Ce n’est pas trop la joie en ce moment, on ne peut pas dire que j’ai le moral. Je m’énerve toute seule à rabâcher à cause de ce fichu brexit qui a foutu en l’air notre avenir et celui de nos enfants. Enfin non, qui a foutu en l’air nos plans mais on va en faire d’autres, dès qu’on y verra plus clair. Après tout, ça fait 20 ans qu’on s’adapte, et on s’en sort à chaque fois, entre les grossesses intempestives (on avait prévu de faire un seul gamin, vers trente ans. On l’a fait, entre autres…), les changements de pays, et tout ça…
Il y a un peu plus de 20 ans, en rentrant du Mexique et avec l’idée d’y repartir rapidement, j’ai commencé un boulot en région parisienne, pas un truc génial mais ça occupe. On était tous à peine sortis de l’université là dedans (ou de l’école de commerce), il y avait une ambiance assez cour de récré. Avant la fin de la première semaine de formation, on a vu débarquer un espèce de geek géant à lunettes qui a commencé à nous expliquer des histoires de statistiques incompréhensibles. Le pire, c’est que ça avait l’air de l’enthousiasmer, lui. On était assis, il était debout 15 mètres plus haut. Bon. Le lundi suivant, après m’être emmêlée dans les horaires du RER, j’ai débarqué avec une demi-heure d’avance. Par la suite j’ai réitéré la chose volontairement, parce que le lundi, on avait droit à des croissants gratuits à la machine à café, mais il fallait arriver tôt pour qu’il en reste. Je suis tombée sur le géant statisticien et son pote, un petit rondouillard (hello, L.!!!) il paraît que tout le monde les surnommait Laurel et Hardy… Euh…avec quand même 20 ans de moins, mais bon. Bref on a pris café et croissant ensembles, on a discuté et on a bien ri. On a recommencé tous les trois tous les lundis matins. Et on s’est retrouvé d’autres matins juste pour un café, à cause de ma peur pathologique d’être en retard. Finalement, il est assez sympa, le geek géant. Voilà. Voilà.
Il s’occupait aussi des vacances. J’ai eu besoin d’un jour, je suis allée le voir. Je maintiens qu’il a fait exprès de me dire de m’assoir alors qu’il n’y avait pas de chaise (à part la sienne). Forcément, je ne pouvais que me percher sur son bureau. Non? Ça nous a permis de nous parler à la même hauteur d’ailleurs, pour la première fois. Il est vraiment sympa ce garçon. Voilà. Voilà. J’ai eu besoin d’aide pour un projet, une sorte d’étude de concurrence avec des stats. Je me suis dit que ça devait être son truc. Ça l’était. On a bien ri, à se moquer des autres qui n’y comprenaient rien (oui, je ne suis pas geek mais bon, j’aime bien les maths aussi. Étudiante je faisais du calcul matriciel pour me détendre…). Il n’y a pas à dire, il est vraiment extrêmement sympathique. Voilà. Voilà.
Comme on était donc toute une bande à peu près du même âge, à partir tous en Irlande pour le boulot qui était notre premier emploi, on était toujours en mode étudiants en fait, on se retrouvait le week-end, on faisait des fêtes. Il paraît qu’une fois, j’étais un peu éméchée, mais je ne vois pas. Et le geek sympa est arrivé à ce moment là. Il a passé la porte et j’ai su que je ne repartirai pas au Mexique. Ça tombe bien, il s’est à peu près dit la même chose en même temps, Mexique en moins. Voilà, voilà….je vous laisse, ce soir on laisse les 5 gamins à la maison sous la tutelle de L’Ado, on sort pour fêter ça.