Depuis que j'habite en Autriche, ma manière d'appréhender le voyage a changé du tout au tout. Chaque excursion devient une aventure à part entière, et rien ne me fait souvent plus plaisir que d'aller me promener à quelques minutes de Vienne : je me rendrai à l'autre bout du monde que mon excitation serait tout aussi intense. Résultat, je profite de chaque opportunité qui m'est donnée, j'ai arrêté de tout planifier des mois à l'avance et me laisse porter au gré du moment, de mes envies, de la météo... C'est comme ça qu'un samedi soir d'octobre, cherchant frénétiquement où aller passer le dimanche qui s'annonçait radieux, j'ai filé en quatrième vitesse à la gare pour m'acheter un billet "tout compris" pour passer la journée dans la Wachau.
Melk et son abbaye
Dimanche matin, sept heures et des poussières : le jour se lève sur Vienne, une belle journée s'annonce. Sauf que quelques minutes plus tard, à peine le train s'engage dans la campagne, qu'un brouillard épais nous entoure. À travers la vitre, je le devine humide et froid. C'est effectivement ce qui m'attend à Melk, ma première étape. Cette petite ville, située à une heure de Vienne sur les bords du Danube, est célèbre notamment pour son abbaye vieille de plus de mille ans. Impossible de rater ce complexe gigantesque bâti en surplomb de la ville à la façade d'un jaune flamboyant. Je décide de faire durer la montée jusqu'à l'abbaye en flânant dans les ruelles en contrebas.
L'un des plus beaux relais de poste d'Autriche paraît-il, datant du XVIIIe siècle.Il est encore tôt et la météo maussade n'invite guère à s'attarder : j'ai ainsi la ville pour moi toute seule, ou presque. J'en profite pour commencer à repérer les différents circuits thématiques proposés par la ville, quatre au total, qui sont symbolisés par des dalles de couleur au sol et un fléchage : ville verte (vert), passé historique (rouge), ville d'eau (bleu) ou le chemin doré, qui mène de la place centrale à l'abbaye tout en offrant plusieurs beaux points de vue. C'est un mélange des trois derniers que je commence à suivre. Le centre historique de Melk n'est de toute façon pas bien grand et tous les chemins mènent à son abbaye. Pour compléter ces circuits, des audioguides sont fournis par l'office de tourisme, ainsi qu'une petite brochure (que je vous conseille, ou à défaut prendre en photo le plan général car les pancartes, notamment du circuit rouge, ne sont pas toutes très visibles et on passe facilement à côté).
L'une des plus anciennes maisons de la ville conservées dans son état d'origine.On retrouve beaucoup de fresques peintes sur les façades, représentant des scènes bibliques aussi bien que la profession du commerçant habitant là.La place de l'hôtel de ville avec ses cafés typiques. Le lion, symbole de la ville, présent sur son blason et jusque sur la porte de la mairie.La vieille pharmacie de la ville, datant de la fin du XVIIIe siècle, avec ses volets peints. Plus tard, à midi, j'en ai profité pour goûter à une spécialité autrichienne : le Kaiserschmarrn. C'est un plat sucré, à mi-chemin de la crêpe et du beignet, qui se mange... en plat principal. C'est délicieux mais un peu sucré quand même. En dessert c'est parfait ! Suivre les pavés dorés, telle Dorothy...Après quelques marches, nous voici arrivés devant l'entrée de l'abbaye, imposante et toujours aussi tape-à-l’œil, même malgré le temps plombé. Il faut dire que cette décoration baroque ne date pas de la fondation de l'abbaye mais remonte au début du XVIIIe siècle. On en retrouvera d'autres exemples à l'intérieur : malheureusement, les photos étaient interdites et je ne peux donc pas vous illustrer les merveilles qui attendent le visiteur. L'abbaye est en rénovation depuis plusieurs décennies, ce qui lui a notamment permis de retrouver tout son éclat : ces travaux sont dus aux moines bénédictins, toujours présents dans le complexe ; la messe est notamment célébrée dans l'église tous les jours. Depuis sa fondation en 1089, elle a donc été habitée sans interruption. Auparavant, un simple château fort se dressait sur le promontoire.
Après deux cours imposantes, on parvient à l'escalier des empereurs surmonté de la maxime "Constantia et Fortitudine" (avec persévérance et bravoure). La visite commence avec le musée abbatial : objets religieux sont ainsi exposés, avec une scénographie mettant en avant la vie spirituelle de l'Homme aussi bien que de l'abbaye. De belles pièces sont exposées mais je suis restée hermétique à la mise en scène : il faut dire que les explications majoritairement en allemand n'ont pas aidé. Viennent ensuite les plus belles salles : la salle des marbres, la bibliothèque et enfin l'église, toutes trois des chefs-d'œuvre de l'architecture baroque, témoignage de son important rayonnement. Cela foisonne de marbre, de dorures, de fresques, de détails à ne plus savoir où en donner de la tête. J'ai retrouvé dans la bibliothèque la même ambiance solennelle que dans
celle de la Hofburg à Vienne : outre le décor extravagant, les globes gigantesques et les rayonnages croulant sous les livres, c'est toujours très émouvant de voir en présentation, même si pour certains ce sont des fac-similés, ces ouvrages vieux de plusieurs siècles. Malheureusement ces trois endroits, aussi beaux soient-ils, manquent cruellement de panneaux accompagnant la visite : j'ai amèrement regretté de ne pas avoir patienté un peu plus pour la visite guidée.
On a également l'opportunité d'emprunter la terrasse devant l'église, offrant une belle vue sur Melk et sur le Danube en contre-bas.Le billet pour l'abbaye permet également de visiter les expositions temporaires ainsi que d'avoir accès au jardin (sinon un ticket séparé permet d'avoir accès à ce dernier). D'abord conçu comme jardin baroque, il fut ensuite transformé en grande partie en jardin à l'anglaise : on retrouve ainsi les deux styles dans le parc actuel. Une construction rose bonbon ne manque pas d'attirer l’œil : ce pavillon baroque abrite désormais un café et l'intérieur est décoré de belles fresques, celles-ci qu'il est possible de prendre en photo. Derrière, rejoignant le bord du promontoire, de nouvelles vues sur le Danube s'offrent au visiteur.
L'abbaye est ouverte toute l'année, l'hiver seulement en visite guidée. Se renseigner sur leur site pour les horaires d'ouverture.Croisière sur le Danube
Vient ensuite le moment de quitter la terre ferme pour embarquer pour une croisière d'un peu plus d'une heure et demie sur le Danube. C'est l'occasion de découvrir enfin la Wachau, cette vallée célèbre notamment pour ses abricots, et ses vignes. D'ailleurs, l'abricot est ici décliné à toutes les sauces, que ce soit dans les plats ou dans les produits typiques que l'on peut acheter un peu partout : confiture, liqueur, etc. Depuis 2000, elle est classée au patrimoine mondial de l'UNESCO. On assiste donc à une enfilade de petites bourgades pittoresques entourées de ces paysages typiques : basse montagne aux flancs recouverts d'arbres, roche affleurante, châteaux et églises au clocher bulbeux, puis les vignes en terrasse. Le tout sous les couleurs de l'automne, en un camaïeu flamboyant d'or, d'orangé et de vert. Avançant à un vrai rythme de croisière, on peut ainsi profiter tranquillement des paysages qui défilent et faire le plein d'images bucoliques.
Le château Schönbühel.Devant nos yeux s'étale l'Autriche des cartes postales, celle qui vient à l'esprit quand on évoque son nom : paisible, naturelle, comme figée dans le temps. C'est à la fois charmant et terriblement frustrant de découvrir la Wachau depuis le Danube : on voudrait pouvoir s'arrêter, ici visiter ce village, là partir en randonnée à l'assaut d'une colline dont le sommet semble promettre une vue merveilleuse mais sur le Danube cette fois. Chaque château fait pousser et des "ah" et des "oh" et on maudit le brouhaha des autres touristes recouvrant les explications sortant des haut-parleurs. Depuis le bateau, on aperçoit peu de trafic, la vallée semble préservée... ou est-ce simplement la basse saison qui veut ça ? En tout cas, il ne faut pas longtemps pour être conquis par le charme serein de la Wachau. Bien avant d'arriver à destination, je me suis fait la promesse de revenir au printemps ou à l'été, sur plusieurs jours, pour la découvrir vraiment, et ne pas l'effleurer simplement. Bus, train, vélo... Les moyens de transport ne manquent pas, même quand on n'a pas de voiture à disposition.
Les ruines du château d'Aggstein, culminant à plus de 1 000 m.Spitz et son château, premier arrêt du bateau.Vient ensuite Dürnstein, son château en ruines et son abbaye à l'église bleue. Après celle de Bratislava, j'étais très étonnée d'en retrouver une seconde, surtout dans un lieu tel que celui-ci ! La ville est connue, entre autres, pour avoir été le lieu de captivité de Richard Cœur de Lion.Krems
Krems, dernière étape de cette journée, est la ville la plus importante de la Wachau. Elle est en fait composée de plusieurs villages. Deux endroits sont particulièrement intéressants : au sud, il y a d'abord Stein, ancienne commune indépendante. Pour le rejoindre, rien de tel que rebrousser chemin et longer le Danube sur la promenade aménagée. Il suffira ensuite de se perdre dans les petites ruelles du centre historique en remontant vers Krems. Entre deux habitations, on aperçoit les vignes, en surplomb : les premiers heuriger, ces tavernes typiques, ne sont pas très loin.
Façades patinées par le temps, vieilles portes en bois, cours intérieures, cafés aux terrasses ensoleillées et ateliers d'artistes : même si on était dimanche, il faisait bon flâner dans les petites rues de Stein. L'animation y était tranquille, mais pas inexistante, de quoi prolonger pour un temps encore le rythme paisible de la croisière. Pas de voiture, juste le bruit de la vie quotidienne. La Steiner Landstrasse, la rue principale, est immanquable, flanquée de ses belles maisons bourgeoises.
En remontant petit à petit vers le centre historique de Krems, on traverse les avenues plus cossues, aux façades multicolores et immeubles plus imposants. L'entrée de la vieille ville de Krems est marquée par l'imposante Steiner Tor, datant de 1480. Derrière s'étire l'artère principale. Si elle ne manque pas de charme, avec ses maisons d'époque, c'est aussi là que sont regroupées toutes les enseignes commerçantes. Pour un peu plus d'authenticité, ou du moins échapper à ce mélange d'ancien et de moderne, il vaut mieux rejoindre les ruelles perpendiculaires. C'est encore là que les plus belles découvertes attendent. La vieille ville regorge de surprises, et il ne faut pas hésiter à partir à l'assaut de ses rues en pente.
L'église des Piaristes, qui domine la vieille ville. En ce dimanche de fin d'après-midi, alors que la lumière déclinait, j'avoue néanmoins que ce n'était guère le moment le plus propice pour découvrir la ville. L'ambiance paisible d'il y a quelques instants, réchauffée par les derniers rayons du soleil, se transformait petit à petit en une impression d'abandon : rares passants, rideaux baissés, vitrines éteintes... Plus question de flâner le nez en l'air, mais plutôt une impression de tourner en rond, comme quand on se force à profiter d'un endroit quand l'instant de grâce s'est terminé. Le signal qu'il est temps de rentrer, sans sentiment de regret mais au contraire, celui d'une journée bien remplie et riche de promesses futures. Cette journée fut un bon prologue : comment ne pas tomber sous le charme un peu désuet de la Wachau ? Bientôt, il sera temps de prolonger l'expérience.
Infos pratiques
Depuis Vienne, il existe donc un billet combiné vendu par l'ÖBB (uniquement en gare). D'un montant de 52 €, il comprend :- l'aller/retour depuis Vienne ; vous avez le choix de vous rendre en premier à Melk ou Krems. Attention les gares d'aller et de retour ne sont pas les mêmes ; tous les trains ne sont pas directs, il y a parfois une correspondance à Sankt Pölten ; le choix des horaires est libre ;- l'entrée pour l'abbaye de Melk ; si vous voulez profiter de la visite guidée, il faudra payer le supplément ;- la croisière sur le Danube, entre Melk et Krems. Il est possible d'emprunter deux compagnies, qui se trouvent au même point d'embarquement et dont les horaires sont sensiblement similaires. Attention aux horaires des bateaux, surtout en basse saison ; en été, avec la fréquence plus élevée, il est apparemment possible de s'arrêter en route (par exemple à Dürstein) et remonter ensuite au prochain passage pour finir la croisière.Ce billet est valable une dizaine de jours après l'achat : cela veut dire que vous n'êtes pas obligés de tout faire la même journée. Par contre, il n'existe que d'avril à octobre. L'offre a disparu du site d'ÖBB vu que la saison 2016 est terminée mais vous avez quelques infos sur celui de Blue Danube, l'une des deux compagnies de croisière.