous? Est-ce qu’on s’y sent encore chez nous? Clairement non. Alors, c’est où chez nous? On est quoi: franco-britanniques, Irlando-français, Français d’il y a 20 ans, totalement anachroniques, ou rien de tout ça?