J'ai enfin trouvé la lac idéal pour se baigner à Berlin. Il s'agit du Grunewaldsee. Au milieu de la forêt, l'eau du lac est transparente et le sable accueille les pieds douillets. Seul problème... c'est une plage pour les chiens. Ils s'y baignent, s'y rencontrent, s'y entrelacent, s'y battent et y folâtrent.
En cette exceptionnelle journée de septembre où les températures frôlaient les 30 degrés, nous avions traversé Berlin d'Est en Ouest, suivis l'autoroute des vélos Berlin-Leipzig du parc Gleisdreieck au Naturpark Südgelande, découvert la paisible banlieue de Steglitz et enfin atteint le chateau de chasse de Grunewald.
Le Jagdschloss Grunewald, plus ancien château prussien de Berlin construit en 1542 au bord du lac, est de taille modeste. On peut entrer dans sa cour qui abrite une scène pour les spectacles d'été, la terrasse d'un café et une sculpture de sanglier dévoré par des chiens de chasse.
C'est là que les chiens arrivent dans notre journée. A partir de ce moment nous en serons entourés. Un chien aboie. Attaché à une grille, il semble abandonné par son maître, peut être en pleine visite du musée de peintures et de chasse créé dans le château ? Jaloux des autres cabots, loyalement accompagnés de leur partenaire à deux jambes, le chien seul pleure bruyamment. Sa plainte lancinante est le fond sonore de notre piètre déjeuner acheté au café du musée. Nous nous rendons compte que nous faisons partie des rares personnes qui n'ont pas de chien. Cette impression se renforce quand nous entreprenons de longer le lac bordé de roseaux et se confirme quand nous arrivons à l'idyllique plage.
Les seuls nageurs ont 4 pattes. Ceux qui en ont deux restent sur le sable, ou vont jouer avec leurs chiens tout habillés. On se demande pourquoi ils ne sont pas en maillot de bain. La réponse à cette question, c'est le cri de souffrance d'une femme aux jambes découvertes. Elle joue au freesbee dans l'eau avec un ami. A chaque lancé, une meute se déplace vers l'un ou l'autre des joueurs pour intercepter l'OVNI. Et parfois les jambes de la femmes font office de parchoc pour les griffes. Mais ça n'a pas l'air de la déranger outre mesure et elle continue à jouer bravement.
Intrigués et émerveillés par le lieu malgré la surpopulation canine, nous étendons notre plaid sur le sable, pour le plus grand bonheur des chiens qui s'y installent avec béatitude. On essaie de les en dégager. Les propriétaires nous envoient leur excuses extatiques mais ne nous aident pas. On abandonne notre couche à la meute et tentons une baignade. Délicieux moment dans l'eau tiède de cette fin d'été, peut être notre dernière brasse de l'année... Nous retournons à notre serviette et profitons du spectacle de la plage. Impossible de s'ennuyer avec toute l'action qui s'y déroule : un petit chien essaie de séduire un grand, trois autres caniches se courent après et font voler du sable sur leur passage, un molosse bondit au-dessus des flots pour chercher le projectile habilement jeté par son maître à l'aide d'un lance-balle, un dalmatien snob a décidé de ne pas se mélanger aux autres et restent ostensiblement en retrait, au grand dam de son propriétaire qui voulait s'amuser.
Si vous craignez les chiens, n'y allez pas, si vous les adorez, précipitez-vous. Si vous n'avez pas d'avis particulier, cette plage vaut le détour. De retour devant mon ordinateur j'ai eu l'explication sur cet étrange lac. La baignade y est interdite depuis 2004 et au moins jusqu'à fin 2016, l'objectif étant de reconstituer son écosystème. Du coup ce sont les chiens qui ont remplacé les humains. Mais cela ne plaît pas à tout le monde et une bataille politique s'est engagée entre les riverains hostiles à cette invasion canine et les maîtres.