C'est avec beaucoup d'appréhension mais aussi un petit peu d'excitation que j'inaugure un nouveau projet que j'espère bien pouvoir mener sur la durée : "Errances viennoises" est un programme court en vidéo pour vous amener à la découverte d'un lieu, d'une coutume ou d'une facette, tout simplement, de Vienne, de manière peut-être plus parlante que par une série de photos et un long blabla. Chaque vidéo sera évidemment accompagnée d'un article plus détaillé sur le sujet en question mais a pour vocation de se suffire à elle-même. Je vous invite donc à poursuivre votre lecture pour en apprendre plus sur l'endroit de ce premier numéro ! Quelle drôle d'idée d'aller visiter un cimetière, pourriez-vous dire ! En temps normal, je serais bien d'accord : je n'ai pas de fascination spéciale pour la mort ni d'attrait particulier à me promener entre les tombes. J'éprouve d'ailleurs toujours une certaine gêne à l'idée de me balader dans ce genre d'endroit, comme s'il n'était pas correct d'apprécier un lieu synonyme de tristesse et de deuil pour ceux dont les proches reposent ici pour l'éternité. Ne pas gêner, rester pudique, faire preuve de respect... tout en se sentant terriblement déplacée. Car oui, certains cimetières méritent que l'on surmonte ses à priori, comme le cimetière central, l'un des plus célèbres de Vienne. C'est désormais un lieu de promenade à part entière. L'un des deux piliers du portail de l'entrée n° 2.Le cimetière central de Vienne fut construit entre 1871 et 1874 sur la commune de Simmering, à l'époque éloignée de la ville. Cette décision fait suite à la fermeture des cimetières à l'intérieur de l'ancienne ceinture de remparts autour de Vienne à la fin du XVIIIe siècle (le fameux Gürtel de nos jours) et à l'approche de la pleine capacité des cinq cimetières communaux édifiés en banlieue suite à cette mesure. L'idée ? Trouver un terrain suffisamment grand qui puisse fournir une capacité d'accueil presque illimitée, malgré une démographie toujours en hausse. À sa construction, le cimetière central était le plus grand d'Europe. Désormais, il se hisse à la 2e place (juste derrière celui d'Hambourg), avec une superficie de plus de 240 hectares. Agrandi sept fois depuis son inauguration, il abrite aujourd'hui plus de 300 000 sépultures pour 3 millions de défunts.Plusieurs portes permettent d'accéder au cimetière central, la plus fréquentée étant l'entrée n° 2, avec son imposant portail art nouveau, desservie par les tram 6 et 71. D'ailleurs, si d'aventure quelqu'un vous souhaite "de rentrer à la maison avec le 71" (mit dem 71er heimschicken) méfiez-vous, on ne vous veut pas que du bien ! Le cimetière étant tellement grand, il est possible d'y circuler en voiture ; une navette de bus en fait également régulièrement le tour et part de la porte n° 2. Enfin, preuve du côté touristique du lieu, il est possible de s'offrir une tournée en calèche (entrée 50 et 80 € selon la durée) pour découvrir le cimetière et notamment ses habitants célèbres ou alors, beaucoup plus économique, de louer un audioguide (7 €).Ce jour-là, je n'ai pas eu l'occasion de m'aventurer bien loin (une journée ne suffirait pas à en découvrir tous les recoins) mais le cimetière central ce n'est pas que des tombes alignées à perte de vue. Ses larges allées, immortalisées dans Le Troisième Homme d'Orson Wells, délimitent différents secteurs numérotés, dont certains regroupent des défunts de même confession (on y trouve ainsi un cimetière orthodoxe, un cimetière juif, un cimetière musulman, etc. qui peuvent soit avoir une délimitation très précise soit n'être qu'une enclave au sein du cimetière principal). On y trouve également le musée des pompes funèbres ainsi que des jardins aménagés, comme le dernier en date près de la porte 3, le jardin du repos et de la force (Park der Ruhe und Kraft). Au bout de l'allée centrale (depuis la porte n° 2), la crypte présidentielle, où reposent les chefs de l'État depuis 1945.L'un des attraits touristiques du cimetière ce sont bien évidemment les personnalités célèbres qui y reposent. Cette mesure remonte à quelques années après son aménagement : fortement impopulaire, il fut décidé d'y déplacer les sépultures d'hommes célèbres, tels Beethoven ou Schubert, pour redorer son image. On y trouve ainsi des musiciens mais pas que : artistes, hommes de lettres ou de sciences, etc. Anonyme sou personnalités, certaines sépultures rivalisent de faste et de luxueux détails ; certaines sont carrément insolites, comme le piano en marbre blanc qui accueille l'urne du pianiste Udo Jürgens ou encore la sculpture moderne qui marque celle de l'artiste viennoise Franz West. De gauche à droite, les tombes de Beethoven, Mozart (en réalité un simple monument funéraire) et Schubert.À droite, celle de Johann Strauss.Autre immanquable du cimetière : avec sa position quasi centrale, l'église Saint-Charles-Borromée, édifiée en 1911 attire tous les regards. Ses plans furent réalisés par Max Hegele, qui introduisit sa construction dans un complexe architectural beaucoup plus vaste, comprenant notamment les deux piliers d'entrée du portail n° 2 et les morgues attenantes, et incluant les deux allées couvertes en brique abritant des cryptes qui avaient été construites quelques décennies auparavant. Ses dimensions sont plutôt impressionnantes : deux églises (une inférieure, faisant office de crypte, et celle supérieure), 58 m de haut dont 39 m sous la couple. La décoration intérieure, art nouveau, a été réalisée par de nombreux artistes et est quasiment intégralement d'origine (ne manque que les cloches et des vitraux du côté ouest, respectivement fondues et perdus durant la Seconde Guerre mondiale, dont les bombardements abîmèrent aussi la toiture). Pour plus d'informations sur les symboliques représentées dans l'église ainsi que le détail des différents vitraux ou fresques, je vous invite à lire ce document que l'on trouve sur le site de l'église. Le vestibule.La magnifique coupole étoilée.Loin d'être triste, cette balade au cimetière central fut au contraire empreinte de mélancolie et de sérénité. Je ne sais pas à quoi il ressemble le reste de l'année mais à l'automne les arbres se parent de mille et une nuances de vert et d'orangé, créant une atmosphère presque chaleureuse. Pendant quelques minutes, on en oublierait presque où l'on est, à simplement marcher dans les allées recouvertes d'herbe, à admirer les jeux de lumière entre les branchages ou simplement perdre son regard dans les grandes allées rectilignes, qui invitent à la méditation. Une sortie insolite, certes, mais intimement liée à l'histoire de Vienne. Et assurément, une expérience mémorable. Cimetière centralSimmeringer Hauptstrasse 2341100 WienArrêt : Zentralfriedhof 2.Tor (lignes 6 et 71)