L’automne est bien là, il prend ses quartiers, s’installe tranquillement sans rien demander à personne. Les petits matins se remplissent d’une brume humide masquant l’horizon de marronniers se déplumant comme des poules prêtes à passer au pot ; l’air me scarifie la poitrine, l’été est loin. A mi-chemin déjà entre l’été et l’hiver, le cul entre deux chaises, je n’arrive pas à me réchauffer, à température constante encore dans mon esprit ; du nez je cherche la chaleur. L’esprit comme un cheval au galop, j’essaie de me fixer à un rocher pour ne pas sombrer dans la solitude et les jours sombres, il y a encore un peu de lumière, il faut allumer quelques bougies pour y voir clair, prendre son mal en patience, regarder les jours passer, attendre que le jour se lève, qu’il se couche et se lève à nouveau.
Paris était belle aujourd’hui, sous son voile de nuages grossiers percés par un soleil éclatant, bichonnant les façades des immeubles encrassés, les maquillant le temps d’une photo ou d’un coup d’œil, avant que la pluie n’arrive et ne reparte aussitôt ; un vrai temps du mois de mars. Il aurait fallu voir ces couleurs et ces ombres, pendant que d’énormes gouttes s’écrasaient dans mon cou lorsque que j’attendais que l’averse s’arrête. Dans le petit atelier de réparation des cuivres et des bois, l’odeur de la graisse et de l’encaustique m’a enveloppé comme la bogue d’un marron, les couleurs des instruments, des chiffons propres qui servent à nettoyer cors et saxophones, les outils inconnus… J’ai changé de dimension, arraché au réel encore une fois, mon esprit et mes sens galopant dans ces quelques mètres carrés.
Et puis, comme si tout était très naturel, tu es revenue, te glissant dans cette réalité, simplement.