Cher journal,
😉 ça c’est la grosse blague! Mais en vérité, j e tente ici un genre nouveau dans ce blog: le récit pure du quotidien. Non pas que je crois que ma vie soit exaltante au possible mais parce que vous avez été plusieurs (allez, je tente le « nombreux »? ça fait tout de suite plus sérieux) à me demander des nouvelles, fréquemment, pendant mon séjour en Inde.
Alors je me plis avec joie à ce nouvel exercice et j’attends votre retour avec impatience! C’est parti!
Quand je quitte Fred à la gare de Grenoble, et bien que cette étape ne s’annonce pas bien compliquée, je réalise soudainement que je vais voyager SEULE (« mais qu’elle est con! » je sais, c’est ce que vous vous dites!).
C’est la première fois depuis bien longtemps (genre 10 ans) que je voyage seule.
Et surtout, c’est la première fois que je suis tétanisée par un voyage. Normalement je saute comme une puce. Et bien non. Là, je suis terrorisé par le trajet qui m’attend. Car non ce n’est pas le voyage qui me fait peur, mais le trajet. Le fait de devoir prendre l’avion, d’être en transit, de ne pas louper ma correspondance en me distrayant dans un magasin (Fred se rappelle d’un épisode du genre où mon nom a été scandé dans tous l’aéroport…pendant que Fred était prêt à embarquer!), traverser Delhi en tuk-tuk, prendre le train (en Inde!), et puis accessoirement arrivé de nuit et devoir négocier un taxi pour les 3 dernières heures. Mais chut! Ne racontons pas déjà la suite de mes aventures!
Alors je passe mon épisode à Paris, j’y ai revu des potes, c’était donc super sympa, on a fait des blagues et des jeux de mots d’un niveau très soutenu et digne de notre Bac +5, bref nos retrouvailles étaient rafraîchissantes! Vive Planet Fun! (ça c’est de la dédicace perso à mon assoc d’Ecole de commerce!)
C’est parti pour l’avion!
J’ai dormi 5h et zouh, direction Aéroport Roissy Charles de Gaulle. Et c’est là que ça se gate! Bizarrement, je me suis sentie prisonnière, étrange pour quelqu’un qui adore les voyages, non? Prisonnière car impossible de faire marche arrière. Non pas que j’en avais envie, mais en tout cas, ce n’était plus possible à présent. Je ne me sens pas libre alors que c’est moi qui ai initié ce voyage! (un peu folle la fille, je vous l’accorde!)
A cette crainte, se rajoute la peur de voyager SEULE, genre pour de vrai! Et en Inde en plus! (non parce que voyager seule à Clermont Ferrand, ça me stresse moins, bizarrement!) Au fond de moi, je sais que j’en suis capable, que j’ai tout bien organisé (on y reviendra…). Mais je suis tétanisée par certains paramètres que je ne maîtrise pas. Autant je suis super fataliste en cas de vol, de retard, de catastrophes naturelles, autant je flippe complet face à l’idée d’une agression.
Et là, je réalise à quel point ça a été parfois fatiguant de voyager avec des enfant mais aussi à quel point c’était rassurant d’être en famille.
Mon homme était à mes côtés. Avec lui, je me sens invincible, protégée, en sécurité. Avec mes loulous, je me sens joyeuse, surhumaine. Alors avec les 3 ensemble, vous voyez un peu le tableau? 😉
Et bien là, je suis seule. Et je n’en mène pas large. Moi la pseudo baroudeuse qui revient d’un voyage autour du monde d’un an et demi! Tu parles d’une aventurière!
Nous avons l’habitude d’être complémentaires Fred et moi, donc au concret, cela signifie que je me repose sur lui pour certaines choses et inversement. Mais cela se fait si naturellement que je ne peux même pas déterminer précisément les choses qu’il fait « pour moi » « pour nous ». D’où une inquiétude face à ce vide indéterminé que je vais devoir comblé, un peu à l’aveugle!
En même temps, mon leitmotiv c’est « ce qui ne te tue pas, te rend plus fort ». Pas de hasard dans la vie! 😉 Je vais donc devoir agir comme une grande (oui parce que dans ma tête, je ne suis pas tout le temps une grande).
Dans les nuages
Le 1er vol se passe plutôt bien. Il dure 6 heures pour m’emmener jusqu’à Bahreïn. Je regarde quelques films, il y’a le repas.. et comme il fait jour, je ne dors pas, je verrais plus tard!
Arrivée à Bahreïn, 3 heures d’attente, à tuer! Moi qui m’attendais à un Dubaï, l’aéroport est en fait tout petit. Je prend un menu végétarien à Mc Do (et je prévois des prières pour ce pêché), pour me caler c’est vrai mais aussi pour accéder à internet. J’ai auparavant repéré ma porte d’embarquement, je suis organisée (et modeste), la classe! (on se rassure comme on peut!). J’en profite pour skyper Fred, qui est pris dans son quotidien de papa solo: il donne le bain aux enfants! Je profite de ce court moment et je suis à la fois boostée et le coeur brisé. (logique)
Quand je descends dans la zone d’embarquement, elle est bondée… et quasi seulement par des Indiens, ça y’est l’aventure commence vraiment! 😉
Je suis la seule blanche dans le bus qui mène à l’avion. Pour monter, c’est la queue et en Inde, c’est tous collé les uns aux autres. (genre les sardines ont plus de places dans leur petite boîte!)
Dans l’avion, je compte un couple de retraité et un autre retraité, donc 3 blancs. Tous les autres passagers sont Indiens. (et l’avion est complet). A bord, c’est le grand bazar. Chaque personne a au moins 2 bagages (enfin des cartons, des sacs plastiques géants…) et bien sûr, ça ne rentre pas dans les coffres! Les gens sont aussi visiblement assis n’importe où et c’est une blague pour moi de voir une hôtesse tenter de demander la carte d’embarquement d’un vieil Indien qui a décidé lui-même où serait sa place! Les 2 Indiens à mes côtés me dévisagent comme une curiosité. Pas d’animosité mais je suis bizarre pour eux. Normal. Mais gênant. Le trajet est court (3heures) mais bien rempli par un flot quasi continu d’annonces en tout genre. Le speech de sécurité, « bonjour du capitaine », « bonjour de l’équipage » , attachez vos ceintures, un autre pour éteindre les portables, une pub pour la compagnie aérienne, « le voyant des ceintures s’éteint, mais quand même, gardez vos ceintures », et tout ça, en 2 langues à chaque fois. grrrrr!!!!! Je regarde un film, et je constate que mes 2 potes ont les yeux scotchés à mon écran… ça sera ça pendant tout le trajet! 😉
Une personne fait un malaise à bord et l’équipage demande – en vain – si quelqu’un est médecin ou infirmier…c’est comme dans les films! Le repas est super épicé… (j’avais oublié ce détail…). Je suis explosé quand arrive déjà la fin du vol. Et je sais qu’à présent, je n’ai pas de répit! Je rassemble donc mes forces pour sortir de l’avion. Enfin, faudrait peut-être que je vous raconte l’atterrissage!
Atterrir en Inde
A peine l’avion a-t-il atterrit que 40 personnes (à la louche) détachent leur ceinture. L’avion avance encore et il est même encore en train de freiner. Perso, c’est du jamais vu. Welcome in India! Malgré les hôtesses qui crient depuis leur siège (hé oui, on ne doit pas se lever, elles non plus!), une vingtaine reste dans le couloir. Ils ont déjà leurs sacs et sont à 2 doigts de franchir la business pour s’approcher de la sortie!
Je laisse tout ce beau monde sortir, se bousculer mais tout ça dans le calme, sans aucune animosité ni grossièreté. Passage par l’immigration sans difficulté, je récupère dans la foule mon sac, et c’est parti! Je retire de l’argent et casse un billet en achetant de l’eau. Toujours utile. Je réalise avec bonheur que le métro relie l’aéroport à la gare de train de New Delhi (et je disais que j’étais organisée??) Très fière de moi, je traverse la ville en 20min!
Dans le métro, un jeune Indien me tape la causette. Par curiosité bienveillante. Je parle évidemment de Fred et des garçons mais pour lui, admettre qu’un homme reste à la maison à gérer les enfants pendant que sa femme voyage seule à l’autre bout du monde, c’est un peu un non sens! Choc des cultures! Il m’explique ensuite que les Indiens aiment les femmes Européennes tandis que les Européens aiment les Indiennes. D’ailleurs je suis très belle. Et d’ailleurs « t’aurais pas un Facebook please? ». Je lui explique poliment que ça ne va pas être possible d’être mon ami virtuel (et réel aussi). Pas rancunier, il me montre la sortie pour la gare. J’arrive du mauvais côté. Celui où il faut tout retraverser pour aller au bureau international des touristes. Je revois la même scène mais avec 2 enfants et tout nos sacs. Et je souris! Là, je n’ai qu’un petit sac à dos et mon trolley. Un parcours de santé! Mon homme a été sacrément courageux de se taper tous ces escaliers! Respect! Mais avant d’en arriver là, je contemple autour de moi. ça y’est je suis en Inde. Car l’aéroport et le métro, c’est une version bien policée de l’Inde. Là, je vois tout. Les habituels rabatteurs d’hôtels et les chauffeurs de tuk-tuk me tournent autour. Je décline froidement.
Je suis en Inde!
J’ai en effet remarqué (mais ça n’engage que moi) que la gentillesse/politesse tels qu’on les entend chez nous, sont vu ici comme de la faiblesse ou de l’hésitation. Je ne daigne même pas croiser leur regard. Ce sont majoritairement des hommes, ils sont nombreux et aucun touriste à l’horizon. Alice la sympa, ça sera une autre fois.
Le chaleur est étouffante et tandis que le soleil émerge (il est à peine 5-6h du mat), le ciel ne s’embrase pas. Il reste figé dans un blanc opaque et lourd. Je sens l’air épais. Les odeurs fortes embrasent mon nez. Je suis à Delhi, pas de doute!
Je traverse donc la gare entre les gens qui dorment, les gens bourrés, les détritus, les vaches… et j’arrive dans le fameux bureau international des touristes. Non pas que j’en ai vraiment besoin mais au moins là, il y’a des ventilos, des prises électriques et des toilettes propres: le luxe!
Bien sûr, mon train n’est pas affiché en gare et bien sûr on me dira 3 fois qu’il arrivera au quai 5, mais bien sûr je veux en être certaine et je fais la queue dans une file de réservation histoire d’être certaine! Et bien bingo, les gentils porteurs m’avaient dit vrai: ce sera donc sur le quai 5! (et tous les « bien sûr » c’est pour montrer à quel point je suis super douée, vous l’aurez compris!)
J’arrive et il n’y a personne. Enfin si! Plein d’Indiens. Mais aucun touristes. Aucun à l’horizon alors qu’il y’a pourtant tant de monde autour de moi. Comment est-ce possible? Je prends quand même un train fréquemment utilisé par les touristes. Et en moi-même, j’espérais fortement pouvoir rencontrer 2-3 personnes à qui parler. Peut-être même qu’ils iraient jusqu’à Mc Leod Ganj, ces touristes (pour partager un taxi collectif)?
J’attends donc sur le quai. Le train arrive et forcément, je n’attends pas au bon endroit (il n’y a pas de repère sur les voies…). Et quand j’arrive dans mon wagon, aucune trace de touriste. Alors bon sang, je sais que les Indiens sont nombreux, mais où sont les touristes??????
Nan parce que le plan, il va devenir foireux là. Moi je dois arriver à Pathankot par le train, vers 18h30. Donc quasi de nuit. De là, je dois prendre soit un bus, soit un taxi pour monter sur Mc Leod (entre 3 et 5heures en fonction du mode de transport) et avec Fred, on était d’accord: tu ne prends pas le taxi toute seule Alice. Pas en Inde, pas de nuit. Mais de toute façon, des touristes, il y en aura dans ton train, évidemment. Et ceux qui descendront à Pathankot, évidement qu’ils iront sur Mc Leod.
Le plan est foireux. Aucun touriste à bord. J’ai dormi 5h en 2 nuits, je m’écroule. Chaque chose en son temps. D’abord dormir. J’installe le trolley sous mes pieds, il est cadenassé. Et mon sac à dos sous ma tête. Je ferme les rideau. Adieu.
Je me réveille et réalise que mon compartiment est vide. Ce n’est pas super rassurant. Je pars explorer les autres, filant vers les autres classes pseudo VIP. Je n’y trouve personne sauf le contrôleur qui me mène encore plus loin. Wagon de tête, donc cul de sac. Aucune femme et quelques indiens étranges. Je ne reste pas et retourne dans mon compartiment vide.
Est-ce que je vous ai déjà dit que le plan était foireux? 😉
Histoire d’arranger les choses, il fait donc bien nuit quand le train arrive à Pathankot. Selon l’expression, je suis au bout de ma vie. Je veux rentrer chez moi. Et mon « chez moi » le plus proche, il est là haut, dans les montagnes près de Dharamsala! Là bas, une chambre m’attend, avec un bon lit et une douche! Je veux y aller! Et dès ce soir. Mais pas un seul touriste à l’horizon. Personne qui ne souhaite aller à Mc Leod Ganj avec moi. Je suis paumée. Les chauffeurs de taxi me tournent autour, me parlent. Je ne les écoute pas. J’ai fait une petite liste sur un bout de papier, pendant le train. Genre dans quel ordre voir les options qui se présentent. Je suis sortie du train et j’ai bien examiné, pas de moines boudhistes non plus n’en est sorti. Personne ne va à Mc Leod Ganj ce soir. Mais les chauffeurs de taxi, eux, veulent bien m’accompagner. Je tourne en rond. Dans ma tête, des blagues vaseuses: » vous avez pas un Uber par hasard ici? »… non ça marchera pas!
Tout va bien aller. C’est un peu comme un mantra, le tout c’est de le répêter
Deux indiennes viennent à mon secours et étudient les possibilités pour moi: le bus, c’est mort pour ce soir. Il faudrait donc dormir ici et prendre le 1er vers 5heures (ça me vend du rêve!). Pour le taxi, on va passer par le bureau officiel. C’est sécurisé, elles me le promettent. Le mari arrive, même conseil. Ils sont gentils, ils ont les yeux francs. Moi ça me va comme critère. Je vais donc au bureau officiel des taxis. C’est vrai qu’il fait plutôt officiel le bureau. Je complète un coupon avec mon nom, un chauffeur prend le trolley. Tout va bien aller. Je m’installe à l’arrière et regarde le coupon qu’il ma rendu: c’est celui où il y’a mon nom!!! Bon sang!
Tout va bien aller. C’est un peu comme un mantra, le tout c’est de le répêter.
J’avais dit que je ne souhaitais aucune pause pendant le trajet, je mangerais plus tard… enfin si je suis encore en vie plus tard! Le chauffeur se fait contrôler par la police qui me demande si tout va bien pour moi. Je réponds oui. Si je réponds non, il se passe quoi?
Mon chauffeur veut s’arrêter. Visiblement il doit se changer et mettre une tenue officielle de chauffeur de taxi. (car oui, j’avais oublier de préciser, il ne parle pas anglais.) Tout va bien aller. C’est un peu comme un mantra, le tout c’est de le répêter.
Nous sommes donc dans un village, dans un boui boui au bord de la route. Je commande un thé Chaï. 10Rps. Il est très bon. Je me suis brûlée. On s’en fout, je sais! On remonte dans la voiture. Je regarde passer le temps. Des virages encore et toujours. Il ne passe que rarement les vitesses. Le moteur s’étouffe presque (en même temps, en 3ème en pleine montée, qui s’en étonnerait?). Je crois que mon chauffeur est bigleux. A chaque véhicule qui arrive plein phare en face, il ralentit. Moi ça me rassure. Sauf qu’il n’a pas de lunettes. Mais au moins, il ralentit.
Je ne vous ai pas parlé des vaches? Non parce qu’en ville, c’est banal, mais sur les routes de montagnes, cachées par un virage, c’est fréquent aussi. Mais ça surprend plus.
Tout va bien aller. C’est un peu comme un mantra, le tout c’est de le répêter.
On arrive à Dharamsala. Je sens des larmes de joie se bloquer dans mes yeux. (non je ne suis pas émotive comme fille!) Je suis en vie et bientôt arrivée!
La dernière montée grimpe sévère et tourne pas mal. Je m’en fous, j’arrive! je reconnais le bas du village. Re-moment de joie. Je reconnais la place principale, comble du bonheur. Puis je vois le panneau de mon cottage. Je suis sauvée!!
Finalement, c’était pas si compliqué de voyager seule! 😉